En 2023, on saura quelle ville française sera désignée capitale européenne de la Culture. Bastia, qui pourrait passer pour le petit poucet de cette compétition, face à une dizaine de grandes villes hexagonales, a une carte à jouer. Et ne manque pas d'alliés.
"Une candidature au label de capitale européenne, c'est un projet international, qui doit s'ancrer profondément dans la culture et dans les spécificités locales. Il faut parvenir à mêler les deux aspects. Il est vraiment primordial de soigner la stratégie, et six années sont vraiment nécessaires à la concrétisation d'un tel projet. Il faut respecter toutes les étapes afin de présenter le meilleur projet possible".
Vuk Radulovic, tee-shirt blanc et veste rose sous le soleil encore écrasant de la fin d'après-midi, marque une pause, avant de conclure son intervention, sourire aux lèvres : "c'est beaucoup de travail, beaucoup d'investissement, mais surtout, ne paniquez pas !"
Le conseiller du gouvernement serbe sait de quoi il parle. C'est lui qui, durant près de dix ans, a porté la candidature de Novi Sad. Une candidature couronnée de succès. La ville serbe de 250.000 habitants est l'une des trois capitales européennes de la culture 2022.
Une idée de moins en moins folle
Ce label, Bastia ambitionne de le décrocher en 2028. La ville veut mettre toutes les chances de son côté. Alors, après des mois de travail, de réunions et de tables rondes, elle a voulu faire un point d'étape ce mardi 26 juillet. Mais cette soirée organisée au musée de la Citadelle est l'occasion, surtout, de montrer que cette candidature, face à des poids lourds tels que Montpellier, Clermond-Ferrand, Nice ou Reims, n'a rien de fantaisiste.
"Au début, c'était une idée folle, née lors d'une réunion de démocratie participative au Théâtre, et qui, finalement, a fait son chemin. On craignait que le projet soit un peu démesuré, et puis on s'est rendu compte que c'était faisable. Et désormais, je suis certain que nous allons réussir", affirme Pierre Savelli.
L'Europe regarde de plus en plus vers le sud, elle doit regarder vers la Méditerranée".
Younous Omarjee
Le maire de Bastia n'est pas le seul, comme le montre la centaine de personnes réunie dans les jardins du musée. Acteurs et actrices culturels, artistes, élus insulaires, mais également quelques invités du marque, venus pour apporter un peu plus de crédit à la démarche.
Au côté de Vuk Radulovic, Younous Omarjee, député européen et président de la commission du développement régional. Le Réunionnais prend soin de préciser qu'il est tenu par un absolu devoir de neutralité, ce qui ne l'empêche pas d'afficher une certaine sympathie pour la candidature corse et de déclarer, au micro, que "toutes les dimensions sont réunies dans le dossier pour que cette candidature emporte la conviction des Européens. L'Europe regarde de plus en plus vers le sud, elle doit regarder vers la Méditerranée".
Selon le député insulaire, très sensible aux questions d'identité, "la culture nous fait peuple, et cette candidature est l'occasion d'affirmer par la culture le peuple corse". Younous Omarjee termine son intervention en citant Aimé Césaire qui écrivait dans un poème que "l'heure des îles a sonné".
"L'heure de vous-même a sonné, et elle retentira, je l'espère en 2028". Pour la neutralité, on repassera. Mais ça fait du bien au moral.
Arc méditerranéen
D'autant que ce ne sont pas les seuls soutiens affichés à la démarche corse. Le consul d'Italie en France, venu jusqu'à Bastia, mais également les régions des Baléares ou du Val d'Aoste, la Sicile ou encore la ville de Viareggio, jumelée à Bastia, par message vidéo, affichent leur proximité avec la candidature bastiaise, qui est aussi un peu la leur, selon un élu italien.
"Aujourd'hui, la démarche est lancée", affirme Gilles Simeoni. "Et si nous continuons comme cela, nous avons de bonnes chances de l'emporter".
Les soutiens, c'est important. Mais c'est, au final, le projet lui-même qui fera la différence, dans six mois, quand l'Europe annoncera les quatre villes françaises finalistes. Vuk Radilovic, parmi les conseils qu'il a distillé au cours de la soirée, a insisté sur ce point : "Il faut réfléchir différemment, être innovant, expérimenter, proposer quelque chose qui sorte du quotidien".
Nous tiendrons une réunion de synthèse à la rentrée, et l'ossature du projet s'en dégagera.
Pierre Lungheretti
Le contenu du projet, nous le connaîtrons bientôt. "Nous avons retenu une méthode très participative, et nous tiendrons une réunion de synthèse à la rentrée. Elle nous permettra d'identifier les axes de programmation, à travers tout ce qui nous est remonté, à la suite des rencontres avec les différents acteurs insulaires. Et l'ossature du projet s'en dégagera", explique Pierre Lungheretti, le commissaire général de Bastia Corsica, qui a senti "une union sacrée" se dessiner au fil des mois.
Pour être choisis, en décembre 2023, il faudra travailler en équipe. C'est l'idée principale qui s'est dégagée de la soirée, une idée résumée à merveille par Mattea Lacave, adjointe à la culture de la mairie de Bastia. "Moi, je suis dans un esprit turchinu. C'est notre coupe de l'UEFA, et on va la gagner !"