Francesca Serra : "sur le web, on est voyeur de la vie des autres. Et la nôtre ne nous semble jamais assez bien"

La trentenaire ajaccienne a été l'une des sensations de cette rentrée littéraire, en recevant le prix littéraire du Monde pour Elle a menti pour les ailes. Un premier roman. Nous l'avons rencontrée pour l'interroger sur son rapport aux réseaux sociaux, qui sont au cœur du livre. 

Francesca Serra a mis 5 ans à écrire Elle a menti pour les ailes, son premier roman.

Un roman qui offre un regard d'une acuité remarquable sur la génération Z, ces adolescents qui sont nés au XXIème siècle, et dont la vie s'est parfois construite à travers, et pour, les réseaux sociaux. 

Le jury du Monde soulignait, en remettant le prix à Francesca Serra, que les milléniaux avaient trouvé en elle "la plume alerte et aiguisée capable de donner une cohérence et un souffle – presque épique – à ces vies en apparence désordonnées et fragmentées, pas encore conscientes d’être en quête de sens."

  • Comment avez-vous réussi à saisir ce rapport si particulier des adolescents à Internet ? Ils semblent s'être attribué ce mode de communication comme aucune génération avant eux...
Pendant des années, je les ai suivis sur les réseaux, comme un photographe dans la savane avec son appareil photo. Sans faire de bruit, pour les observer sans les déranger.

Je prenais des notes sur les commentaires qu'ils laissaient sous les vidéos Youtube, sur les tweets qu'ils postaient.

J'en ai interrogé également quelques-uns, bien sûr. Mais les regarder évoluer sur les réseaux sociaux, c'est plus riche en enseignements.

Sur le web, on créé sa propre légende.

Francesca Serra
 

  • Les réseaux sociaux sont le vecteur du drame à venir, mais n'en sont pas le moteur. Votre livre n'est pas une condamnation.
Je trouve que les réseaux sociaux sont des outils fascinants. Je n'aurais pas passé autant de temps sur un sujet que je n'aimais pas. Si je n'y suis pas, ce n'est pas parce que je suis contre.

Mais je trouve qu'ils suscitent une certaine forme d'angoisse. On se retrouve souvent voyeur de la vie des autres. Et la nôtre ne nous semble jamais assez bien.
  
On est sans cesse dans un processus de comparaison dont on n'a pas conscience. Je trouve qu'il y a une certaine forme de tristesse, diffuse sur les réseaux sociaux. Et j'ai éprouvé le besoin de m'en détacher. 
  • ​​​On peut parler, avec ce livre d'une mise en garde adressée à cette génération ?

Le web, c'est le théâtre de la création de sa propre légende. On raconte le film de notre vie. On en écrit le scénario de nous-mêmes. Et ça peut être dangereux.

Mais ce n'est pas mon rôle de mettre en garde. Je ne suis ni leur mère, ni leur professeur.

Ce que j'ai eu envie de faire avec ce roman, c'est de montrer, à travers mon prisme, ce que c'était réellement que ces réseaux.

S'il y a un message, ce serait plutôt "soyez conscients de ce que vous y faites, et soyez conscients que cela aura des conséquences".

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