Ota : le préfet assure que tout sera fait pour reloger le couple expulsé

Un couple de personnes âgées d'Ota-Porto a été condamné à détruire son habitation située en zone inconstructible. Malgré les recours, la décision est définitive. Elle a soulevé l'indignation en Corse. La préfecture de Corse-du-Sud a promis qu'une solution serait trouvée pour reloger les Keirsbilck.

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Il est 8 h 30, ce jeudi, lorsque plusieurs dizaines d'habitants d'Ota se rassemblent devant le logement du couple Keirsbilck. Ils font face aux gendarmes et empêchent l'accès au compteur électrique. Une coupure doit être pratiquée par le distributeur EDF, sur injonction de la préfecture, pour une future démolition.

Face à la mobilisation de la population, les gendarmes reçoivent l'ordre de se retirer en fin de matinée. Touché par la démarche, le propriétaire des lieux, René, 76 ans, sait qu'il n'est pas définitivement à l'abri. "J'ai toujours le glaive pendu au-dessus de la tête", déplore-t-il.

"Moi, je n'y suis pour rien dans le problème qu'il rencontre avec la préfecture"

Car l'habitation des Keirsbilck, où se situe aussi leur activité, un atelier de réparation automobile, est construite en zone non-constructible et inondable. Toutes les autorisations données depuis 2005 ont été annulées, les derniers jugements de démolition et d'expulsion sont définitifs et le pourvoi en cassation, formé par le couple, a été rejeté en octobre 2020.

Néanmoins, pour certains habitants rencontrés, la situation du couple Keirsbilck est due à des relations tumultueuses avec leur voisine : Christine Leca, propriétaire d'une station-service à quelques mètres de l'atelier automobile "Chez René". 

Selon la rumeur, elle aurait dénoncé le projet de ses voisins en s'appuyant sur une absence d'affichage du permis de construire. "Moi, je n'y suis pour rien dans le problème qu'il rencontre avec la préfecture", soutient-elle. Documents à l'appui, elle raconte qu'après avoir pris connaissance de l'autorisation accordée au couple Keirsbilck, elle demande un permis de construire afin de transformer une remise adjacente à sa station-essence. Refusé.

Surprise, Christine Leca réclame des explications au maire d'Ota-Porto, Pierre-Paul de Pianelli, et aux services de la DDE (direction départementale de l'équipement). "Lorsque mon mari est décédé, une experte a été envoyée pour estimer la valeur des biens. Et dans le rapport, il est spécifié que la parcelle est non-constructible", raconte-t-elle. Problème, la DDE n'est pas au courant du permis de construire accordé aux Keirsbilck. "C'est elle qui s'est occupée des démarches administratives étant donné qu'ils devaient être hors la loi", précise-t-elle. 

Des accords tacites de deux préfets ?

Pour l'édile, impossible d'imaginer expulser un couple de personnes âgées de leur logement. Depuis 2008, date de sa première mandature, il suit toutes les procédures de près. 

Il affirme avoir reçu des accords tacites de la part des préfets Patrick Stroda et Josiane Chevalier. "Ils m'ont soutenu d'abord par le fait que j'attribue un permis de construire pour faire cet atelier et cette maison et Madame la préfète Chevalier m'avait garanti que de leur vivant, ils ne seraient pas expulsés", se souvient l'édile.

De son côté, la préfecture, insiste dans un communiqué, jeudi, que "le bâtiment a été construit en secteur naturel inconstructible d’après le zonage établi par le plan local d’urbanisme de la commune." Les services de l'État rappellent dans le même temps le contexte judiciaire de l'expulsion du couple Keirsbilck, et soutient que l'arrêt de la Cour de Cassation  du 1er octobre 2020, "vient clore l’ensemble des procédures engagées. Il confirme l’ensemble des décisions de justice rendues, à savoir : l'expulsion, la remise en état des lieux par la démolition des constructions et le paiement d’astreintes importantes.

Communiqué de presse de la préfecture de de Corse-du-Sud

La préfecture précise : "le coordonnateur pour la sécurité en Corse a pris contact avec le maire d’Ota, afin d’étudier avec lui la possibilité d’un relogement pour le couple d’occupants." Dans la mesure où il ne s'agit pas d'une expulsion locative, les retraités ne sont pas protégés par la trêve hivernale. 

"Inadmissible et inhumain"

Depuis l'intervention de la gendarmerie, les réactions politiques se multiplient sur les réseaux sociaux. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, apporte son soutien au couple tout en précisant : "Le préfet Lelarge doit bien sûr respecter cet engagement [de ne pas expulser le couple par la force]"

Le maire d'Ajaccio, Laurent Marcangeli, parle quant à lui d'un acte "inadmissible et inhumain". Il déclare : "nous ne sommes pas là en face de squatteurs sans scrupules."

Le député européen François Alfonsi a publié un long texte sur Facebook, dans lequel il raconte l'histoire de René, de cette "affaire judiciaire totalement disproportionnée" et d'un terrain "sur-protégé". 

Certains commentateurs, comme Core in Fronte, dénoncent le contraste entre cette décision de justice et les villas Ferracci notamment, qui ont échappé à la démolition. 

La Ligue des droits de l'Homme, section Corse, a également réagi dans un communiqué. Elle demande à la préfecture de Corse "de ne pas appliquer l'arrêté d'expulsion comme cela avait été acté par les deux préfets précédents. Il s'agit d'un simple geste d'humanité."

Le maire d'Ota-Porto affirme avoir obtenu un rendez-vous en préfecture lundi. 

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