En juin 2018, Jean-Marc Ettori était cambriolé, et violenté, à son domicile à Porto-Vecchio. Condamné à 7 ans de prison en première instance, Yassine Akhazzane s'est présenté devant la cour d'appel de Bastia sans avocat, pour faire connaître sa version des faits. La décision sera connue le 4 octobre prochain.
"Je n'y étais pas, au braquage. Ce sont les gendarmes qui le disent. Alors vous vous êtes rabattus sur l'association de malfaiteurs. Tout le monde a été relaxé, en première instance. À part moi. Et le parquet n'a pas fait appel. Ça veut bien dire que le dossier est vide".
Yassine Akhazzane, massif, les tempes rasées, un maillot sombre du Real Madrid sur le dos, est debout dans le box des accusés. L'homme, condamné le 15 mars dernier en première instance pour avoir été "l'instigateur" du violent cambriolage de l'homme d'affaires Jean-Marc Ettori, continue de nier les faits. Avec une virulence pas vraiment fréquente dans les salles d'audience.
Les enquêteurs se sont fait un petit film, et c'est ce petit film qui m'amène devant un tribunal. Il n'y a rien qui prouve mon implication, rien
Yassine Akhazzane
Sa défense, le trentenaire du Valinco l'assure seul. Son avocate a fait savoir qu'elle n'interviendrait plus dans le dossier. Une décision à ce point récente que la cour l'a appris à quelques minutes de l'ouverture de l'audience.
Il se tourne vers le président de la cour, Michel Bonifassi : "aujourd'hui, si vous me condamnez, vous ne rendrez pas justice à monsieur Ettori. Ceux qui l'ont braqué, ils n'ont jamais été dans ce box. Et croyez-moi, ils doivent bien rigoler en lisant le journal, depuis quelques mois".
Rondes préparatoires
Pour l'avocat général, Catherine Levy, c'est un fait, Yassine Akhazzane n'était pas sur place, lors de l'agression du PDG de Corsicatours. Mais son implication ne fait guère de doute. Il aurait été le commanditaire du cambriolage, et aurait ordonné "les rondes préparatoires", afin de mieux connaître les habitudes de la victime, "qui travaillait tard et rentrait tard".
La majorité des débats va tourner autour d'une Citroën, modèle Berlingo. Un véhicule qui avait été volé à Marseille, et que Yassine Akhazzane voulait acheter, ou aurait acheté - les versions diffèrent au cours de l'audience - pour la modique somme de 300 euros, afin de récupérer quelques pièces dont il avait besoin, pour réparer un véhicule professionnel de son entreprise de commerce de viande avec l'Espagne.
Pour la représentante du ministère public, "de nombreux éléments prouvent que monsieur Akhazzane est le principal utilisateur de ce véhicule qui va faire des repérages autour des trois entreprises de monsieur Ettori. La voiture roule très lentement, parfois à 3 km/h, pendant trois nuits, à 4 heures du matin, devant ces bâtiments, mais également autour de monsieur Ettori, et de sa fille".
C'est de la construction intellectuelle, s'énerve Yassine Akhazzane. Les enquêteurs se sont fait un petit film, et c'est ce petit film qui m'amène devant un tribunal. Il n'y a rien qui prouve mon implication, rien".
Il rappelle à ce titre qu'il n'a pas de permis de conduire. Cette voiture, elle était garée derrière chez lui, et tout le monde pouvait la prendre.
16 mentions au casier judiciaire
Quand le président lui demande des noms, il hausse le sourcil : "vous voulez que je donne des noms ? Des noms, moi, j'en donne pas. J'en ai jamais donné de toute ma vie, je ne vais pas commencer aujourd'hui."
Je ne sais pas si vous lisez le journal Le Monde, mais dans un article récent, on y dit que ce ne sont plus les Corses qui dirigent la criminalité, mais que c'est vous, en quelque sorte.
Catherine Levy, ministère public
Le parquet n'est pas convaincu. Et rappelle le lourd casier judiciaire de Yassine Akhazzane. Ce que le prévenu reconnaît sans peine, avec un demi-sourire. "16 mentions. Sans compter celles qui arrivent !".
Catherine Levy saisit la balle au bond : "vous êtes un habitué de ce type d'affaires, vous avez été à de nombreuses reprises jugé pour des affaires de délinquance violente. Si on était aux Etats-Unis, avec le cumul des peines, vous seriez en prison jusqu'à la fin de vos jours".
L'avocat général marque une pause, avant de reprendre : "je ne sais pas si vous lisez le journal Le Monde, mais dans un article récent, on y dit que ce ne sont plus les Corses qui dirigent la criminalité, mais que c'est vous, en quelque sorte".
Vous dites que c'est moi qui tiens la Corse, que je serais le capo de tous les capi !
Yassine Akhazzane
Yassine Akhazzane agrippe le micro du box, et se penche pour répondre à la représentante du ministère public : "vous n'avez rien dans votre dossier, et vous allez chercher Le Monde. C'est pour des faits précis que je suis ici, pas pour un article. Vous avez vos dossiers, vous avez vos ordinateurs. Vous dites que c'est moi qui tiens la Corse, que je serais le capo de tous les capi ! Si une seule chose de ce qui est écrit dans l'article est réelle, vous pouvez me mettre le double de la peine..."
Le parquet s'est contenté de demander la confirmation de la peine de sept ans de prison, donnée en première instance.
La décision a été mise en délibéré au 4 octobre.