À Bonifacio, une famille de pêcheurs continue de perpétuer un savoir-faire ancestral. Frédéric Sitzia, le fils, confectionne des nasses utilisées pour des pêches scientifiques ou encore déclinées en objet de décoration. Rencontre.
C’est un savoir-faire ancestral, qui disparaît peu à peu. À Santa Manza (Bonifacio), Frédéric Sitzia, entremêle les matières. Avec du jonc marin et des lamelles de roseau, ce pêcheur de Bonifacio tresse les nasses traditionnelles.
"J'ai commencé à tresser des nasses quand j'avais 17 ou 18 ans. Mon père et mon grand-père m'emmenaient tirer les joncs, nettoyer le roseau et les disposer en lamelles. J'ai ensuite commencé à fabriquer les couvercles et petit à petit, j'ai commencé à fabriquer des nasses", explique Frédéric Sitzia.
"C'est une technique qui se perd. Avant, à Bonifacio, les pêcheurs de Langouste fabriquaient tous des nasses. Aujourd'hui, les nasses sont faites avec du plastique ou avec du filet, l'armature est en inox, mais cela va plus vite. Là, notre technique prend du temps et beaucoup de travail", ajoute-t-il.
Un savoir-faire familial
Pour confectionner entièrement une nasse traditionnelle, ce pêcheur a besoin d'une journée de travail. "J'aimerais beaucoup faire comme lui, car c'est incroyable. Il ne faut pas que cette technique se perde, je ferais tout mon possible pour apprendre", confie avec un grand sourire, sa fille, Camille Sitzia, qui n'hésite pas à lui apporter un peu d'aide.
Dans son atelier, des photos témoignent des longues heures passées en mer, lorsque Bonifacio était encore un petit port de pêche. "Là, c'est mon père quand il était jeune, il avait 14 ans. Là, c'était le bateau familial sur lequel je travaillais", se remémore Frédéric Sitzia, en montrant les photos accrochées au mur de son atelier. "Moi je continue cette tradition pour les anciens, pour montrer aux gens qu'il ne faut pas que ça se perde, que l'on fabrique toujours les nasses à l'ancienne".
Les nasses, de nouveau utilisées
Les nasses, moins rentables, ont été abandonnées par les pêcheurs de langoustes. Mais aujourd’hui, dans le cadre d’une pêche scientifique et sélective, les nasses de Frédéric Sitzia sont de nouveau déposées en mer, dans le cantonnement de pêche de la prud'homie de Bonifacio, en collaboration avec les gestionnaires de la réserve naturelle.
"Il y a eu 180 nasses qui ont été calées et relevées. Les pêcheurs voulaient voir l'évolution de la ressource en langoustes rouges principalement. En 2007, nous avions déjà fait des pêches scientifiques dans ce cantonnement, avec des nasses traditionnelles. Cette année, nous avons pu renouveler la même expérimentation. L'objectif est de comparer les captures entre 2007 et 2024", explique Marie-Catherine Santoni, cheffe de pôle Suivis Scientifiques AMP et Halieutique. "Ces pêches scientifiques ont été faites avec les nasses traditionnelles, car elles sont faites en jonc, en myrte, et complètement biodégradables".
De plus, le maillage permet aux petites langoustes de sortir de la nasse et aux gros individus d'être maintenus complètement vivants, sans être abîmés, comme cela peut être le cas par les filets de pêche.
Un objet de décoration
Dans la haute ville, la galerie de Dominique Sitzia donne une deuxième âme aux nasses de son frère. Cet outil de pêche est transformé en objet de décoration.
"Je suis très fière de vendre le produit de mon frère, je pense évidemment à mon père, à mon grand-père. C'est une histoire de famille, j'ai vu cela depuis ma tendre enfance. On a aujourd'hui cette rareté et ce savoir-faire ancestral qui doit perdurer et être découvert par tous", assure Dominique Sitzia. "L'idée est donc d'exposer et de montrer pour raconter cette histoire de famille".
Les nasses sont devenues des objets rares. Frédéric Sitzia sauvegarde cette technique traditionnelle. Il est le dernier tresseur de nasses de Bonifacio.
Voyez le reportage de Jennifer Cappai et Marion Fiamma :