Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls se dit défavorable au statut de coofficialité de la langue corse, votée par l'Assemblée de Corse en mai, dans une interview parue dans Corse-Matin ce lundi, jour de son arrivée pour une nouvelle visite dans l'île.
"Depuis la loi portée par Lionel Jospin, la République a donné sa place à la langue corse et l'a reconnue. Mais il n'y a qu'une langue de la République, c'est le français. Il n'est pas concevable qu'il y ait sur une partie du territoire, une 2e langue officielle", dit M. Valls dans cet entretien.
L'instauration de la coofficialité de la langue corse et du français, qui risque d'être invalidée par le Conseil constitutionnel, avait été décidée le 17 mai par l'Assemblée de Corse, au terme de deux jours de débats.
"La pratique de la langue corse va au-dela de l'attachement affectif que les insulaires ont pour leur langue. Il s'agit de l'avenir de l'identité culturelle insulaire", souligne M. Valls. "Et le gouvernement y est bien entendu attaché".
"L'Assemblée de Corse est habilitée à faire des propositions d'évolution législative au gouvernement", ajoute-t-il.
"Ce statut de coofficialité va cependant au-delà d'une modification du cadre législatif, car il concerne aussi des dispositions constitutionnelles."
En revanche, sur les évolutions institutionnelles le ministre ne répond pas.
Il est notamment interrogé sur la proposition d'aligner le statut de l'île sur celui des territoires d'outre-mer, proposition contenue dans un rapport rédigé
par des juristes dont le constitutionnaliste Guy Carcassonne, récemment décédé.
"Votre question prend une résonnance particulière alors que nous enterrons ce matin (lundi) celui qui a été mon ami et un éminent juriste.
La commission des affaires réglementaires et législatives (de l'Assemblé de Corse, ndlr) présidée par Pierre Chaubon, que j'estime, réfléchis sur l'évolution institutionnelle de la Corse.
Le gouvernement s'exprimera quand il sera saisi des propositions que lui fera l'Assemblée de Corse".
Ce rapport sur les évolutions institutionnelles a été présenté vendredi à l'Assemblée de Corse. Parmi ses propositions, une plus grande autonomie
législative notamment dans les domaines foncier et de la fiscalité.Un contexte tendu et une visite boycottée par les nationalistes et l'UMP
Les élus autonomistes de Femu a Corsica vont boycotter la rencontre du ministre de l'Intérieur Manuel Valls prévue mardi à Ajaccio avec les groupes politiques de l'assemblée de Corse, notamment pour protester contre ses propos affirmant que la violence est "enracinée dans la culture" insulaire, a annoncé lundi la formation dans un communiqué.
Le parti Femu a Corsica ("Faisons la Corse"), qui compte 11 élus à l'Assemblée (sur 51), souhaite "manifester publiquement son refus d'accepter
les propos et attitudes du ministre", attendu dans l'île pour aborder la question de la sécurité et signer la troisième tranche de 537 millions d'euros du plan exceptionnel d'investissement (PEI).
Dans son communiqué, Femu a Corsica critique les "analyses sommaires et à l'emporte-pièce (du ministre) sur les conséquences d'une prétendue "loi du silence", les discours injurieux sur les Corses et leur prétendue "culture de la violence".
Ce boycott du ministre socialiste sera suivi par le député UMP de Corse-du-Sud Laurent Marcangeli, en partie pour les mêmes raisons.
Les indépendantistes de Corsica Libera (trois élus à l'Assemblée) devaient en outre tenir lundi une conférence de presse pour se joindre à la protestation, a-t-on appris dans l'entourage du parti.
La visite de Manuel Valls en Corse intervient dans un contexte tendu, marqué vendredi par le onzième homicide de l'année et de violents affrontements à Bastia (Haute-Corse) entre des militants nationalistes d'un syndicat étudiant opposés aux forces de l'ordre.
Dans ces heurts, 21 policiers et gendarmes ont été blessés, selon le ministère de l'Intérieur, en plus d'un cameraman de France 3 Corse Via Stella dont le tympan gauche a été endommagé à plus de 50% par une grenade assourdissante.