Quartiers pop. Aux jardins de l’empereur, « animer, c’est donner la vie »

Ajaccio, dans le quartier des Jardins de l’empereur. Dans l’Espace de vie sociale créé par Madame Tomasi et son mari en 1995, les acteurs de ce centre social travaillent à animer la vie des enfants d’un quartier qui a un besoin essentiel d’animation.

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En arrivant au quartier des Jardins de l’Empereur, nous dévalons une grande pente très raide qui est à l’entrée, avant de filer sur le chemin en zig-zag au milieu des bâtiments, pour ainsi aller jusqu’aux locaux de l’Espace de vie sociale. Sur la route, on reconnaît bien les bâtiments typiques des cités. Carrés, pas très hauts. Pourtant, les vêtements qui pendent aux fenêtres et sèchent au soleil rappellent, comme des drapeaux, que nous sommes bien en méditerranée et pas dans l’Essonne.

On aperçoit de temps en temps, sur un balcon, le visage d’un enfant curieux qui a mis sa tête entre deux barreaux. Il n’y a pas un bruit, rien qui ressemble à l’effervescence des rues d’Ajaccio, qui nous ont menées jusqu’ici. On est arrivés les premiers devant la grille de l’association, quelques secondes avant Emmanuel Pédenon, le directeur de la structure. « Désolé les mecs j’ai un tout petit peu de retard, j’attendais ma fille. En ce moment elle est en stage chez nous à l’Espace de vie sociale. »

Manu, comme tout le monde l’appelle ici, est ici depuis des années. C’est par cœur qu’il connaît le quartier, et c’est encore avec le cœur qu’il interagit, corrige et rappelle. « Tu sais, certains des mômes que j’ai aujourd’hui sont les enfants des gamins que j’avais il y a 15 ou 20 ans, alors forcément ce sont un peu mes gamins à moi aussi. »

C’est pas « pour de faux »

On est la mi-journée et tout a changé depuis ce matin. De nombreux enfants s’égayent dans la cour, des ballons volent, il y a les cris des petits footballeurs qui mettent des buts, les filles en riant dans leurs mains vont et viennent d’un bâtiment à l’autre, en faisant semblant de n’avoir pas vu la caméra.

Quel succès ! Ce n’est pas une maison de jeunesse pour de faux. « Ah non ! Ici tous les gamins du quartier passent par cette structure, précise Manu. C’est un endroit incontournable. Et puis de toutes façons, c’est la seule chose qui leur est proposée ici. »

Cuisine et Oasis

On est partis avec les enfants acheter la farine, le chocolat et les oeufs destinés à l’atelier cuisine qu’anime tous les mercredi Fatima Boussouf. En revenant du seul commerce du quartier, à quelques centaines de mètres du centre aéré, on n'a croisé personne, comme à l’aller. En s’avançant, on entend se rapprocher au loin le crépitement des rires des enfants.

Un oasis de vie au milieu du désert. « Tu vois juste en bas, nous montre du doigt une des jeunes filles avec qui on est allé faire les courses, c’est ici qu’est notre école primaire, juste en face,c’est le collège. » Mieux vaut donc ne pas redoubler si on veut vite étudier un peu en dehors d’ici et aller sur les bancs du lycée qui se trouve en ville.

Si on pouvait voir les héros


« Un gamin qui est occupé, c’est un gamin qui traîne pas dehors. Faut les occuper les gamins, c’est tout. » Madame Tomasi a les phrases d’une autre époque, simples et efficaces. Mais elle n’a pas fait que les dire, elle les a appliquées.

C’est avec son mari qu’elle a décidé d’ouvrir l’association il y a plus de 25 ans, et a ainsi sauvé les enfants du désoeuvrement que la vie immobile du quartier leur promettait. « Il n’y a pas grand-chose ici, continue de raconter Madame Tomasi. Quand on a ouvert l’association, tous les jeunes sont venus. On a mis en place plein d’activités. Vous savez, le taux de délinquance était à 17% en 1995, aujourd’hui il n'y en a plus du tout. »

Les héros ne sont pas tous visibles à l’oeil nu. Vous n’auriez pas dit en la croisant dans un supermarché, que cette dame avait peut-être un des plus jolis bilans humains de la République. A la fin de la journée, on a croisé une petite bande de jeunes dans un box de parking. Ils préparaient un thé à la menthe sur un réchaud. En nous voyant passer ils nous ont proposé de boire un verre avec eux.

Sur une chaise pliante, un des jeunes qui avait les yeux dans la montagne juste en face de la cité, faisait glouglouter une chicha en aspirant dans un tuyau. Il n’a pas vu la montagne. On ne dit pas qu’il s’en foutait, on croit qu’il pensait à autre chose. En partant, on se demande où peut bien avoir envie de s’évader un jeune qui a les yeux dans une montagne. « Les jeunes, faut les occuper » nous avait pourtant prévenu Madame Tomasi.

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