L’équipage d’un navire loué en Grèce sera bien français, mais il reste à affiner la structure du futur actionnariat de la compagnie. L’avenir de la SNCM dépend du choix du futur opérateur industriel qui pourrait être connu d’ici la fin Mai. Décryptage par Alain Verdi.
Le Conseil de surveillance de la SNCM s’est tenu le mercredi 17 Avril à Paris. Les premiers constats de cette réunion, en présence des actionnaires et des représentants du personnel, laissent un goût mitigé.
L’équipage d’un navire loué en Grèce sera bien français, mais il reste à affiner la structure du futur actionnariat de la compagnie. L’avenir de la SNCM dépend du choix du futur opérateur industriel qui pourrait être connu d’ici la fin Mai.
Réunion en terrain « neutre »
Le Conseil de surveillance de la SNCM se tient dans un centre d’affaires du Trocadéro, dans les beaux quartiers de Paris. Il aurait pu se tenir au siège de VEOLIA TRANSDEV, l’actuel actionnaire ou bien à celui de VEOLIA ENVIRONNEMENT, qui devrait reprendre la compagnie, les deux sièges se situent à quelques pâtés de (belles) maisons de là.Mais choisir un lieu ou un autre aurait pu être interprété comme un choix fait, à l’avance. Nous verrons que ce choix n’est pas neutre.
L’autre raison évoquée, par les observateurs, est la discrétion. Dans ce dernier cas, c’est -presque- raté, car France 3 Corse et la radio publique RCFM étaient présents.
C’était bien les seuls médias.
Les syndicalistes face aux « hommes de l’ombre »
La direction de la SNCM est représentée par son staff habituel, dirigé par le président du Directoire Marc Dufour. Mais les deux hommes que les syndicalistes attendent, ce sont Jean Marc Janaillac PDG de VEOLIA TRANSDEV et Patrice Fonlladosa qui représente VEOLIA ENVIRONNEMENT, le repreneur « fossoyeur » dont les syndicats ne veulent pas.La représentation syndicale est assurée par la CGT et la CFE-CGC.
Des représentants de l’État complètent la composition de ce Conseil, en proportion de l’actionnariat actuel de la compagnie (voir ci dessous « un actionnariat à trois étages »).
Le Conseil va durer plus de trois heures, hors la présence de la presse.
Satisfactions et prudence
A la sortie du Conseil, le Secrétaire des marins CGT, Fréderic Alpozzo se montre prudent sur les discussions, à venir, sur le futur actionnariat, mais plus rassuré sur l’immédiat.Le navire VENIZELOS, qui appartient à la compagnie grecque ANEK LINES, fera l’objet d’un affrètement de longue durée (entre 15 et 17 mois).
« Cela permettra de naviguer sous pavillon français, avec un équipage de la SNCM ».
C’est une épine en moins dans le pied de la compagnie qui devait déjà gérer les difficultés administratives d’un autre navire affrété en Italie.
Même satisfaction pour ce dossier de la part d’un représentant de la CGC, Maurice Perrin.
Pas question de "remonter" vers un liquidateur
Mais sur le futur plan stratégique et l’actionnariat, le syndicaliste cadre reste ferme: « il n’est toujours pas question pour nous que l’on « remonte » chez un actionnaire qui envisageait la liquidation il y a si peu de temps ».C’est VEOLIA ENVIRONEMMENT qui est visé en la personne de son représentant Patrice Fonlladosa.
Ce dernier refusera de nous répondre, même silence radio de la part de Jean Marc Janaillac.
Pourtant, la CGC notamment estime que des responsables de VEOLIA ENVIRONNEMENT sont à l’origine de la publication de données « hostiles » à la SNCM, publiées dans le journal Les Echos du 8 Avril.
De plus, Le Figaro du 17 Avril, le jour même du Conseil de surveillance, publie un montant supposé de pertes financières de la SNCM : « 12 Millions de perte nette ».
Plusieurs observateurs estiment que les données publiées font comme si une perte menait à la faillite.
En réalité toutes les compagnies maritimes qui relient la Corse au continent français connaissent des pertes, certaines depuis de nombreuses années.
Pourtant la presse ne parle que des « ennuis de la SNCM ».
État, discrétion efficace ou double discours ?
L’État est un actionnaire minoritaire et discret de la SNCM.Après les « moulinets » du Ministre du redressement productif sur le rôle de Bruxelles dans les appels d’offres, des observateurs s’interrogent sur la capacité du Ministère des Transport à s’occuper du dossier.
La CGT a même déclenché une grève nationale le 16 Avril, jour du vote du projet de loi sur les transports qui avait été débattu les 11 et 12 Avril.
Les plus optimistes estiment que le travail du Ministre délégué aux Transports se fait sans bruit et que cette discrétion est gage d’efficacité.
La bataille des pavillons
La CGT regrette que le pavillon français dit de « 1er registre » n’ait pas été rendu obligatoire sur les lignes dites de « bord à bord » (Corse-continent).L’association Armateurs de France, au contraire, se fait le défenseur du pavillon français bis (RIF) honni par la CGT, mais au coût social moins élevé.
Des syndicalistes font remarquer que « Armateurs de France » compte parmi ses membres le principal concurrent de la SNCM qui ne possède aucun navire battant pavillon français.
Aujourd’hui, la SNCM navigue avec un pavillon français dit de 1er registre, son coût social est plus élevé, comparé par exemple au coût du pavillon bis italien de la Corsica Ferries France.
Demain, la SNCM pourra-t-elle continuer sur ce modèle alors que la loi en cour d’adoption n’a pas renforcé le pavillon de « 1er registre » ?
La question est posée.
La dernière ligne droite
Une série de rendez-vous importants va se succéder, cette année.Le mois de Mai est bien rempli : il devrait compter deux réunions du Conseil de surveillance sur l’avenir stratégique et l’actionnariat de la compagnie.
Toujours ce même mois, les élus de l’assemblée de Corse devraient se prononcer sur le nom des compagnies délégataires de la future Délégation de Service Public (DSP) pour les lignes Corse-Marseille, pour la décennie 2014/2024.
L’avenir de la SNCM est dans la balance et au delà, le sort de centaines d’emplois induits en Corse.
Un actionnariat à trois étages
La SNCM a été privatisée en 2006.L’État a vendu « sa » compagnie à CONNEX (28%) -qui deviendra VEOLIA- et à Butler Capital Partners (38%), le reste étant détenu par l’État et les personnels.
Butler Capital revend sa part, avec une grosse plus-value, à VEOLIA en 2008.
Aujourd’hui, l’actionnaire principal est VEOLIA TRANSDEV (66%), l’État (25%) et les personnels (9%).