"Ça va être difficile, mais on va y arriver", Frédéric et Christelle, amputés d'une jambe, en quête d'un record sur le GR20

Cette année encore, ils sont plusieurs milliers de randonneurs à se lancer à l'assaut du mythique GR20. Parmi les participants, Frédéric Portier et Christelle Chabre, amputés chacun d'une jambe, qui ont prévu de le boucler en 13 jours, ce qui serait une première pour des personnes handicapées.

Sac à dos, bâtons de randonnée et chaussures de marche, Frédéric Portier, 47 ans, et Christelle Chabre, 53 ans, mesurent la taille du défi qui les attend. 

Plus de 180 kilomètres de randonnée et environ 11.000 mètres de dénivelé positif, le tout réparti en 13 jours de marche... Et cela, malgré leur handicap. Victime d'un grave accident de scooter en 1994 - il avait alors 17 ans -, et après de multiples opérations, Frédéric Portier a été contraint de se faire amputer la jambe gauche en 2021.

Résilient, volontaire, ce sportif ne cesse depuis cet événement de vouloir repousser ses limites, et de prouver - et se prouver - que ce qui semble devenu impossible n'est qu'une barrière à surmonter. Après avoir gravi les 5895 mètres du Kilimandjaro l'an dernier, c'est désormais au GR20 que l'homme, installé dans le Var mais originaire de Zicavo, a décidé de s'attaquer.

"Le GR20 représente pour moi quelque chose de mythique, et ça me tenait beaucoup à cœur. Avant mon accident, je pensais déjà à le faire, se souvient-il. Maintenant, je veux montrer à mes grands-parents [qui sont corses, ndlr] que je peux y arriver, que je peux aller jusqu'au bout, même amputé."

Préparation intensive

Le grand départ a été donné ce dimanche 1er septembre. Une aventure qu'il a décidé de vivre avec Christelle Chabre, également amputée d'une jambe, et pas moins motivée à conquérir ce beau challenge.

"Pour moi, c'est un rêve de petite fille", explique cette quinquagénaire. Originaire du Cap Corse, où elle revient très souvent, elle a toujours songé, un jour, à tenter le GR20... "Mais seule, ça ne me tentait pas trop. Et puis j'en ai parlé à Frédéric après son ascension du Kilimandjaro, et c'était parti."

Cette épreuve, ils ne l'abordent pas au hasard : l'un comme l'autre ont suivi une préparation sportive intensive pour arriver dans les meilleures conditions. Pour Frédéric Portier, l'entraînement s'est effectué durant un mois et demi dans un centre de rééducation d'Aubagne, à raison de cinq heures de sport par jour, tous les jours. Pour Christelle Chabre, trois séances de travail hebdomadaires de deux heures chez son kinésithérapeute, beaucoup de marche, et une prothèse conçue pour l'occasion entièrement en carbone.

"Quand nous faisons un pas, cela équivaut à trois pas d'une personne valide"

Ce défi, les deux amis le réalisent certes avec une équipe d'assistance de trois personnes, mais dans les mêmes conditions que tout autre randonneur. "On porte nous-même notre sac", indique Christelle Chabre. "C'est plus dur, forcément, parce qu'avec la prothèse, il faut que ça tienne."

"Les difficultés quand on est amputé, c'est qu'on n'a pas d'appui, continue Frédéric Portier. À tout moment, je peux tomber." Amputé fémoral - et donc au-dessus du genou -, l'homme doit faire face à des contraintes supplémentaires.

"Sur la montée, la jambe monte raide, donc on ne peut pas la plier, tout doit partir de la hanche. Et la prothèse est très lourde, elle fait six kilos. Ce qu'il faut savoir, c'est que pour une personne amputée, quand nous faisons un pas, cela équivaut à trois pas d'une personne valide, et donc trois fois plus de fatigue pour marcher."

"Je pense vraiment qu'on le fera"

Pas de quoi décourager les deux sportifs pour autant : l'un et l'autre en sont convaincus, ils iront jusqu'au bout. D'autant plus, assurent-ils, que réaliser cette performance leur permettrait de décrocher un record mondial : jamais un amputé tibial ou fémoral n'a à ce jour réussi à parcourir la totalité du tracé du GR20. 

"On sait que ça va être très, très dur, sourit Christelle Chabre. Le GR20 n'est pas surnommé le plus dur d'Europe pour rien. Mais je pense vraiment qu'on le fera."

Leur arrivée à Conca est prévue le 13 septembre prochain. Et déjà, Frédéric Portier réfléchit à son prochain défi : gravir d'autres grands sommets du monde, à commencer par le Mont Blanc. Et ce n'est décidément pas une jambe en moins qui pourra l'en empêcher.

Le reportage de Valentin Canaux, Roxane Paul et Vanille Christophe :