Strade de l'Orientazione, à Biguglia : valoriser les formations professionnelles après le collège

C'est une première en Corse. Quatre jours de salon, ouvert à tous les collèges de Haute-Corse et présentant les filières de formation après la 3e. Le but, valoriser des cursus qui sont encore trop souvent déconsidérés.

Devant le Spaziu culturale Charles Rocchi, à Biguglia, une poignée de cars patientent. Et des files impressionnantes d'adolescents sont canalisés par les organisateurs. On pourrait se croire à quelques heures d'un concert de Jul. 

Mais nulle star du rap ne se produira ce soir sur la scène de l'espace culturel. Ce qui crée une telle effervescence, pas vraiment habituelle dans le coin, ce sont les premières Strade di l'orientazione. 

Un salon des formations et des métiers d'un genre nouveau en Corse, qui, du 10 au 13 octobre, accueille près de 1.700 élèves de 3e venus de tous les collèges du département. 

Filières professionnelles

Quelques artistes sont néanmoins au programme. Ainsi Kylian, en filière commerce à Jean Nicoli. Il est là pour faire la promotion de sa filière, avec quelques camarades et ses professeurs. Et il a plus d'un tour dans sa manche pour attirer l'attention des collégiens. 

Il a rodé un tour de magie qui démontre, avec brio, les qualités dont doit faire preuve un vendeur face à un client potentiel. Ecouter, ne jamais contredire, pour parvenir à clore la vente. Tout en donnant satisfaction à son interlocuteur. Même repart avec, sous le bras, un produit différent du produit recherché à l'origine. 

Pour cela, il place une carte dans la poche arrière de son jeans, et amène les collégiens jusqu'à cette carte-là. L'air de rien. 

Les élèves parlent aux élèves. Une bonne idée de ces Strade di 'orientazione, qui permet de donner plus de corps aux filières professionnelles, jusque-là un simple choix à cocher sur un formulaire. 

Lola, en terminale commerce à Jean Nicoli se destine à une carrière dans l'expertise comptable ou le commerce international. Elle ne regrette pas son choix, mais elle reconnaît qu'elle a hésité, à la sortie du collège : "il y a beaucoup de clichés sur les lycées professionnels, mais j'ai vite vu qu'on y était aussi à l'aise que dans les lycées généraux, et je me suis vraiment épanouie dans un domaine que j'aime. Et aujourd'hui je peux vraiment dire aux élèves de 3e comment ça se passe vraiment dans nos filières". 

Ces Strade di l'orientazione vont montrer aux collégiens ce qui est possible, leur ouvrir l'esprit sur les options envisageables.

Valérie Lombardo, Education nationale

Un peu plus loin, Santu et deux de ses amis passent devant le stand agriculture et le stand de logistique et de transports sans manifester un intérêt débordant. Et puis ils aperçoivent un buggy, et deux énormes moteurs, et se dirige vers le stand du pôle automobile. 

"Je suis venu là par curiosité, et puis c'est mieux que le cours d'histoire-géo", lance Santu, provoquant le rire de ses camarades. A demi-mot, on comprend que le jeune garçon de 14 ans compte faire le choix d'une filière "classique" à la fin de l'année scolaire. Et les Strade di l'orientazione sont uniquement consacrées à la valorisation de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage. 

Si l'on en croit les statistiques, la grande majorité des élèves qui défilent à Biguglia durant ces quatre jours feront comme lui. Moins d'un quart des collégiennes et collégiens de Corse font le choix d'une seconde professionnelle au sortir du collège. Les trois-quarts restant pourraient donc ne pas se sentir vraiment à leur place dans ce salon qui ne semble pas adapté à leur parcours. 

Ne pas se fermer de porte

Pour Valérie Lombardo, inspectrice de l'Education nationale en charge de la formation et de l'orientation pour la Haute-Corse, c'est aborder la question à l'envers : "le but, c'est de les inciter à réfléchir à leur orientation future. Et ces Strade di l'orientazione vont leur montrer ce qui est possible, leur ouvrir l'esprit sur les options envisageables. Peut-être qu'à la fin de leur année de 3e, ils n'iront pas vers une formation de pâtissier ou de commercial. Mais on ne doit pas réfléchir à court terme. L'idée, ce n'est pas que de penser à l'après-collège, mais d'être à même de savoir s'orienter tout au long de sa vie". 

Vincent Calendini, directeur de l'orientation à la Collectivité de Corse, qui organise l'événement avec l'Education nationale, acquiesce. "C'est une nécessité, nous semble-t-il. Il faut informer tous les élèves sur les formations qui existent dans le département de Haute-Corse. Et puis les valoriser. C'est primordial. Pour nous, c'est aussi un objectif de politique publique, qui peut permettre de répondre aux besoins du territoire, et de réfléchir à l'emploi à court, moyen et long terme". 

En Corse, si vous faites une formation, il y aura toujours des débouchés.

Philippe Désiré

Et les formations dispensées par les Centres de formation de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, les lycées agricoles, le lycée maritime et les autres professionnels qui ont joué le jeu durant ces quatre jours ne connaissent pas la crise, comme on a pu s'en rendre compte lors de la saison estivale avec la pénurie dans la restauration, ou le bâtiment...

Le directeur du CFA Amparà, Philippe Désiré, le confirme : "au cours de cette rentrée 2022, j'ai 140 contrats disponibles, et je n'ai pas de jeunes à mettre en face...Si vous faites une formation en Corse, il y aura toujours des débouchés. Aujourd'hui, un emploi n'est pas corrélé aux diplômes, il est corrélé à la compétence. Il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas de diplôme, mais qui ont un CDI après leur formation. Justement parce qu'ils ont développé des compétences."

Un message qui pourrait séduire nombre d'élèves, et convaincre quelques parents rétifs...