Aide à mourir : "Je me sens prêt à partir. La douleur n'est plus supportable. Et puis, je fais trop souffrir les autres"

Au mois de mars dernier, nous avons recontré un malade du cancer, âgé d'une cinquantaine d'années, alors qu'il s'apprêtait à entrer dans un coma dont il ne se réveillerait jamais. Témoignage.

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"Est-ce qu'on est vraiment prêt un jour, je ne le sais pas. Mais oui, je me sens prêt. Aujourd'hui, même si le cerveau résiste, le corps ne tient plus, et la douleur n'est plus supportable. Et puis, je fais trop souffrir les autres. Alors je suis ici pour partir dans la sérénité".

L'homme, âgé d'une cinquantaine d'années, qui se confiait à nous au mois de mars dernier nous avait accueillis dans sa chambre d'hôpital d'Ajaccio, au service des soins palliatifs.

Il était atteint d'un cancer généralisé, et dans quelques heures, il allait entrer dans un coma, sous sédation profonde et continue, qui le conduirait jusqu'à son décès.

Parcours du combattant

C'est au mois de juillet 2023, alors qu'il fait face à de très intenses douleurs, et à une aggravation de sa maladie, qu'il envisage pour la première fois la solution de la fin de vie. Mais la loi, en France, ne lui reconnaît pas ce droit, au vu de sa situation. "Pourtant, même si j'avais encore toute ma tête, je me considérais comme ne pouvant strictement plus rien faire..."

Alors, il envisage la Suisse, après avoir pris contact avec l'association Dignitas. "Et puis j'ai renoncé pour deux raisons : la première, c'est le prix, 9.000 euros, que j'estimais être une somme trop importante. Mais ce n'est pas le plus important. Ce qui m'a fait reculer, c'est qu'il fallait le faire soi-même. Je suis contre le suicide assisté. C'est très difficile, même quand on est prêt à partir, comme je le suis aujourd'hui. Je ne sais pas comment j'aurais réagi au moment de verser le produit qu'on doit boire pour en finir dans le verre prévu à cet effet..."

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Mais le quinquagénaire, qui a été durant quelques années en poste à Lille, se rappelle que la Belgique a également une législation plus souple que la France concernant l'aide à mourir. "Il faut être atteint d'une maladie incurable, et le délai nécessaire pour pouvoir en bénéficier est de six mois d'espérance de vie". Profitant des lignes directes entre Ajaccio et Charleroi, il se rend sur place, et obtient ce qu'il appelle son "sésame".

"Au mois d'octobre dernier, après avoir reçu ma compagne pour s'assurer qu'elle était également prête à faire face à mon choix, ils ont accepté, et on a convenu d'une date, fin avril-début mai 2024".

Rallonger le délai

Seulement voilà, en janvier dernier sa santé continue de se détériorer, et il est hospitalisé à domicile, avec une équipe de soins palliatifs sur place. Semaine après semaine, la situation est plus critique, jusqu'à ce que les docteurs ajacciens envisagent une sédation profonde. 

"J'ai appelé Charleroi, avec qui je m'étais engagé, mais ils m'ont dit qu'il valait mieux le faire en Corse, si la loi Leonetti le permettait, pour que je sois avec mes proches et mes amis. Et ils m'ont souhaité une bonne fin de vie".

Ce n'est pas un sujet qu'il faut traiter de manière philosophique. Il faut comprendre la souffrance du malade

Le jour où l'hôpital d'Ajaccio l'appelait pour lui annoncer qu'il pourrait bénéficier de la sédation profonde, Emmanuel Macron prenait la parole, et annonçait qu'il envisageait une évolution de la loi en France concernant l'aide à la fin de vie.

Et après le parcours du combattant qu'ont été ses démarches pour en bénéficier, il a bien sûr un avis sur la question : "Je ne pense pas qu'il faut changer la loi. Mais il faut vraiment fixer un délai pour décider de qui peut en bénéficier". 

L'ancien haut fonctionnaire rajuste son tee-shirt AC/DC et, après quelques secondes de silence, rajoute : "Il faut être pédagogue. Tout le monde dit que c'est très important, et il y a des débats sans fin dans les médias. Mais ce n'est pas un sujet qu'il faut traiter par la philosophie. Il faut être pragmatique, comprendre la souffrance du malade, et le remettre au centre de la décision".

Le quinquagénaire, qui a souhaité rester anonyme, jusqu'à la fin, semble apaisé. Ses traits sont détendus, comme si son corps, aussi, savait la délivrance proche. Quand on lui demande si ce choix qu'il a fait est en accord avec ses croyances, il assure que oui. 

"Depuis quelques jours, j'ai l'impression qu'il y a quelqu'un à côté de moi pour m'aider à faire mon dernier pas en paix. Je pars en voyage, et j'espère que ce sera quelque chose de fantastique". 

Retrouvez le documentaire de 26 minutes de Marie-France Giugliani, Stéphane Lapera et Jean-Jérôme Delsol, consacré à la question de la fin de vie : 

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