Depuis une dizaine de jours, une équipe d'EDF Corse est à Mayotte afin de prêter main-forte aux sinistrés de l'archipel français, dévasté par un violent cyclone mi-décembre. Dix-sept agents insulaires travaillent actuellement sur le réseau électrique mahorais qui a subi de gros dégâts. Leur responsable, Sébastien Knnablian, fait le point sur la mission du groupe qui quittera le département français d'Outre-mer ce samedi.
Depuis le 26 décembre dernier, dix-sept agents d'EDF Corse sont à Mayotte afin de participer à la remise en état du réseau électrique, fortement endommagé par le passage du cyclone Chido. Ils font partie des 89 salariés du groupe à être mobilisés sur l'archipel français de l'océan indien qui a vu 90% de ses infrastructures être détruites par cette catastrophe climatique.
Basée dans la région de Ouangani, l'équipe corse est composée d'encadrants, de techniciens d'intervention et d'un logisticien. "Seize agents sont à Mayotte et seul le logisticien est resté à La Réunion car toute la logistique passe par cette île-là", précise Sébastien Knnablian, chef du groupement régional de Haute-Corse d'EDF et responsable du groupe insulaire qui a rejoint le département d'Outre-mer.
Après une dizaine de jours sur place, il fait le point sur la situation du réseau électrique mahorais ainsi que sur la mission de son équipe qui s'achève ce samedi 11 janvier.
France 3 Corse : Depuis fin décembre vous êtes à Mayotte, près de Ouangani, dans la partie sud de l'archipel, afin de réparer le réseau électrique qui a subi de gros dégâts causés par le cyclone Chido. Quelle est la situation sur place ?
Sébastien Knnablian : Nous sommes toujours en train de travailler sur le terrain, au plus près des habitants de Mayotte. Un secteur nous a été défini pour réalimenter les clients en électricité. On intervient donc secteur par secteur en suivant un ordre : on travaille d'abord sur les "points vitaux" comme les cabinets médicaux, l'assainissement ou l'eau potable. Ensuite, on avance quartier par quartier. Dix jours après notre arrivée, nous sommes donc toujours sur le terrain où l'on essaye de mailler au mieux nos agents afin d’avancer progressivement sur tous les secteurs en même temps.
Lors de votre arrivée, quel diagnostic avez-vous posé face à l'ampleur des dégâts ?
Nous avons vu ce qui nous avait été raconté. C'était même pire... On a alors découvert un paysage complètement défiguré par ce cyclone, avec des arbres sans aucune feuille... Cela peut ressembler un peu à nos paysages en Corse après le passage d’un incendie. Il n’y a pratiquement plus aucune maison intacte. Certaines ont été totalement balayées. On a donc vu tout ça de nos yeux et ça nous a énormément frappés. Ensuite, on a découvert avec un regard un peu plus particulier l'étendue des dégâts causés sur nos réseaux...
Au quotidien, comment procédez-vous pour remettre le courant chez les habitants ?
Aujourd’hui, le réseau est presque "broyé", si je puis dire. On travaille pratiquement au cas par cas. En premier lieu, nous allons sur des secteurs où il n’y a pas de courant. On voit les lignes par terre. Notre premier job est de sécuriser ces lignes-là. On vérifie que le câble est intact pour nos agents et aussi pour les riverains. Ensuite, le but est de sélectionner ces câbles-là qui sont sains et de les remettre sur les poteaux, puis de réalimenter chaque branchement et chaque client.
On a donc des tâches bien définies selon les équipes. Nous opérons sur des villages et des communes où, théoriquement, nous sommes les seuls à travailler. On peut donc quadriller le secteur de la façon la plus efficiente possible. Le but, c'est d'être efficace dans notre façon de travailler : on quadrille et on avance quartier par quartier en analysant l'état du réseau avant d'intervenir pour réparer et rétablir le courant.
Le reportage de Kael Serreri et Alexandra Sebayhi :
On imagine que certaines zones sont parfois inaccessibles. Comment vous y rendez-vous ?
Pour l'instant, on n'a pas encore eu besoin de l'hélicoptère. Le matin, on part en voiture. Chaque équipe a son véhicule. On fait donc un premier briefing à 6 heures 30, puis les équipes partent du camp de base, le but étant de commencer à travailler le plus tôt possible en raison de la chaleur. Chaque groupe est positionné sur des zones définies. Les équipes avancent, avec les véhicules, au fur et à mesure sur ces secteurs-là. Quand les accès sont difficiles, on lâche le véhicule et on marche, parfois pas mal de temps, pour accéder à un relais ou à une maison un peu plus isolée.
