"Ma mère ne veut plus que j'aille au soutien scolaire". Dans ce quartier miné par le trafic de drogue, la vie bouleversée des habitants

Le quartier Villejean, à Rennes, vit au rythme des coups de feu depuis deux semaines. Les trafiquants de drogue y règlent leurs comptes à l'arme semi-automatique, en plein jour ou en début de soirée. Choqués, de nombreux habitants veulent déménager. D'autres limitent les sorties. Pour les enfants, les conséquences sont redoutables.

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Il y a la peur, certes, qui change l'immédiat, les habitudes du quotidien. "Ma mère ne veut plus que je passe par la dalle Kennedy pour aller au collège, je fais un détour." Mais c'est aussi l'avenir qui est bouleversé, pour des familles qui envisagent désormais de déménager, quatre jours après les nouveaux coups de feu, avant 20h, samedi 11 janvier, qui ont fait un blessé grave." Si je ne change pas de quartier, qu'est-ce que je dirai à mes enfants lorsqu'ils auront l'âge de retrouver leurs copains dehors, sans moi qui les accompagne ?" 

Il y a la honte aussi, pour cet homme d'origine marocaine, un employé municipal, père de quatre enfants, qui, après la précédente fusillade, celle en pleine journée, dimanche 5 janvier 2025 à 14h, monte dans sa voiture, tandis que la police est à proximité. Il est intercepté quelques mètres plus loin par des motards, bientôt rejoints par une voiture de la Brigade anticriminalité, puis longuement interrogé et fouillé, au milieu de l'avenue Winston Churchill, avec voisins et riverains à leur fenêtre. 

Quatre épisodes de coups de feu à proximité de la dalle Kennedy sont dénombrés depuis les 29 et 30 décembre 2024. Ceux du week-end dernier ont fait un blessé grave, victime collatérale du trafic de drogue.

L'aide aux devoirs perturbée

Pour les enfants, il y a le sentiment d'une contrainte qui s'exerce, qui empêche, et qui enlève des chances. Inès le regrette. "Ma mère ne veut plus que j'aille au soutien scolaire. Cela nous fait sortir du local de l'association à 18 h 30, et elle dit que c'est trop dangereux de rentrer chez moi à cette heure-là". L'association Mosaïque Bretagne Maroc assure une aide aux devoirs aux enfants du quartier, depuis 1991, à 100 mètres de la dalle Kennedy. Que pense la collégienne qui passera son brevet en fin d'année ? "C'est choquant de ne plus pouvoir aller à Kennedy, parce que c'est un endroit public".

Lahcen Boussini soupire. Ce retraité très actif accueille, d'un petit mot sympa, collégiens et écoliers, chaque soir de la semaine, ainsi que le samedi matin. Ils sont une trentaine d'enfants, repartis selon les jours, qui font leurs devoirs auprès de bénévoles, entre 17h et 18 h 30. "Inès n'est pas la seule à ne plus venir". Depuis les coups de feu du lundi 30 décembre 2024, peu après 20h, le fondateur de l'association Mosaïque constate que de plus en plus d'enfants ne viennent plus.

Les policiers sur la dalle Kennedy, mercredi 15 janvier, à côté du lieu de la fusillade de samedi 11 janvier, peu avant 20h. © M Thiébaut - FTV

"On veut déménager"

"On veut déménager", répète une mère de famille à la sortie de l'école maternelle André Chedid. "Depuis 10 ans qu'on habite là, cela ne va pas dans le bon sens". Dianken, une autre parent d'élève apprécie l'endroit où elle vit, plus loin dans le quartier. Elle s'arrange pour éviter la dalle Kennedy au maximum, "sauf pour prendre le métro, on est obligé". Ramenant ses courses en bas de chez elle, Patricia, mère de deux enfants, de 2 et 9 ans, aime aussi le coin où elle habite, à l'extrémité du quartier Villejean, en direction de la rocade. "Mais pour aller à l'école [toute proche] et aux activités du mercredi, on accompagne systématiquement mon aîné de 9 ans, soit c'est le papa, soit c'est moi."

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Les armes à feu qui crépitent, depuis deux semaines, sont-elles un nouveau coup dur pour le quartier Villejean ? "On ne peut pas céder à l'abattement," répond l'adjoint à la maire de Rennes, délégué à ce quartier. Lundi 13 janvier, Christophe Fouillère est venu écouter la vingtaine d'agents qui travaille à la mairie de quartier, implantée sur la dalle Kennedy. Entre la bibliothèque et le service des formalités administratives, des craintes se sont exprimées. "Mais il y a une unanimité pour dire qu'il faut maintenir notre présence sur la dalle Kennedy, parce que c'est un lieu important, c'est la place publique du quartier."

L'élu place beaucoup d'espoir dans la réfection de deux tours surplombant la dalle Kennedy: le 2 et le 8 de la rue du Bourbonnais. Vidés de leurs habitants, les tours et leurs 120 appartements vont être rénovés du sol au plafond, de la salle de bains au hall d'entrée. Le rez-de-chaussée accueillera un pôle santé et une nouvelle crèche. "Il faut faire plus, et ce qui se passe actuellement nous rend encore plus motivés pour faire aboutir des projets", assure Christophe Fouillère. Dans l'immédiat, il souhaite une présence policière renforcée dans le quartier. "Mais le travail d'investigation des policiers est également indispensable, si on veut que les tirs cessent."

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