Mercredi 23 novembre, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté une résolution quant à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'agression mortelle d'Yvan Colonna. Elle sera chargée de "faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire" ayant conduit à l'assassinat du détenu corse en mars dernier.
Mercredi 23 novembre, la commission de lois de l'Assemblée nationale s'est prononcée en faveur de la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'agression mortelle d'Yvan Colonna à la centrale d'Arles.
Tous les groupes parlementaires présents ont voté à l'unanimité en faveur de cette proposition de résolution déposée en juillet dernier par Jean-Félix Acquaviva, député de la seconde circonscription de Haute-Corse.
"Nous prenons acte du rapport présenté aujourd'hui qui nous permet, je pense, d'entrevoir le commencement des travaux de cette commission pour s'intéresser vraiment au fond de cette affaire, a indiqué le parlementaire corse, membre du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires. Ce qui est en jeu, c'est la soif de justice de la société insulaire car cette commission d'enquête a été demandée par l'unanimité des élus de l'Assemblée de Corse, mais aussi des communes et des forces vives."
"Faire la lumière sur les dysfonctionnements"
Ce mercredi, la commission des lois devait "vérifier si les conditions requises pour la création d’une commission d’enquête [étaient] réunies", a indiqué Caroline Abadie, rapporteure de cette proposition de résolution.
La députée de l'Isère a rappelé l'objectif des travaux de cette commission d'enquête parlementaire : "faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire" ayant conduit à l'assassinat d'Yvan Colonna.
Cette commission sera chargée d’évaluer les conditions dans lesquelles Franck Elong Abé, assassin présumé d'Yvan Colonna, "classé détenu particulièrement signalé, a pu bénéficier d’un classement en détention ordinaire, chargé d’un poste d’auxiliaire rémunéré, d’une part, et ne pas être soumis aux étapes de détection de la radicalisation en milieu carcéral, compte tenu de ses antécédents, d’autre part".
Elle devra aussi étudier "la genèse et les conditions dans lesquelles le statut de détenu particulièrement signalé a été maintenu pour un détenu".
"Non-empiètement sur le judiciaire"
L'un des points essentiels de cette résolution concerne le périmètre de cette commission d'enquête parlementaire qui ne devra pas empiéter sur le terrain judiciaire, une enquête "pour tentative d'assassinat" étant actuellement en cours.
En effet, une telle commission "ne saurait porter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires", précise le site de l'Assemblée nationale. "Dans la pratique, est-il expliqué, l’existence de poursuites n’interdit pas des travaux d’enquête mais restreint le champ d’investigation aux faits n’ayant pas donné lieu à poursuites."
Dans son propos, Caroline Abadie a d'ailleurs prévenu que "cette commission ne pourra pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire".
Ce qu'a également rappelé Philippe Schreck, au nom du groupe Rassemblement National :
"Nous allons également dans le sens de cette recevabilité sous la réserve énoncée sur le non-empiètement sur l'enquête criminelle qui est en cours et qui concerne un périmètre bien différent que l'objet de l'enquête qui va être produite."
Intervention de Philippe Schreck (Groupe Rassemblement National)
Andy Kerbrat, pour le groupe La France Insoumise, donne un avis favorable "même dans le cadre où cela empiète une partie de cette enquête judiciaire".
"Renouer les fils d'un dialogue serein"
Du côté de Jean-Félix Acquaviva et du groupe Liot, on "s'engage à être circonscrit aux travaux parlementaires pour ne pas empiéter sur l'enquête judiciaire". Et le député insulaire d'ajouter : "la justice et la vérité dans cette affaire viendront de la somme de l'ensemble des initiatives : il y a eu le rapport d'inspection générale de la justice, il y a eu une enquête administrative interne et il y a une enquête judiciaire. Il était donc normal que le parlement se saisisse de cette question."
Le député de la Haute-Corse évoque notamment "les contradictions soulevées lors des premières auditions, notamment sur la question de la gestion de l'évaluation de la radicalisation de la personne concernée et du régime de clémence dont elle a, selon nous, bénéficié."
Intervention de Jean-Félix Acquaviva (Groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires)
Pour Jean-Félix Acquaviva, "des zones d'ombres sont apparues de manière très forte" et doivent être "purgées".
"C'est un travail démocratique important qui nous attend, souligne-t-il. C'est un travail pour la justice et la vérité mais aussi un travail de réconciliation qui doit être en cours pour faire en sorte de renouer les fils d'un dialogue serein, apaisé et avec des solutions d'avenir pour la Corse et la République."
6 mois de travaux
La semaine prochaine, une réunion constitutive devra désigner la composition de cette commission d'enquête présidée par Jean-Félix-Acquaviva. Celle-ci pourra compter jusqu'à 30 députés, nommés à la proportionnelle des différents groupes.
Selon nos informations, Laurent Marcangeli (président du groupe Horizons) pourrait en être le rapporteur.
Les travaux de cette commission, devant laquelle les témoins prêtent serment, pourraient débuter mi-décembre voire début janvier 2023. Ils doivent durer six mois.
Le reportage réalisé ce mercredi à Paris :
Intervenants - Caroline Abadie (rapporteure) - Jean-Félix Acquaviva (député Liot de la 2nde circonscription de Haute-Corse) - Emeline K/Bidi (députée Groupe GDR)
Équipe journalistes - D. Moret - J. Cappaï-Squarcini - J.-J. Delsol