Les images des inondations dans la métropole rennaise ou dans la vallée de la Vilaine jusqu'à Redon sont sur tous les écrans... Mais de nombreuses autres communes de Bretagne, et parfois de petits hameaux sont également touchés. Entre résignation et fatalisme, leurs habitants attendent silencieusement, et parfois dans l'angoisse, que l'eau baisse. Nous sommes allés à leur rencontre.
Ce mardi matin, tandis que la vigilance rouge aux crues vient d'être élargie, et alors que tous les regards se tournent vers Redon qui se prépare au pire, nous avons choisi, avec mon collègue Thierry, de prendre la direction de la Gacilly dans le Morbihan. En été, la jolie petite commune, fief d'Yves Rocher, au bord de l'Aff, accueille dans ses parcs et ses rues un festival de photographie réputé. Mais en cette fin janvier, le paysage est loin d'être aussi bucolique. L'Aff est largement sortie de son lit, noyant la campagne alentour et inondant des maisons et des commerces.
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"C'est monté de 30 cm en très peu de temps"
En arrivant, nous rencontrons Sylvain et Violaine Libeau. Ils sont les propriétaires du restaurant "Au bout du pont". Lundi soir, ils ont vu l'eau envahir leur établissement. "C'est monté de 30 cm dans la salle de restaurant en très peu de temps". Ce mardi matin, l'eau a reflué, et Sylvain, avec l'un de ses salariés est en train de nettoyer, en essayant de garder le sourire : "On donne juste un coup, on va attendre pour le grand nettoyage de printemps car ça pourrait bien remonter. Ils annoncent de nouvelles pluies". Violaine, sa compagne, est originaire de la commune, et ce n'est pas la première fois qu'elle vit des inondations. "Je me souviens de 95 et de 2001. Et c'est vrai que là, on n'en est pas loin". D'ailleurs, dehors, l'eau flirte avec le petit repère de la crue de 2001.
Sylvain nous montre la porte d'accès à sa cave. L'eau monte jusqu'à la dernière marche. "Elle est noyée" sourit-il un peu consterné. Dans sa cour, des bouteilles et des cartons flottent. "J'espère qu'on pourra rouvrir ce week-end souffle-t-il. On a plein de réservations. On va tout faire pour".
"On sait que ça peut arriver"
Dehors, Robert, en cuissardes, semble sceptique. C'est le voisin de Sylvain et Violaine. Il y a un mètre d'eau dans sa maison. "Ma femme avait un petit camion à pizzas, tout son matériel était entreposé en bas. Il est sous l'eau" explique-t-il. C'est la quatrième fois que sa maison prend l'eau. Il semble résigné. "On sait que ça peut arriver. On vit à l'étage. Et on a mis des sols en plastique dans les chambres en bas". Quand nous le rencontrons, Robert revient juste d'un rendez-vous avec son assureur. "Je pense que nos polices vont augmenter. On va peut-être réfléchir à ne plus prendre d'assurances, glisse-t-il, avant de nous saluer et de retourner vers sa maison, de l'eau jusqu'au ventre.
De son côté, Sylvain n'en veut à personne. "On habite au bord de l'eau, c'est le danger, et la mairie fait des aménagements pour limiter les risques. Et puis ces maisons en pierres sont solides. Ce vieux carrelage en a vu d'autres !".
Nous laissons Sylvain et Violaine à leur rangement et prenons la route de Saint-Martin sur Oust, à 6 km de là. Sylvain nous a indiqué que beaucoup de maisons avaient les pieds dans l'eau dans ce secteur.
Des zones accessibles qu'en bateau
Et effectivement, en longeant la vallée de l'Oust, (une rivière qui se jette dans la Vilaine à Redon), le spectacle est impressionnant. Le cours d'eau a été placé en vigilance orange et sort très largement de son lit. Une ferme et des maisons se retrouvent isolées aux milieux des eaux. Elles ne sont accessibles qu'en bateau.
"Je ne veux pas partir"
Un peu plus loin, un hameau, "le Rieux", est lui aussi inondé... Malgré tout, la plupart des habitants a choisi de rester. Nous rencontrons Brigitte. Son jardin est encerclé par les eaux mais sa maison est pour l'instant épargnée. "Je suis très très angoissée" nous dit-elle de prime abord. "J'espère que ça ne va pas monter plus, parce que sinon je ne vais pas pouvoir rester. Et je ne veux pas partir. Je n’ai pas envie. J'ai deux machines à oxygène et c'est compliqué de quitter la maison, alors j'essaie de tenir, mais c'est peut-être les pompiers qui vont m'emmener". Résignée, Brigitte regarde l'eau dans son jardin "On attend", dit-elle, "on attend que ça descende, mais ça monte toujours".
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Et dans les maisons alentour, les voisins font de même. Chacun surveille le niveau de l'eau et écoute les informations sans réussir à faire grand-chose d'autre.
Pour se changer les idées, les uns vont à la rencontre des autres et s'entraident s'ils le peuvent. Élus, gendarmes ou pompiers passent de temps en temps pour s'assurer que tout va bien, mais chacun redoute à chaque fois que cela soit pour leur demander d'évacuer. Ils s'y préparent néanmoins, en silence et avec résignation.