Y a-t-il des similitudes avec le réseau corse sur lequel vous intervenez habituellement ?
En Corse, nous avons aussi des points sur le réseau qui sont difficiles d’accès. Parfois, il y a de la marche à faire pour aller chercher les poteaux et rétablir le courant. Là aussi, le seul souci c'est qu'il faut bien connaître le secteur et y aller. Ici à Mayotte, il y a des paramètres supplémentaires qui ont été compliqués à appréhender lors des premiers jours : la grosse chaleur et le taux d'humidité qui est très fort. On commence à s’y faire mais ça a été difficile au début car cela a énormément fatigué les techniciens. Il a aussi fallu trouver un rythme qui puisse être cohérent. Le but, c'est de tenir sur les deux semaines et de ne pas se "cramer” sur les trois premiers jours. C'est donc davantage le climat que le terrain qui a été le plus difficile à appréhender.
On a des clins d'œil presque tous les jours de la part des enfants et des familles qui retrouvent le sourire quand on les réalimente.
Les images qui ont circulé après le cyclone du 14 décembre dernier ont notamment montré des Mahorais qui avaient tout perdu. Certains s'estiment délaissés par l'Etat et ont également fait part de leur mécontentement à l'encontre des pouvoirs publics. Qu'avez-vous ressenti sur le terrain ?
Forcément, il y a de la détresse. Aujourd'hui, l’électricité est devenue plus que vitale dans le monde entier. Ici, même si ça fait maintenant plusieurs jours que de nombreux habitants attendent toujours le courant, l'accueil de la population mahoraise a été très favorable pour nos équipes. On a des clins d'œil presque tous les jours de la part des enfants et des familles qui retrouvent le sourire quand on les réalimente. Hier, on a reçu un message de quelqu'un qui n’a toujours pas l'électricité mais qui nous remercie pour notre travail car il nous voit nous affairer quotidiennement. Ces clins d’œil nous rappellent pourquoi nous sommes là : pour aider la population. L'accueil des Mahorais à notre égard est donc très bon. Ils sont conscients de l'ampleur du cyclone et des dégâts qu'il a causés.
Le week-end dernier, le ministère de l'Intérieur a indiqué que "70% de la population générale" était de nouveau alimentée en électricité. Cette affirmation a été contredite par la députée mahoraise Estelle Youssouffa, ce qui a suscité un début de polémique. Vous qui êtes sur place, sauriez-vous ce qu'il en est véritablement concernant le nombre de foyers de nouveau raccordés au réseau ?
C'est assez compliqué à évaluer pour moi... La seule chose que je peux dire, c'est que nous sommes affairés sur tout le secteur sud afin de rétablir, sans cesse et chaque jour, le courant chez plusieurs centaines de clients. Tout le terrain est également quadrillé par des agents, que ce soit au sud pour nous, et au nord pour toutes les autres entreprises du groupe EDF qui travaillent. Actuellement, il y a donc des dizaines, voire des centaines de techniciens partout sur l'île.
Avec votre équipe, vous restez à Mayotte jusqu'au 11 janvier prochain. Après cette date, une nouvelle délégation venue de Corse prendra-t-elle la relève ?
Que ce soit de Corse où d'ailleurs, des équipes sont prévues pour prendre le relais au fur et à mesure. Il y en a donc qui vont encore arriver. Une autre équipe de Corse pourrait donc venir ici par la suite ; peut-être pas dès le 11 janvier mais un peu plus tard. Ce qui est en tout cas prévu, c'est que les équipes d'EDF se relaient jusqu'à ce que chaque client ait l’électricité chez lui. Car plus on va avancer et plus ça va devenir compliqué d'aller chercher le dernier client. On modifiera alors un peu notre travail mais le principe restera le même : aller alimenter toutes les personnes sur l'ensemble du territoire mahorais.
Après dix jours passés à travailler sur l'archipel, quel bilan tirez-vous de la mission de votre groupe qui touche à sa fin ?
Je pense que l'équipe ressent une certaine fierté d'avoir pu intervenir pour aider un autre territoire, qui plus est insulaire. Le bilan, c'est la satisfaction qu'on a pu donner là où nous sommes passés : il y a les sourires des clients raccordés, ceux des enfants aussi qui ont chanté quand l'électricité est revenue. Ces images resteront gravées dans nos têtes. Quant au bilan professionnel, les techniciens n'ont pas à rougir de ce qu'ils auront donné sur ces deux semaines-là, avec beaucoup de pluie, de chaleur et de fatigue. Tous les soirs, ils rentrent épuisés de leur journée. Ils n'ont donc pas à rougir de tout le travail effectué ici. Et on repartira de Mayotte avec des souvenirs plein la tête...