Le procès des viols de Mazan s'est ouvert le 2 septembre devant la cour criminelle du Vaucluse. Droguée et violée durant son sommeil par son ex-mari et plusieurs dizaines d'hommes pendant dix ans, Gisèle Pelicot, la principale victime, a refusé le huis clos. Des rassemblements en soutien à la septuagénaire sont organisés partout sur le territoire national, ce samedi.
"Il faut continuer le combat, continuer à en parler, et continuer à éduquer". Une soixantaine de personnes ont fait le déplacement, ce samedi matin, devant les grilles du palais de justice d'Ajaccio, en soutien à Gisèle Pelicot. Depuis l'ouverture du procès dit "des viols de Mazan", cette septuagénaire est devenue l'incarnation des victimes de violences sexuelles et de la lutte contre la soumission chimique.
Le rassemblement était organisé par les groupes de colleuses de Corse et par Ghjuventi di Manca, en réponse à l'appel national. Parmi les manifestants, des groupes féministes locaux, des organisations de gauche ou encore des membres de la ligue des droits de l'homme de Corse.
"Cette histoire est médiatisée parce que c'est un concentré de toutes les violences qu'on peut subir, estime cette manifestante. Mais moi, je pense beaucoup aux victimes qui n'ont pas de vidéos, qui n'ont pas été violées par 80 personnes, et pour qui on ne fait pas de rassemblement comme cela. Ce rassemblement, il est pour Gisèle, et pour toutes les autres victimes de viol, qui n'ont pas eu autant de médiatisation ou qui ont été moins crues ou pas crues du tout."
Un autre rassemblement est prévu sur l'île à 18h, à Bastia, devant le tribunal.
Dix années de viols
Pendant dix ans, de juillet 2011 à octobre 2020, Gisèle Pelicot a été droguée aux anxiolytiques par son mari, puis violée dans son sommeil par des dizaines d'hommes. Coupe au carré, cheveux châtain et lunettes de soleil, la septuagénaire a été propulsée au-devant de la scène médiatique en refusant fermement le huis clos dans le procès dont elle est la principale victime, qui s'est ouvert le 2 septembre dernier devant la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon.
Une décision peu commune dans de pareilles affaires, notamment au vu de l'ampleur et de la gravité des faits dénoncés : les enquêteurs ont estimé qu'elle avait subi 92 viols, commis par plus de 80 agresseurs, dont 51 ont été identifiés.
Son ex-mari et 50 co-accusés comparaissent dans ce dossier - des hommes âgés de 26 à 74 ans, issus d'horizons divers, pour la plupart poursuivis pour viols aggravés. Parmi eux, 18 - dont Dominique Pelicot - comparaissent détenus. 32 autres comparaissent libres, et le dernier, en fuite, est jugé in absentia.
"La honte change de camp"
Si Gisèle Pelicot a décidé de ne rien cacher, c'est pour "que la honte change de camp", avait affirmé l'un de ses deux avocats, Me Stéphane Babonneau.
Pendant des années, elle a souffert d'absences et de perte de mémoire, directement liées aux médicaments que son mari dissimulait dans sa nourriture, le soir, dans le but de l'endormir. Désorientée, et sous l'insistance de ses enfants et ses proches qui s'inquiètent, elle consulte des neurologues, passe un scanner cérébral, sans résultat.
Dans un rapport d'expertise, l'experte légiste qui a réalisé l'examen gynécologique de la victime, en décembre 2020, quelques semaines après l'arrestation et la mise en examen de Dominique Pelicot, estime que ses années de soumission chimique ont fait courir à Gisèle Pelicot "un risque vital, avec mise en danger d'elle-même et d'autrui".
Face à l'absence prolongée du principal accusé, Dominique Pelicot, malade, la poursuite du procès est aujourd'hui en question. Suspendue depuis jeudi et jusqu'à ce lundi 16 septembre, l'affaire, qui devait être jugée jusqu'au 20 décembre, pourrait être renvoyée.
"Une figure de courage"
À Lille, à Avignon, et bien sûr à Paris... Partout en France, des rassemblements semblables à ceux en Corse sont tenus ce samedi en soutien à Gisèle Pelicot.
Des manifestations "importantes pour toutes les personnes qui pouvaient observer le procès", selon la militante féministe Anna Toumazoff, qui en est à l'initiative. "En tant que personnalité féministe sur les réseaux sociaux, je recevais énormément de messages à ce sujet, de commentaires", explique-t-elle. En poursuivant : "On voyait que c'était un sujet qui animait énormément les conversations, y compris chez les personnes qui n'étaient pas forcément coutumières des discussions féministes".
Anna Toumazoff salue en Gisèle Pelicot "une figure de courage", et voit "un symbole extrêmement important" dans le fait d'avoir refusé, dans ce procès, le huis clos.