C'est un rendez-vous incontournable pour les mélomanes insulaires. Depuis hier, des orchestres venus de tous les rivages de la Méditerranée se donnent rendez-vous sur les scènes de l'île, en compagnie des artistes de Corse, pour offrir un spectacle unique.
Le moment, 11 heures du matin, est un peu inhabituel. Mais Georges de Zerbi, président des rencontres musicales de Méditerranée, vous dirait qu'il n'y a pas d'heure pour écouter de la grande musique.
Et d'évidence, il n'a pas tort. Le trio Tarsis, composé de Carlos Coronado, Javier Vèlez et Jaume Francès, prend place sur la scène du théâtre de Bastia. Les trois élèves du conservatoire de musique du liceu de Barcelone, en pantalon et chemise noires, interprètent des pièces mêlant avec subtilité influences classique et flamenco.
La musique pour tous
Face à eux, plus d'une centaine d'élèves venus de cinq collèges de la région bastiaise. Et si l'immense majorité n'a jamais été initiée à ces musiques, la rencontre semble fonctionner. Mahé, 12 ans, a beaucoup aimé. Et si elle a préféré le premier concert, donné plus tôt par des élèves du conservatoire Henri Tomasi, "plus enjoué", elle a apprécié les deux.
Madame Brezet, son enseignante au collège de Montesoro, n'est pas loin. Et pour elle, d'un point de vue pédagogique, ce genre d'expérience est très riche : "cela permet aussi de travailler la capacité d'écoute. C'est très intéressant. Ce n'est pas simple de rester concentré comme cela, aussi longtemps. On les rassure, d'ailleurs, on leur dit qu'il peut y avoir un peu d'ennui parfois, mais que c'est normal. En restant attentifs, ils en retireront beaucoup de choses. Et ils apprendront à aimer".
Georges de Zerbi, même après des décennies de festival, est toujours surpris de l'intérêt manifesté par les élèves. Et pour lui, cet intérêt se traduit avant tout par "la qualité de leur silence. Les collégiens peuvent être très dissipés, et manifester leur ennui, mais durant ces concerts, il n'y a aucun bruit. Ils me semblent très réceptifs".
D'un bord à l'autre de la Méditerranée
Un peu plus loin, ce lundi matin, à la sortie sud de Bastia, un ensemble musical plus étoffé foule d'autres planches, celles de l'Alb'Oru, pour une ultime répétition. Quelques heures plus tard, à 19 heures, la formation d'instruments à vent du conservatoire de musique Giuseppe Verdi de Milan donnera le concert d'ouverture, sous la direction du très réputé chef d'orchestre Alessandro Bombonati, un habitué du festival. Un ensemble constitué de talentueux musiciens issus des meilleures classes, et lauréats de nombreux concours nationaux et internationaux.
"Mais ils ne seront pas les seuls à l'affiche", s'empresse de préciser Georges de Zerbi. "Le conservatoire de musique Niccolo Paganini de Gênes donnera également une représentation". Puis, en vertu de l'esprit qui préside à ce festival depuis l'origine, "ils se rejoindront pour ne former qu'un seul ensemble".
A travers la Corse
Ces concerts ont marqué hier le début de ces 23èmes rencontres musicales de Méditerranée. Durant une semaine, des artistes venus d'Espagne, du Maroc, du Portugal, d'Egypte, de Tunisie ou de Grèce sillonneront la Corse, pour donner des représentations dans les médiathèques, les églises ou les salles des fêtes de Borgo, L'Ile-Rousse, Bonifacio, Luri, Oletta, Corte ou Folelli. Autant de moments musicaux hors normes, gratuits et ouverts à tous.
Tout se terminera, comme de juste, par un grand feu d'artifice final, sur la scène du théâtre municipal de Bastia.
"Toutes les formations invitées joueront des œuvres caractéristiques de leur pays", et se mêleront également aux artistes insulaires invités pour offrir au public des moments uniques.
Enthousiasme
Ces rencontres musicales demandent une organisation peu commune, en raison, bien sûr, de la multiplicité des lieux de représentation, mais également du nombre de personnes invités, "entre 100 et 150 personnes", souvent venues d'autres pays, et qu'il faut prendre en charge tout le long de leur séjour.
"C'est un travail qui ne finit jamais, toute l'année. Ce sont des jours et des jours de travail", reconnaît Georges de Zerbi, qui s'empresse de mettre en avant le travail de la cinquantaine de bénévoles qui répondent présent, édition après édition. Et puis, avec une certaine pudeur, celui de son épouse, qui gère toute la partie logistique de main de maître...
Mais pour autant, chaque année, l'enthousiasme est le même. "Il n'y a jamais de lassitude", conclut le président des rencontres. "C'est tellement extraordinaire. Et il n'y a pas que la technique, les instruments, les solos en clé de sol ou de fa... Il y a l'élément humain, les rencontres, et ça, c'est magnifique". Georges de Zerbi, costume sombre et cravate à motifs, se lève, un sourire aux lèvres, et s'empresse de rejoindre son équipe. Le festival ne fait que commencer. Et il compte bien profiter de chaque instant.