L'enquête autour de l'agression d'un couple homosexuel le soir du 14 juillet se poursuit. Deux personnes, des mineurs âgés de moins de 16 ans, ont été mis en examen après présentation devant le juge des enfants au palais de justice de Bastia ce mercredi 21 juillet.
L’enquête autour de l’agression d’un couple homosexuel survenue dans un bar de Macinaggio en marge des festivités du 14 juillet se poursuit. Deux personnes ont été présentées devant le juge des enfants au palais de justice de Bastia, ce mercredi 21 juillet. Il s'agit de mineurs âgés de moins de 16 ans, qui ont été mis en examen pour "injures publiques à caractère homophobe" pour l'un et "violences aggravées et injures publiques à caractère homophobe" pour l'autre.
Le premier est défendu par maître Anna Livia Guerrini. "Mon client a été placé en garde à vue pour plusieurs infractions, et la mise en examen ne concerne que des faits d’injures et non de violences", souligne-t-elle.
Pour l’avocate, le traitement médiatique et populaire de cette affaire pose problème : "Il faut laisser la justice faire son travail. Au moment où les médias se sont emparés de cette affaire, il n’y avait ni mise en examen, ni garde à vue, ni rien. On a quand même affaire à une personne, qui, en ce qui concerne mon client, est mineure, et doit donc être protégée."
Le jeune homme nie l’ensemble des faits qui lui sont reprochés, précise son conseil.
Le conseil du second mineur n'a à cette heure pas répondu à nos sollicitations.
Placés en garde à vue en même temps que les deux mineurs, mardi 20 juillet, deux autres personnes, majeures, ont été libérées sans poursuite.
L'enquête, confiée en co-saisine à la brigade des recherches de Bastia et à la communauté de brigades de Brando, a été ouverte le 15 juillet par le parquet de Bastia sous la qualification "de violences volontaires avec interruption totale de travail inférieure ou égale à 8 jours en réunion et à raison de l’orientation sexuelle des victimes".
Des messages postées sur Snapchat le soir de l'agression
Selon nos informations, une des personnes suspectées d'avoir participé à l'agression en réunion des deux hommes aurait posté plusieurs messages se vantant des faits le soir des faits sur les réseaux sociaux. Dans une série de stories Snapchat, il se serait ainsi targué d'avoir "frappé des pd (sic)", "j'ai mis une droite à un homo, je suis fier", "et 1pd à l'hôpital". Des messages par ailleurs relayés en photo dans un récent article du pureplayer Mediapart.
Interrogé à ce sujet, le procureur de la République de Bastia n'a pas souhaité faire de commentaires, ni indiquer si ces messages ont ou non été ajoutés au dossier.
Insultes homophobes et lynchage groupé
Pour rappel, le 14 juillet dernier, Mickaël Gaspar et son compagnon Benoît David, respectivement âgés de 43 et 33 ans, auraient été victimes "d'insultes homophobes" avant de subir "un véritable lynchage" lors d'une soirée dans un établissement sur la marine de la commune de Rogliano.
Le couple, habitué du Cap Corse, raconte être venu boire un verre en compagnie d'autres membres de leur famille, quand une altercation verbale serait survenue entre Mickaël Gaspar et des jeunes du village.
"Un jeune garçon du groupe s’est mis à m’imiter avant de me traiter de sale pédé (sic). Cinq minutes plus tard, il m’a tendu son portable en me montrant une photo sur laquelle un homme était en train de pisser sur un drapeau gay. Je lui ai dit qu’effectivement j’étais homosexuel et que je ne comprenais pas son délire. Une autre personne du groupe m’a dit que c’était dégoutant d’être homo. Je leur ai dit que c’était des idées reçues et ils ont été assez indélicats."
Des propos que Mickaël Gaspar aurait rapporté à son compagnon, qui se serait alors sorti prendre l'air quelques minutes, chamboulé et "refroidi par la situation". Mickaël Gaspar aurait alors demandé à voir le responsable du bar pour l'informer des propos qui lui ont été tenus. Le jeune d'une quinzaine d'années qui l'aurait imité se serait à nouveau approcher pour le "narguer". Toujours selon eux, il se serait approché pour lui repondre, quand un autre homme, âgé d'environ 25 ans et assurant être le gérant des lieux se serait interposé.
Des premiers coups auraient alors été portés à son encontre par "trois ou quatre personnes" à l'intérieur de l'établissement, puis à l'extérieur, alors qu'il tentait de fuir les lieux. Benoît David aurait également été "coursé" et roué de coups, sans qu'aucun passant ne s'interpose. Bilan de l'attaque : deux nez cassés et de nombreux hématomes. Le couple a passé la soirée à l'hôpital, et s'est vu délivrer six et huit jours d'interuption temporaire de travail (ITT).
Le témoignage des victimes contesté par des habitants
Une version des faits cependant remise en cause par l'association Ghjuventù Ruglianese. Dans un communiqué publié le 16 juillet, soit deux jours après l'aggression supposée, le collectif indique : "La version de l'incident rapportée par les prétendues victimes est mensongère et calomnieuse à l'égard de la jeunesse du village", et les faits en question "ne relèvent en rien d'une quelconque homophobie".
"S'il y a eu un incident, réitère Ghjuventù Ruglianese, c'est parce que l'une des prétendues victimes, qui n'était manifestement pas dans son état normal, s'est montrée entreprenante à l'égard d'un mineur et a fini par l'agresser physiquement." Un texte soutenu et repris par plusieurs habitants de la commune de Rogliano.