Pour Jean-François Mattei, le refus de son plan d'urbanisme témoigne de l'opposition de la majorité territoriale au projet de centre de tri sur sa commune. Une opposition dont il dénonce le manque de franchise. Il demande que chacun prenne ses responsabilités.
"Si on veut pas de centre de tri, on a qu'à me le dire ! Moi, je m'en fous, du centre. Je m'en fous ! Ils se débrouilleront avec leurs problèmes de déchets. Je vais pas endosser le costume du chevalier blanc du grand Bastia, moi !"
Le maire de Monte est très en colère. La raison, la commission du 2 décembre dernier, qui se tenait dans les bureaux de la préfecture de Haute-Corse. On devait y examiner son PLU. Le PLU qui comportait le projet de centre de surtri qui devait voir le jour, en 2024, sur sa commune. Et soulager tout le département.
Mais rien ne s'est passé comme il s'y attendait : "Je travaille dessus depuis trois ans, la CdC m'a fait descendre à Ajaccio, ils m'ont dit "c'est bien, foncez", et quand j'arrive en commission, on ne valide pas mon plan d'urbanisme ? Les trois élus de la majorité se sont abstenus. Aux Territoriales j'étais sur la liste de Laurent Marcangeli, ok. Mais si c'est un problème, ils ont qu'à me le dire !".
200.000 euros de taxes annuelles
Quand on lui rétorque que c'est autre chose qui a peut-être posé problème dans le document, comme la cinquantaine de logements prévus, Jean-François Mattei balaie l'hypothèse d'un revers de main. "Ca construit partout, autour de Monte, et ça gêne personne. Ce n'est pas ça, qui a posé problème, et encore moins l'école que je veux faire. C'est le centre de tri. Mais moi ce que je veux, c'est un endroit pour faire mon école !"
"Evidemment, tout le monde se dit que si je me bats pour le faire, c'est qu'il y a quelque chose derrière. Mais c'est faux !" Le maire de Monte le reconnaît, ce projet rapportait 200.000 euros en taxes à Monte chaque année. Ce qui n'est pas rien pour une commune de 600 habitants. Mais il n'a aucun autre intérêt à défendre coûte que coûte ce centre de tri, il le martèle.
Et pas question de laisser s'installer cette idée. "Je vais pas continuer longtemps à chercher des solutions. J'ai proposé Monte parce que personne d'autre se proposait, et qu'il fallait bien trouver un endroit. Mais c'est un terrain glissant. C'est dangereux. C'est de montants énormes dont on parle. Et en Corse, on a déjà tué des gens qui cherchaient à trouver des solutions pour les déchets !"
Surdimensionnement
Ce matin, nos confrères de RCFM ont révélé que Jean-François Mattei avait écrit un courrier au préfet de Haute-Corse, qu'il envisageait également de solliciter le procureur de la république de Bastia. Et qu'il subirait des pressions. Les élus de Fà Populu Inseme n'ont pas tardé à réagir en publiant un communiqué de presse où ils "apportaient tout leur soutien" au maire de Monte, "si ces faits étaient avérés".
Mais en conclusion, le parti de la majorité territoriale "tient à réaffirmer clairement son opposition à ce projet de centre de surtri, tel qu'il est présenté par le Syvadec. En effet, par son surdimensionnment et le manque d'éléments financiers communiqués, dont certains obligatoires pour tout projet de cette envergure, il ne correspond pas à la vision défendue par notre majorité en matière de gestion des déchets".
Une communication qui suscite une nouvelle réaction virulente de la part de Jean-François Mattei. "Très bien, alors qu'ils se trouvent un terrain ailleurs et fassent autre chose ! Ils se cherchent des excuses, c'est fatigant. Ils sont toujours ambigus, jamais clairs. Et ils ne proposent rien, de leur côté. On se demande s'ils ont envie d'en trouver une, de solution..."
U Levante s'oppose au projet
Dans cette affaire, U Levante a rendu son avis : dans un compte-rendu publié ce 16 janvier sur son site, l'association environnementale a indiqué son opposition au projet de PLU de Monte. U Levante justifie cette décision par divers points : en premier lieu, l'avis majoritairement défavorable, avec 10 voix contre, 7 abstentions et 7 voix pour, rendu en décembre dernier par la Ctpenaf (Commission territoriale préservation espaces naturels agricoles et forestiers).
En second, enfin, une analyse datant de novembre 2021 mais récemment publiée de la MRAe, la mission régionale d'autorité environnementale de Corse. L'organisme d'Etat s'est emparé du dossier en août 2021, après une saisie de la direction régionale de l'environnement et de l'aménagement du logement par le maire de Monte, pour avis sur le projet de PLU de la commune.
Dans ce compte-rendu de 19 pages, "le PLU est épinglé à plus d'un titre, souligne U Levante, et sa lecture attentive est édifiante." L'association relève ainsi plusieurs points détaillés dans l'analyse : première source de questionnement, "la non-compatibilité entre le projet de PLU et le PADDUC (ESA)". La Mrae recommande ainsi dans son rapport "de revoir l'analyse de l'articulation du PLU avec les plans et schémas opposables".
Egalement; "l'absence d’analyse de compatibilité avec le plan de prévention de gestion des déchets non dangereux (PPGDND) de Corse, approuvé en 2015 et avec le projet de plan territorial de prévention et de gestion des déchets de la Corse en cours de réalisation", poursuit U Levante. Une absence regrettable, indique la Mrae, qu'elle "revêt d’autant plus d’importance que l’OAP présentée par la commune prévoit la mise en place d’un centre de sur-tri de déchets ménagers et assimilés, pour la région bastiaise. De plus, le document propose la valorisation énergétique des déchets n’ayant pas pu faire l’objet d’une valorisation organique ou matière, alors que cette disposition n’est pas identifiée dans le PPGDND. Ce point doit faire l’objet d’une analyse spécifique au regard du plan territorial actuellement en cours d’élaboration."
Comment est-il possible de soutenir un projet entaché de tant d'incompatibilités et comportant de tels risques environnementaux ?
U Levante
"La non-prise en compte du risque d’inondation par le Golu des espaces urbanisables à Angiolasca", relève encore dans l'analyse U Levante, de même que les besoins de vérification à effectuer "des besoins réels de consommations d’espaces naturels au regard des projections démographiques à l’horizon 2030", ou "le nécessaire conditionnement de la réalisation de l’OAP à la mise en service d’une nouvelle station d’épuration".
Un ensemble de points qui questionnent l'association : "Comment est-il possible de soutenir un projet entaché de tant d'incompatibilités et comportant de tels risques environnementaux ? En l'état, le projet de PLU est stoppé par l'avis majoritairement défavorable de la Ctpenaf."