Alors que s’ouvre ce mardi 19 novembre le salon des maires et des collectivités locales, nous sommes allés à la rencontre de Roselyne Balesi, maire de Quenza. Entre manque de moyens humains, financiers et difficultés liées à la ruralité, l’édile se bat pour défendre des projets structurants pour sa commune.
"– Tu veux boire le café ?
– Je n’ai pas le temps…
– Tu n’as jamais le temps !"
Dans les ruelles de Quenza, Roselyne Balesi, la maire du village, a un petit mot pour chacun, mais pas le temps de s'attarder.
"Moi, c’est toujours au pas de course", confirme l’élue de la commune de 200 habitants, qui, comme nombre d’édiles ruraux, jongle entre de multiples casquettes. Secrétaire de l’entreprise de BTP de son mari, mais aussi mère et grand-mère, la dynamique sexagénaire ne chôme pas, et tâche - non sans difficulté - de tout concilier.
D’ailleurs, lorsque nous entrons dans la mairie, l’un de ses petits-enfants est là, absorbé par la contemplation d’une affiche représentant les présidents de la cinquième République. "Il s’intéresse beaucoup à l’histoire", confie Roselyne Balesi, le regard empreint de fierté et d’affection.
"C'est beaucoup de travail"
"Voyez comme il est beau ce bureau. Bon, au début, il me faisait un peu peur", avoue la maire, tout en parcourant des yeux les recoins de la bâtisse de bois et de pierre datant du 17ème siècle. Mais Roselyne Balesi n’est pas du genre à se laisser impressionner longtemps. Dès son élection en 2020, celle qui était auparavant première adjointe s’est rapidement plongée dans les dossiers.
Et ils sont nombreux, dans cette commune de l'Alta Rocca qui abrite plusieurs sites naturels emblématiques comme les aiguilles de Bavella, le plateau du Cuscione ou encore la vallée de l’Asinao."Sans mes deux adjointes administratives et mon équipe municipale, ce ne serait pas possible", pose d’emblée Roselyne Balesi, très attentive à la reconnaissance de ce travail d’équipe.
Documents et stylo en main, Dominique Ceccaldi, l’une des deux adjointes administratives de la maire, reconnaît bien volontiers que le quotidien est parfois chargé. "Travailler dans une petite commune, c’est beaucoup de travail, tout est concentré sur nous, on fait un peu tout, on passe du coq à l’âne toute la journée."
"Maire, c’est un service 24 heures sur 24, reprend Roslyne Balesi, pour des indemnités dérisoires : 900 euros pour bien plus de 35 heures par semaine... Même lorsque je ne suis pas à la mairie, j’ai l’esprit habité par ce quotidien, tous les dossiers à mener, tous les tracas…"
La question des moyens, humains mais aussi financiers, est centrale. "Même si nous sommes aidés par les services de l’Etat et la Collectivité de Corse, nous devons apporter 20% de financement dans nos projets, c’est énorme quand on sait à quel point nos bases fiscales sont basses."
Autre obstacle et non des moindres, la complexité administrative. "Toutes ces étapes à franchir... C’est long, décourageant et parfois on n’a pas les moyens, notamment juridiques, pour mener les projets à terme. Mais on y arrive, on n’a pas le choix !"
Paillotiser le Cuscione ? Jamais !
Roselyne Balesi
Cette ténacité, l'édile la met au service de ses dossiers les plus sensibles. Et elle sait précisément où elle veut aller, notamment pour ce qui concerne la gestion des espaces naturels situés sur le territoire de la commune.
"Paillotiser le Cuscione ? Jamais !", lance-t-elle. "Notre but est d’intégrer la route dans le foncier de la commune et de faire des aménagements pour réguler le flux des visiteurs et préserver ce site unique qui doit garder sa vocation agropastorale. C’est un projet structurant pour la microrégion, et même pour toute la Corse", martèle celle qui assure n'avoir "aucune ambition politique régionale", restant même évasive quant à ses préférences partisanes.
"On met un peu sa vie entre parenthèses"
Au quotidien, la détermination de Roselyne Balesi n’efface pourtant pas les moments de doute. "Cela m’est arrivé une ou deux fois de me dire "à quoi bon ?", livre-t-elle, non sans émotion.
"Bien souvent, j’ai fait avancer ma commune au détriment de notre propre entreprise, de ma vie de famille, de ma vie personnelle. Même de ma santé : quand on a un rendez-vous médical, surtout en milieu rural et qu’on est obligé d’aller à Porto-Vecchio, Propriano ou Ajaccio, c’est compliqué et parfois, on l’annule. On met un peu sa vie entre parenthèses."
Entre les lignes, la culpabilité affleure. Celle de ne pas se sentir suffisamment présente pour sa famille. Celle de devoir être partout à la fois.
"Cette fonction peut être pesante, surtout pour une femme, mais c’est un choix, personne ne m’a forcée. Après lorsqu’on réussit, c’est une satisfaction. Personne ne croyait à notre projet de sauvegarde du château de Quenza, même pas mon mari, sourit-elle. Et pourtant, on a décroché une aide importante de la fondation du patrimoine et on a sauvé cet édifice. Ça a été un peu une aventure féminine, avec mes deux adjointes, et toutes les femmes de l’équipe qui, elles, y ont cru."
"Sortons un peu !", propose l'énergique édile. À l’extérieur de la mairie, devant l’église, de nombreux enfants jouent au soleil sous le regard de leurs parents.
"C’est une place intergénérationnelle, c’est très beau à voir. Peu de villages ont un tel endroit où tout le monde se retrouve, parfois jusqu’à deux heures du matin... C’est une vraie vie de village au centre : la mairie, le groupe scolaire, l’église, tous les commerces... C’est un beau village, on y est bien", conclut dans un large et bref sourire Roselyne Balesi. Car il est déjà temps de reprendre le chemin de son bureau...