On aurait pu penser que les annonces du ministre de l'Intérieur, lors de sa venue en Corse, auraient satisfait le collectif anti mafia Massimu Susini. Mais ce dernier estime que, pour lutter contre quelque chose, il faut d'abord commencer par le nommer correctement.
Pour reprendre une expression si chère aux représentants syndicaux, après la venue du ministre de l'Intérieur en Corse, le compte n'y est pas. C'est du moins la position du collectif anti-mafia Massimu Susini.
Certes Gérald Darmanin a annoncé des moyens supplémentaires, mais pour lutter contre quoi, exactement ? C'est la question que soulève Jean-Jérôme Mondoloni, du collectif. Le terme de mafia, une nouvelle fois, a été écarté. "Monsieur Darmanin a du mal avec ce mot", affirme Jean-Jérôme Mondoloni.
"Pinailler"
Lors de sa visite à la DDSP de Bastia, jeudi 21 juillet, le locataire de la place Beauvau s'est longuement exprimé sur le sujet de "la criminalité corse", dénonçant "la grande criminalité organisée", "le trafic de stupéfiants", "les groupes claniques". Et lorsqu'on lui a demandé pourquoi il évitait d'utiliser le terme mafia, Gérald Darmanin a répondu "moi, je parle français, et en français, mafia, ça veut dire criminalité organisée".
Pour autant, sur notre plateau, le soir même, Gérald Darmanin utilisera bien le terme, accompagné d'une discrète précaution oratoire : "si j'ose dire".
Selon le collectif Massimu Susini, "les Corses assistent à une cacophonie assez considérable. On parle de mafia sans parler de mafia. Tout cela fait désordre, on a besoin de clarté". Et Jean-Jérôme Mondoloni d'ajouter, assez amer : "on a fait une demande officielle pour rencontrer monsieur Darmanin, et on n'a pas eu le droit à une seule réponse. Pourquoi, on ne le sait pas. Peut-être parce que nous, nous employons le mot mafia..."
Ils ne sont pas les seuls à dénoncer cet état de fait. L'autre collectif, A Maffia No, A Vita Iè, a également adressé le même reproche à Gérald Darmanin, à plusieurs reprises.
Corse, Sicile, même combat ?
Devant les annonces du ministre, le collectif Massimu Susini reste dubitatif. "On a besoin qu'on nous dise concrètement comment on va lutter contre la mafia. Par quels moyens légaux". Ce qui a suscité l'agacement du collectif, c'est le refus du gouvernement français de s'inspirer des dispositifs italiens.
Jeudi dernier, son représentant, en visite sur l'île, déclarait : "la criminalité organisée en Corse n'est pas la même que dans les autres îles de la Méditerranée. Ce n'est pas la même qu'en Sicile, qu'en Sardaigne, que sur le continent. Je crois qu'il ne faut pas forcément photocopier les dispositifs d'autres pays, ou d'autres territoires. Il y a des spécificités corses, et il faut peut-être adapter nos moyens d'actions, pourquoi pas législatifs, à cette spécificité, sans nécessairement les recopier sur ceux des autres".
"A un moment où on nous parle d'harmonisation de la politique antimafia au niveau européen, il serait temps que l'Etat français et monsieur Darmanin se disent que, peut-être, notre loi n'est plus tout à fait adaptée à la complexité de ce type de criminalité organisée si singulière, et de plus en plus puissante.
Il faudrait regarder ce qui marche ailleurs, notamment en Italie, et qui a été validé par la Cour européenne des droits de l'homme..."
Reste à espérer que l'une des prochaines visites de Gérald Darmanin en Corse permette une rencontre avec les collectifs qui ont remis cette question de la criminalité organisée insulaire, ou de la mafia, quel que soit son nom, sur le devant de la scène médiatique...