C'est sur son témoignage que repose l'accusation: la cour d'assises d'appel de Paris s'est penchée mardi sur les "aveux" de Cédric Pieri qui comparaît avec Antoine Santoni pour l'assassinat en 2008 d'un restaurateur corse.
"Pieri se sentait coupable de ce qui était arrivé à la victime. Il voulait soulager sa conscience", a expliqué à la barre André Capella, commandant de police qui a suivi l'enquête.
Cédric Pieri avait désigné durant sa garde à vue Antoine Santoni comme l'auteur de l'assassinat avant de se rétracter devant la cour d'assises de Haute-Corse, en première instance, et de désigner deux hommes dont il n'a pas voulu donner le nom en invoquant de possibles représailles.
Les deux accusés ont été acquittés en Corse mais le parquet a fait appel.
Le corps de Michel Bastiani-Mahjoubi, criblé de chevrotines avait été découvert le 7 juin 2008 en contrebas d'une route départementale sur la commune d'Olmetta-di-Tuda (Haute-Corse). Propriétaire d'un piano bar, le "White", il avait été victime d'intimidations et d'attentats jusqu'à ce qu'une charge explosive dévaste totalement l'établissement. Le commandant Capella, qui a suivi l'enquête sur ce racket, pensait au départ
que l'assassinat ne pouvait être que l'oeuvre d'un groupe mafieux. Il dit avoir été surpris par les déclarations de Pieri qui lui ont cependant semblé sincères.
"Il était spontané, regrettait sa participation aux faits dont il se sentait responsable. Il savait que s'il n'avait pas été là, son ami Michel Mahjoubi ne serait jamais monté avec Santoni dans la voiture" qui l'a conduit "jusqu'au lieu de sa mort", a-t-il déclaré. Ses déclarations étaient "précises et circonstanciées".
Déclarations contradictoires
Selon son récit, Santoni et lui auraient donné rendez-vous à la victime pour régler une histoire de dette. Il l'aurait embarqué dans une voiture et conduit sur une route des hauteurs. A un arrêt dans un lieu isolé, il prétend être resté dans le véhicule pendant que Santoni et Mahjoubi s'expliquaient. Selon lui, la conversation aurait dégénéré, une altercation physique aurait opposé les deux hommes avant que Santoni ne retourne à la voiture s'emparer d'un fusil dans un sac et tire sur la victime qui aurait basculé dans le ravin.
Par la suite, Santoni s'arrête chez un neveu pour prendre une douche et se changer, avant d'aller avec Pieri brûler ses anciens vêtements et se débarrasser de certains effets de la victime dans un lieu isolé.
A la barre, Me Pascal Garbarini, avocat de la mère de la victime, partie civile, détaille avec le policier les éléments de l'enquête confortant cette thèse. Les deux hommes donnent dans un premier temps une même version au mot près comme "un alibi" préparé, la moto de la victime est retrouvée à l'endroit précis où Pieri dit avoir récupéré Mahjoubi en voiture, les 3 coups de feu évoqués par Pieri ont été confirmés par l'autopsie, les deux accusés ont laissé ce soir là leur portable à la maison comme s'ils ne voulaient pas être géolocalisés, les effets personnels de la victime (portable, gants, casque) un sac de vêtements brûlés et des baskets portant l'ADN de Santoni ont été retrouvés aux endroits précis indiqués par Pieri, a-t-il énuméré.
Mais pour la défense, les déclarations de Pieri sont aussi contradictoires. Comment se fait-il qu'aucune trace de sang n'ait été retrouvée sur le lieux du crime, soulève Me Éric Dupond-Moretti, avocat de Santoni, pour qui un déplacement du corps remet en cause la version de Pieri.
Et quid des traces ADN inconnues relevées dans la voiture et sur le portable de la victime, interroge Me Gilles Antomarchi, autre avocat de Santoni. "On sacralise la parole de Pieri mais ce ne sont pas des aveux car il ne reconnait en rien sa responsabilité", tonne Dupond-Moretti.
"Vous vous basez sur ce qui n'existe pas et moi sur des éléments matériels palpables", constate le policier sans exclure l'existence "de zones d'ombre" dans son enquête.
Reportage: AM.Leccia;G.Leonetti; J.Ienco