Réunis en collectif, des habitants du hameau de Pozzu à Brandu dans le Cap Corse dénoncent les constructions qui se multiplient sur les hauteurs de la commune. Des travaux qui ne seraient pas sans conséquences : l'accès des poids lourds au chantier d'une récente promotion immobilière, effectué par un passage étroit, présenterait selon les habitants un problème sécuritaire.
"On ne peut pas obtenir des autorisations de construction, si on n'a pas les structures routières qui vont avec." C'est un cri de colère que portent ces habitants du hameau de Pozzu, à Brandu. Structurés en un collectif, le Culettivu per a salvezza di i paesi suprani di Brando, ils ont organisé un rassemblement, samedi 22 juillet matin, tenu à proximité du chantier d'une promotion immobilière, qui prévoit la construction de 19 logements sur les hauteurs de la commune.
Les travaux ont débuté depuis plusieurs mois maintenant. Seule façon pour les engins de travaux d'accéder au chantier : un tronçon de 300 mètres de long et relativement étroit. En temps normal, indique Philippe Gambotti, porte-parole du collectif, deux voitures ne peuvent pas s'y engager en même temps. Impossible, donc, d'imaginer un croisement avec un camion.
Et pourtant, regrette-t-il, une dérogation, permettant l'accès aux véhicules de plus de 3,5 tonnes a bien été accordée au constructeur et au promoteur par le maire. L'interdiction avait pourtant été mise en place par la même municipalité. Résultat : selon le collectif, des camions-toupies de 30 tonnes emprunteraient quotidiennement le chemin.
Une situation qui pourrait entraîner de graves problèmes sécuritaires, s'inquiètent les habitants : "Nous imaginons le pire si un véhicule d'intervention, de secours ou autre, devait s'engager sur ce tronçon très étroit, au même moment où des camions-toupies d'un calibre très important seraient déjà engagés. Les camions mettent au moins une vingtaine de minutes pour accéder au site, détaille Philippe Gambotti. Donc pendant tout ce temps-là au moins, aucun véhicule de secours ne peut s'y rendre."
Jusqu'à 20x plus de passages quotidien de camion sans dérogation
Pour le collectif des riverains, l'interdiction de passage des véhicules lourds doit nécessairement être rétablie. Mais pour le maire, Patrick Sanguinetti, cela poserait un encore plus important problème de circulation.
"J'ai un plan d'approvisionnement du chantier. Si on y accède avec des poids lourds [de plus de 3,5 tonnes, ndlr] on parle de 242 camions en deux ans, soit moins d'un par jour en moyenne. Mais si demain, je les interdisais, il faudrait quand même alimenter le chantier, mais avec des camions plus petits, qui représenteraient beaucoup plus de circulation, de nuisance, et donc de danger : autour de 4.600."
Soit près de 20x plus de passage pour toute la durée des travaux. "C’est-à-dire que les jours où il y aurait eu 4 camions-toupies qui font le trajet sur le chemin, comme ceux qui montent actuellement, on aurait 40 camions de moins de 3,5 tonnes qui devraient passer, en comparant le tonnage nécessaire", insiste le maire.
Un argument irrecevable en l'état pour Philippe Gambotti : "Nous préférons plus de camions qui restent plus longtemps, mais qui sont moins gros et donc moins dangereux pour que la population soit plus en sécurité", tranche-t-il. "Moi, j'ai dérogé parce qu'un moment donné, quand il y a un permis de construire, il faut pouvoir construire", reprend le maire. Mais cette dérogation n'a pour autant pas été délivrée sans contrepartie, assure-t-il.
"Nous avons mis en place une convention avec des contraintes que n'ont pas eu d'autres riverains en habitation individuelle et qui ont dû auparavant réaliser des travaux, et pour lesquels nous avions déjà accordé des dérogations, rappelle Patrick Sanguinetti. J'ai pris un arrêté avec des contraintes horaires, qui empêchent tout passage de poids lourds avant 8h30 par exemple, pour permettre aux gens de se rendre au boulot, de déposer les enfants à l'école. Il y a une circulation alternée qui se fait avec deux personnes, une en bas et une en haut."
Le maire en est d'ailleurs convaincu : "Je pense que j'ai géré au mieux dans le cadre des intérêts de la population et des administrés."
La grogne face à la multiplication des résidences secondaires
Outre ce chantier, c'est plus généralement la multiplication des constructions des promotions immobilières sur la commune de Brando, au cours des dernières années, qui a été critiquée par le collectif de riverains. "Il y a l'inaccessibilité au logement, des prix très forts proposés qui sont pour les gens de la commune inabordables à l'achat", souffle le porte-parole.
Des lotissements qui se transforment ainsi bien souvent en résidences secondaires, reprochent les riverains, devenant ainsi des logements auxquels ils ne peuvent pas accéder, mais qui ne sont de plus pas habités à l'année.
Ces inquiétudes, Patrick Sanguinetti assure les avoir entendues. "Il est vrai que sur la commune de Brandu, le problème de l'immobilier est réel. Nous essayons de le gérer au mieux, mais vous savez, les maires n'ont pas tous les pouvoirs, quoi qu'en pensent les gens. Alors on essaie d'activer certains leviers pour essayer de compenser, on sollicite les instances supérieures, la Collectivité de Corse, l'Etat..."
Le maire le précise néanmoins : le projet immobilier en question "n'est pas vraiment représentatif de la spéculation et la vie chère, puisque ce sont des maisons dans les 400.000, 410.000 euros, et je crois que le promoteur fait une remise de 20.000 euros pour les éventuels administrés de la commune qui voudraient acheter". Plus encore, rajoute-t-il, "ce sont des investisseurs de la commune. Le promoteur, le constructeur, les artisans qui travaillent sur ce chantier sont des gens de la commune."