À l'occasion de la Festa di a Nazione, nous republions une interview datant de 2021 de l'historien Antoine-Marie Graziani. Il revient sur l'origine, la symbolique et la dimension culturelle du 8 décembre en Corse.
Le 30 janvier 1735, la consulta d'Orezza, qui réunit les généraux de la Nation, Hyacinthe Paoli, Louis Giafferi et André Ceccaldi, adopte un règlement établissant la séparation définitive de la Corse d'avec Gênes.
L'île est proclamée indépendante, se dote d'un hymne, et est placée sous la protection de la Vierge Marie. Un jour de fête nationale, Festa di a Nazione, est choisi. Elle sera célébrée le 8 décembre, jour de l'Immaculée Conception.
L'historien Antoine-Marie Graziani revient sur l'origine et la symbolique du 8 décembre en Corse.
Que représente la Fête de la Nation en Corse ?
Antoine-Marie Graziani : C'est une fête qui, comme toutes les fêtes nationales, revêt un cachet particulier. Symboliquement elle renvoie à la période des révolutions. L'historien Jean-Louis Andreani dit d'ailleurs que le XVIIIe siècle est la période la plus forte de l'Histoire de Corse. Cela va de 1729 jusqu'à Pasquale Paoli. Et puis certains peuvent aussi y être attachés car cette fête correspond à des idées qu'on a pu véhiculer soi-même. Il faut garder en tête que c'est un événement récent et qu'il est devenu quelque chose.
Pourquoi la date du 8 décembre ?
Il s'agit d'une date indirecte, comme pour la fête nationale française. C'est-à-dire que certains croient que l'on fête la prise de la Bastille, en 1789, le 14 juillet, or, on fête la fête de la Fédération qui, certes, avait été organisée pour célébrer la prise de la Bastille mais qui s'est tenue un an plus tard, en 1790.
Lors de la consulta d'Orezza, un acte est pris : quelques-uns considèrent qu'il s'agit de la première Constitution, de mettre la Corse sous la protection de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie, soit le 8 décembre. C'est la même logique, on célèbre une fête religieuse, dont le dogme a été reconnu en 1854, avec un rapport indirect avec le temps. À une époque, certaines personnes ont fait des raccourcis et ont indiqué que la consulta s'était tenue le 8 décembre, mais il ne s'est rien passé le 8 décembre.
Et puis il y a aussi un problème dans l'interprétation des textes. Deux écrits ont été retrouvés de la consulta d'Orezza, le 30 janvier 1735 : dans le premier, qui est long, il est noté que la Corse est mise sous la protection de l'Immaculée Conception et cela n'apparaît pas dans le second texte, plus court, de Sébastien Costa. C'est une construction laïcisée du texte, et une sorte de simplification, ça ne va pas plus loin, même si certains historiens pensent qu'il s'agit du bon texte.
La Fête de la Nation devient aussi de plus en plus culturelle...
Effectivement, mais il faut dire que l'Éducation nationale a joué le jeu. L'Université a choisi de faire de ce jour un jour férié alors que l'Éducation nationale a vu les choses de manière plus diverse en considérant que l'on pouvait faire comprendre la culture corse à l'intérieur du système scolaire. Il y a une réelle adaptation de l'Éducation nationale, tous les ans, dans les écoles, des discussions sont organisées, mais cela peut aussi prendre la forme de chants, de visites autour de la langue et de la culture corses. C'est remarquable et ça n'existe nulle part ailleurs.