La France est le premier pays au monde à inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution, par 780 voix pour et 72 contre. C'est une avancée considérable. Mais des menaces persistent sur la loi Veil, votée en janvier 1975.
"Un moment important pour la démocratie", "une étape fondamentale qui restera dans l'Histoire", "un moment crucial", "une France pionnière", "Liberté à jamais"...
Élus, journalistes et associations saluent avec effusion l'entrée de l'Interrupition Volontaire de Grossesse, ou IVG, dans la Constitution. Un symbole très fort, alors qu'en un demi-siècle, on est passé de la dépénalisation à l'inscription dans la Consitution.
Après l'adoption du texte par l'Assemblée Nationale et par le Sénat, le Parlement s'est réuni ce lundi 4 mars à Versailles, pour procéder à la révision de la Constitution. Il sera désormais inscrit dans l'article 34 que"la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse".
La protection de la constitution
Mardi 30 janvier, Jean-Félix Acquaviva, député nationaliste de Haute-Corse, prenait la parole dans l'hémicycle pour rappeler les enjeux du vote : "La loi Veil est une grande loi, elle n'en reste pas moins une loi ordinaire, qui pourrait être limitée par une autre loi ordinaire. Nous pouvons aller plus loin aujourd'hui en lui conférant une force constitutionnelle incontestable".
Jean-Jacques Panunzi, sénateur de Corse-du-Sud apparenté LR, a voté non. Au Sénat, et également lors du Congrès, auquel il n'a pas assisté, mais pour lequel il avait signé une procuration.
Pour lui, Cette inscription du droit à l'IVG dans la Constitution est "un coup de pub pour le gouvernement".
"La loi Veil cadre les choses, et il y aura toujours une majorité, en France, pour ne pas voter contre l'IVG, contrairement à ce que l'on essaie de nous faire croire". Et Jean-Jacques Panunzi, qui assure ne pas être contre l'avortement, en sera, il le promet.
S'il a voté contre, c'est en raison du mot "garantie" utilisé dans l'article 34.
Ils sont plusieurs parlementaires à s'être étonné de ce terme, qui, selon le sénateur, vient "contrarier la clause de conscience du médecin". "Ce qui nous inquiète, c'est que si un médecin, pour une raison ou pour une autre, refuse de pratiquer un IVG, il pourra désormais se voir traduit en Correctionnelle"...
Rester vigilantes
Du côté de l'association Femmes solidaires de Corse, qui a toujours milité avec vigueur pour l'IVG, sans surprise, on se réjouit.
Mais pour Rosy Sarrola, sa présidente, le combat est loin d'être terminé : "indéniablement, c'est une avancée extraordinaire. Pour les femmes de France mais également d'ailleurs. Le mouvement Femmes Solidaires, qui œuvre beaucoup au niveau international, l'a constaté à plusieurs reprises. Dans de nombreux pays, les femmes voient les avancées, en France, comme un exemple, un encouragement".
Ce n'est pas parce que le droit à l'avortement est inscrit dans la Constitution que, pratiquement, il va être plus facile de pratiquer un IVG
Rosy Sarrola, Femmes Solidaires
Pour autant, Rosy Sarrola s'empresse de rappeler que "les freins" demeurent, et que plusieurs menaces pèsent encore sur le droit à l'IVG en France. "
Ce n'est pas parce que le droit à l'avortement est inscrit dans la Constitution que, pratiquement, il va être plus facile de pratiquer un IVG. Il y a moins de gynécologues, moins de médecins, les déserts médicaux gagnent chaque jour du terrain, et certaines femmes doivent parfois faire de nombreux kilomètres, pour pouvoir pratiquer l'IVG."
Et puis, même si elle se félicite de la large majorité obtenue lors du vote du projet de loi, Rosy Sarrola, qui en plusieurs décennies de militantisme, en a vu d'autres, veut rester prudente. Le seul obstacle à l'IVG n'est pas la dégradation du système de santé, en 2024 : "les forces réactionnaires sont en marche. Et l'opposition est plus assumée, plus décomplexée, on peut le constater tous les jours. Dans l'opinion publique et chez certains dirigeants, à l'étranger. On l'a vu récemment aux Etats-Unis..."
C'est pourquoi le prochain objectif, c'est d'"inscrire l'IVG parmi les droits fondamentaux à Bruxelles. "Il ne faut pas oublier que l'avortement est toujours interdit dans certains pays européens", conclut la présidente de l'association.
Effectivement, on le voit, le combat est encore long.