Affaire des gîtes ruraux : le député Paul Giacobbi devant la justice pour détournement de fonds publics

Le député DVG Paul Giacobbi est jugé à partir de lundi à Bastia, aux côtés de 23 co-prévenus, pour détournement de fonds publics, suspecté d'avoir été "politiquement" le principal bénéficiaire d'un système clientéliste dit des "gîtes ruraux", au préjudice du département de Haute-Corse.


Détournement d'aides ?

Paul Giacobbi, âgé de 59 ans, a présidé le Conseil général de Haute-Corse de 1998 à 2010, avant de prendre la tête de l'exécutif de l'île, jusqu'à la victoire des nationalistes en décembre 2015.

Entre 2007 et 2010, sous sa présidence, l'aide départementale à la création et rénovation de gîtes ruraux "a été totalement détournée de son objet initial", le soutien au tourisme local, relève l'enquête, menée sous l'autorité du juge d'instruction Thomas Meindl.

Rénovation de gîtes ruraux

Elle était accordée en toute discrétion, "dans une logique purement électoraliste, à une caste d'élus, à leurs affidés voire au premier cercle des soutiens de Paul Giacobbi ainsi qu'à des proches du personnel du Conseil général", ajoute-t-elle.

La plupart des dossiers d'attribution de subventions, qui allaient jusqu'à 45.000 euros par bénéficiaire pour un détournement total estimé à un demi-million d'euros, "étaient incomplets, un très grand nombre quasiment vide", et les contrôles inopérants, ont relevé les enquêteurs.

Travaux privés

L'argent aurait en réalité servi à financer des travaux privés. Les bénéficiaires de la fraude ? Le filleul de Paul Giacobbi, son chauffeur ou encore sa secrétaire de mairie et la sœur de celle-ci...

Pour brouiller les pistes, des épouses d'élus ont présenté des dossiers sous leur nom de jeune fille. Tous ont un point commun : ils se trouvaient dans la deuxième circonscription de Haute-Corse, circonscription électorale de Paul Giacobbi, notamment dans le Venacais et dans la Plaine orientale.

"Politiquement", ce dernier était "le principal bénéficiaire" de ce "système dévoyé", résume le magistrat instructeur. Accusé d'avoir sciemment laissé se développer ce système clientéliste, Paul Giacobbi s'est défendu en affirmant que sa signature aurait été imitée sur les dossiers d'attribution de subventions.

"Système clientéliste"

L'affaire avait éclaté en 2011 après l'assassinat le 21 mars de Dominique Domarchi, un proche de Paul Giacobbi. La cellule anti-blanchiment du ministère de l'Economie Tracfin s'était alarmée du versement de subventions par le Conseil général à l'un des fils de M. Domarchi. L'étude des comptes de proches d'élus départementaux avait ensuite mis au jour plusieurs versements suspects.

Une enquête puis une information judiciaire ont été ouvertes, et l'affaire a connu une accélération avec l'arrivée du juge Thomas Meindl au pôle économique et financier de Bastia en 2014. En juillet 2015, Paul Giacobbi passe 13 heures en audition dans son bureau, à la suite desquelles il est mis en examen.

Jean Leccia, le grand absent

L'ombre d'un autre assassinat plane sur cette affaire, celui de Jean Leccia, "cheville ouvrière du système de détournement de fonds publics", selon l'instruction. Ce fonctionnaire, "administratif apprécié et réputé intègre" aurait pu se retrouver sur le banc des prévenus mais il a été assassiné le 22 mars 2014.

S’il n’est pas entendu dans le procès des gîtes ruraux, l’avocat de sa famille Me Eric Barbolosi, tient tout de même à souligner : « Jean Leccia était un administratif à l’époque, directeur des interventions départementales. C’est donc normal qu’il suive les dossiers de subventions, c’est son rôle. Mais en aucun cas c’est lui qui décide de l’attribution de ces subventions ou du paiement de ces subventions, ou du contrôle de l’argent de ces subventions. Ce n’est pas son rôle. »

La mort de Jean Leccia n’a pas permis aux enquêteurs de l’interroger pour savoir à la demande de qui il avait "prêté son concours à cette fraude", indique le dossier.

24 prévenus devant le tribunal

Le 9 septembre, 24 personnes ont été renvoyées devant le tribunal. Seize sont soupçonnées d'avoir bénéficié de subventions indues, et doivent répondre de complicité et recel de détournement de fonds publics. Parmi elles, le fils de feu Dominique Domarchi.

Cinq fonctionnaires du Conseil général sont jugés pour détournement de fonds publics, dont le directeur général des services de l'époque, Thierry Gamba-Martini et Jean-Hyacinthe Vinciguerra, maire de Perelli (Haute-Corse).

Ce dernier est par ailleurs mis en examen dans un dossier d'emplois fictifs au Conseil général. Deux autres élus départementaux doivent comparaître sur le banc des prévenus : Jacques Costa pour prise illégale d'intérêts, et Paul-Marie Mancini, pour prise illégale d'intérêts, complicité et recel de détournement de fonds publics.

Jusqu'à 10 ans de prison

Les prévenus encourent des peines allant jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende, ainsi que l'inéligibilité et l'interdiction d'exercer toute fonction publique. Le Conseil départemental, aujourd'hui dirigé par François Orlandi (PRG), s'est constitué partie civile.

Le procès devrait durer jusqu'au 2 décembre.
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