Simone Guerrini : "Je ne vois pas qui aurait pu attenter à ma maison"

Au lendemain de l'incendie criminel qui a visé sa villa de la route des Sanguinaires, Simone Guerrini est revenue sur l'acte qui a suscité une vague d'indignation dans la société insulaire. Dans un contexte marqué par plusieurs attentats, notamment contre des mairies, l'adjointe à la culture de la Ville d'Ajaccio "ne comprend pas" pourquoi sa maison a été la cible des incendiaires.

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Elle n'avait pas encore pris la parole depuis l'incendie qui a fortement endommagé sa maison familiale dans la nuit du 9 au 10 avril. 

Ce mardi après-midi, Simone Guerrini a accordé un entretien à France 3 Corse.

L'adjointe au maire d'Ajaccio est apparue plutôt sereine et déterminée. L'ancienne conseillère exécutive de droite et ex-maire d'Urbalacone ne "comprend pas pourquoi" sa villa a été visée.

"J'ai beau faire le tour récent ou ancien, je n'ai pas trouvé pourquoi on aurait pu me faire ça", nous a-t-elle confié.

"L’impression que ça peut arriver à n’importe qui"

France 3 Corse : Un peu plus de 24 heures après l’incendie criminel de votre maison familiale, comment vous sentez-vous ?

Simone Guerrini : Après la sidération, malgré tout, je suis totalement sereine. J’ai repris mon travail tout à fait normalement aujourd’hui. J'inaugure une exposition ce mardi soir à la citadelle. Je suis totalement bien dans ma peau. Si j’avais eu quelque chose à me reprocher, peut-être que je serais moins bien. Mais comme je n'ai rien à me reprocher, je suis parfaitement à l'aise. 

Comment avez-vous appris que votre maison avait brûlé ?  

Mon fils a reçu lundi à 7 heures du matin un texto d'une de ses amies qui faisait son jogging sur la route des sanguinaires et qui a vu un feu. Elle lui a dit "j'ai l'impression que c'est votre villa". Elle lui a envoyé la photo de la maison en feu. Mon fils a tout de suite téléphoné à mon autre fils puis ils m’ont appelée pour me dire qu’ils allaient voir ce qui se passait. Sur place, il y a avait la police, la police scientifique, les pompiers…

Vous êtes-vous rendue sur place ?

Pas encore. Je prendrai le temps d’y aller. J’ai suffisamment de photos pour me rendre compte de l’état des lieux. J’avais aussi d’autres choses à faire. Hier (lundi), j’ai été excessivement prise par les déclarations à la police et mille et une choses. Aujourd'hui, je travaille depuis ce matin. À vrai dire, je n’ai pas eu le temps pour le moment.  

"Je suis une cartésienne et je ne suppute pas."

Simone Guerrini

L’acte a suscité de nombreuses réactions politiques et une vague d’indignation. Comment avez-vous accueilli ces marques de soutien ?

D’abord, ça fait chaud au cœur. C’est un véritable flot : tous les textos et les coups de fil. Depuis hier, il n'y a pas une seconde sans que je ne sois au téléphone. Ça fait plaisir parce que ce sont des gens que j'ai connus, pour certains il y a de nombreuses années, qui se manifestent à cette occasion. Ce sont des politiques qui m'ont téléphoné : des communistes aux nationalistes durs. Il y a aussi, bien entendu, tous ceux qui sont dans ma mouvance. Puis il y a la population, tout simplement ; c’est-à-dire des gens qui ne me connaissent pas mais qui arrivent à avoir mon téléphone.

La villa incendiée est une maison que vous aviez construite avec votre mari il y a près de 40 ans. Vous la louiez au peintre Morio Matsui jusqu’à son décès en mai 2022…

Oui, mais d’abord, nous l’avons habitée. Quand mes enfants étaient petits, nous y passions la moitié de l’année. L’autre moitié, nous la passions dans un appartement à Ajaccio. Puis, quand mes enfants sont rentrés au lycée, c’était plus compliqué car ils étaient un peu loin et ils avaient des horaires différents. Nous nous sommes donc installés définitivement à Ajaccio, en ville. Ensuite, on a donc loué la villa des Sanguinaires au peintre Moro Matsui pendant vingt ans.

Cet incendie s’inscrit dans un contexte tendu. Fin mars, les mairies d’Afa et d’Appietto ont été visées. Les attentats avaient été revendiqués par la GCC dans un communiqué non authentifié transmis à Corse-Matin. Sur votre villa, un tag GCC a également été découvert. Cependant, pour l'heure, il n'y a pas eu de revendication. D’après vous, qui cherche-t-on à viser à travers cet acte : vous en tant que personne ou en tant qu’élue de la ville d’Ajaccio ? 

