"Même quand je peins Paris, on voit la Russie dans mes toiles": considéré comme le leader des artistes non-conformistes de l'ex-URSS, le peintre russe Oscar Rabine, 90 ans, qui vit en exil à Paris depuis 1978, expose ses tableaux jusqu'au 28 septembre à Ajaccio.
Baptisée "Sur les chemins de la liberté", cette exposition à l'espace Diamant d'Ajaccio montre les toiles de "sa deuxième vie", débutée à 50 ans à Paris, aux côtés de tableaux de sa seconde épouse Tatiana Lysak-Polischuk, également peintre.
Né le 2 janvier 1928 à Moscou, Oscar Rabine a fondé en 1958 le groupe d'art informel Lianozovo, réunissant des expérimentateurs avant-gardistes.
Au printemps 1974, il est le principal organisateur d'une exposition en plein air à Moscou d'artistes underground voulant montrer leur travail sans censure. Elle fut surnommée "exposition Bulldozer" après avoir été détruite par ces engins par les autorités.
"Durant ces années de plomb, les artistes vivants en Union soviétique et affichant un art contemporain non officiel étaient des parias. Nous étions persécutés", a expliqué, en russe, le peintre de 90 ans, lors d'une conférence de presse.
Le peintre sera ensuite déchu de sa nationalité en 1978 et prendra en 1985 la nationalité française avant que les autorités russes ne rétablissent sa citoyenneté en 1990.
"Une légende en Russie"
Il a depuis exposé notamment au musée Pouchkine de Moscou en 2007 ou au Grand Palais de Paris en avril 2018 ou encore à Londres où sa toile "Violon au cimetière" s'est vendue en 2006 pour 168.469 livres (249.595 euros à l'époque)."J'ai essayé de peindre la Russie d'aujourd'hui mais pour moi ce n'est plus ma Russie, ce pays m'est devenu un peu étranger", a-t-il expliqué, confiant aimer particulièrement Paris, la Provence et la Corse où il se rend régulièrement depuis des années.
Mais "je suis russe et je le reste, toute ma culture est russe, mon âme est russe et même quand je peins Paris, on voit la Russie dans mes toiles", a confié celui qui continue à créer quotidiennement, en écoutant de la musique classique, dans son atelier proche du centre Pompidou que lui a attribué Jacques Chirac.
"Son oeuvre est tout de suite reconnaissable comme Chagall et Picasso. Il ne ressemble à personne. C'est un peintre très profond, une légende en Russie, qui va toujours vers la liberté", a expliqué Elena Joly, commissaire de l'exposition.
Engagé pour la liberté de l'art
"Oscar a traversé le XXe siècle et a vécu tous ces bouleversements qui se sont reflétés dans ses tableaux. En les regardant, il y a quelque chose qui crispe le coeur, on a envie de pleurer mais il y a toujours une lueur, comme un espoir", a-t-elle ajouté.Toujours engagé pour la liberté de l'art dans son pays, Oscar Rabine a notamment fait partie en 2010 d'une dizaine de peintres russes qui avaient appelé le président russe de l'époque, Dmitri Medvedev, à stopper le procès contre les organisateurs d'une exposition non-conformiste.
Pour Simone Guerrini, adjointe à la culture de la ville d'Ajaccio qui organise l'exposition, "ses oeuvres sont extrêmement fortes". "On voit ce que le peintre a pu vivre, les affres de l'existence et cette culture russe".
En l'honneur du peintre, la mezzo-soprano, Prima Donna du Bolchoï de Moscou, Irina Dolzhenko, viendra donner un récital le 21 septembre.