Paul Lantieri, principal prévenu dans le procès du cercle de jeux parisien Concorde, a été condamné mercredi par le tribunal correctionnel de Marseille à trois ans de prison. Contre le financier suisse François Rouge, le tribunal a prononcé une peine de 18 mois de prison. Roland Cassone est relaxé.
En juin, le ministère public avait requis cinq ans à l'encontre de ce quinquagénaire, réapparu le 27 mai au premier jour d'audience après cinq ans et demi de cavale.
Des rivalités musclées
La justice lui reproche d'avoir dirigé le cercle de la rue Cadet (XIe arrondissement), dont la gestion fut émaillée de malversations multiples au cours de sa courte existence, de son inauguration en grande pompe fin 2006 jusqu'à sa fermeture fin 2007 sur fond d'arrestations.Lantieri aurait aussi été au coeur de rivalités musclées que les gains mirobolants de l'établissement - la somme de 15.000 euros par jour a été évoquée au procès - ont suscitées entre clans corses.
Pour l'accusation, "deux légitimités" se sont affrontées au Concorde: l'une financière autour de Paul Lantieri, un spécialiste du monde de la nuit associé au banquier suisse François Rouge, et l'autre administrative autour de feu Edmond Raffali, qui, par son entregent politique, avait obtenu l'autorisation d'ouvrir un établissement aux contours pourtant opaques.
L'interpellation de membres présumés du milieu corso-marseillais, mais aussi de Paul Barril, l'ancien numéro deux du GIGN, la fuite de M. Lantieri et un meurtre non élucidé en marge de l'affaire, donnèrent tout son retentissement à l'affaire.
Les preuves ont manqué
Mais de l'aveu même du parquet, qui a requis cinq relaxes et exonéré partiellement certains prévenus, les preuves ont manqué, notamment en matière d'extorsion et de recel d'abus de confiance, réduisant l'essentiel de l'affaire à des infractions à la législation sur les jeux et aux règles fiscales.Quatre ans ferme ont été réclamés à l'encontre du Corse Jean-François Federici, l'un des "supplétifs" réquisitionnés pour régler les querelles internes au Cercle par le camp Raffali, qui finalement fit main basse sur les lieux; trois ans ferme contre François Rouge et un an ferme contre Roland Cassone, l'un des parrains présumés de la pègre marseillaise, qui aurait aussi joué les arbitres.
Les autres peines de prison requises à l'encontre des autres protagonistes vont de 10 mois avec sursis (pour Paul Barril, absent au procès) à deux ans ferme, parfois assorties d'amendes (de 5.000 à 100.000 euros) et d'interdictions d'exercer.
L'administration des douanes a pour sa part réclamé que les prévenus qui seront reconnus coupables des infractions relatives à la tenue d'une maison de jeux, soient condamnés solidairement à payer un total de 14 millions d'euros de droits fiscaux et de pénalités.
Me Michel Pezet
Avocat de Paul Lantieri
Roland Cassone
Me Lionel Moroni
Avocat de François Rouge
Reportage: Jean-François Giorgetti et Emmanuel Zini.
20 personnes étaient poursuivies
Contre le financier suisse François Rouge, le tribunal a prononcé une peine de 18 mois de prison (quatre ans dont un an avec sursis avaient été réclamés) et une amende de 100.000 euros.L'ex-gendarme Paul Barril, ancien numéro 2 du GIGN, a été relaxé (dix mois avec sursis et 5.000 euros d'amende requis), de même que Roland Cassone dans le dossier strict du cercle Concorde (un an ferme et 10.000 euros d'amende requis).
Ce parrain présumé de la pègre marseillais a toutefois été condamné à 10 mois pour détention d'armes (six mois requis).
Huit relaxes ont au total été prononcées et certains chefs de poursuite, notamment en matière d'extorsion et de blanchiment, abandonnés.
Au total, 20 personnes étaient poursuivies dans cette vaste et sombre affaire de luttes entre clans corses pour le contrôle de l'établissement.
Selon les juges d'instruction, le Concorde, censé "promouvoir l'idéal républicain", servait en réalité à blanchir l'argent illicite de partenaires occultes, qui ont fini par se disputer cette "poule aux oeufs d'or".
Mais ce dossier, d'un "affairisme sournois et assassin" selon le parquet, aura finalement été réduit à l'issue de trois semaines de procès à une série d'infractions à la législation sur les jeux et aux règles fiscales.
NDLR: Sur les différents acteurs de cette affaire et sur les liens que celle-ci peut entretenir avec divers dossiers judiciaires plus ou moins récents, on lira avec intérêt le tout dernier ouvrage du chercheur Thierry Colombié: Les héritiers du Milieu, au coeur du grand banditisme, de la Corse à Paris.