Je suis une cartésienne et je ne suppute pas. Moi, je veux des faits. Si je me base sur ma propre personne, sincèrement, je ne vois pas qui aurait pu attenter comme ça à un bien m’appartenant. J'ai les meilleures relations du monde avec tout le monde, avec le monde culturel. Dieu sait que j'ai eu sur le monde culturel de multiples et multiples soutiens.

En ce qui me concerne, j'ai beau faire le tour récent ou ancien, je n'ai pas trouvé pourquoi on aurait pu me faire ça.

Maintenant, pour tout ce qui pourrait être politique ou autre, sincèrement, je n'avancerai strictement aucune suggestion, parce que je suis une cartésienne et je n'aime pas développer des idées sans avoir des arguments. Là, je n'en ai pas. 

Un tag "speculatori fora" a également été découvert sur la façade de la maison. Selon nos informations, l’un de vos fils louerait des biens immobiliers…

(Elle coupe). Mon fils est notaire. Il était à Paris et y avait son étude de notaire. Il l’a vendue il y a quelque temps et est rentré en Corse. Nous avons une société familiale, une SARL de famille où il y a des biens qui sont loués à l’année. Il n’y a pas du tout de spéculation immobilière. Tout ça, ce sont des élucubrations.

C’est vrai que j’ai quelques biens, mais ils me viennent de mes parents, de mes beaux-parents et de notre propre vie. Ils sont le fruit d’un travail de plusieurs générations. Tout cela est tout à fait normal et j’en parle aisément. Je ne suis pas un cas particulier. En Corse, préserver le patrimoine qui nous vient des générations anciennes était une de nos qualités. J’espère que cela ne se perdra pas.

Hier, le maire d’Ajaccio a eu des phrases fortes face à la presse. Stéphane Sbraggia a appelé à "actionner tous les leviers". Il a notamment indiqué qu’il "attendait des réponses de ceux et celles qui doivent en apporter". Ils pointaient certainement, sans les nommer, les services d’enquête. Partagez-vous son sentiment ?

J’ai foi, jusqu’à nouvel ordre ; peut-être ai-je tort ? Mais j’ai quand même foi en en la justice, dans les policiers qui font leur travail. Mon père était commissaire de police des RG (renseignements généraux, ndlr). J’ai donc vécu dans un environnement qui me permettait d'avoir foi en ce corps de métier. J'espère que ça n'a pas changé.

"Je n'ai pas l'habitude de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de ma tête."

Simone Guerrini

Vous avez été maire d’Urbalacone, conseillère exécutive à l’Assemblée de Corse. Depuis 2014, vous êtes adjointe à la culture à Ajaccio. Vous pratiquez la politique depuis des années. Aviez-vous déjà été confrontée à un contexte tendu comme celui d'aujourd'hui ?

Oui, j’ai vécu le passé. J’étais à l'Assemblée territoriale quand il y avait les grandes joutes. Il y avait les grandes personnalités nationalistes de l'époque. J'ai participé à l'élaboration de tous ces documents pour la loi de 2002. Ensuite, j'ai mis en application en 2004 la décentralisation totale de la culture.

L'ambiance était totalement autre. Il y avait des politiques qui avaient des objectifs, des perspectives d'avenir, qui avaient des programmes. C'était une période très dure où il y avait des plasticages. Mais le monde politique était différent. Il a évolué, comme la société. On ne peut pas raisonner et avoir le même point de vue qu’il y a 10 ou 20 ans. Il est vrai que j'ai vécu les choses différemment.

Aujourd'hui, le manque de logique et de réel but dans ce qui se passe m'interpelle. J’en reviens à mon côté cartésien : j'aime bien comprendre et là je ne comprends pas. C'est là où je bute un petit peu sur la situation actuelle. 

Selon vous, les attentats contre les mairies d’Afa et d’Appietto et celui qui a visé votre maison pourraient-ils être liés ?

Je ne peux pas répondre à une question telle que celle-là, je n'en ai aucune idée.

Hier, le maire d’Ajaccio a parlé d’insécurité. Après ce qui vous est arrivé, craignez-vous pour votre sécurité ?

Non. Je n'ai pas l'habitude de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Ma vie reste ce qu’elle était. Je n’ai nullement l'intention d'avoir un sentiment quelconque d'insécurité dans ma vie. Et l’insécurité existe. Je veux dire par là que beaucoup de gens s’inquiètent et se posent des questions sur ce qui se passe.

Avec ce qui m’est arrivé, aujourd’hui, tout le monde a l’impression que ça peut arriver à n’importe qui. Il y a une sidération. Personne ne comprend pourquoi on a pu s’attaquer à moi. Il y a donc ce sentiment partagé que la vie devient un petit peu difficile et qu’il y a intérêt à faire attention. Mais moi, je ne suis pas de ce caractère-là. Je continue ma vie comme je l’ai toujours menée.

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