En Corse, 850 exploitations agricoles sollicitant des aides européennes ont été contrôlées récemment. Près de 373 présentent "des anomalies" constatées par des photographies aériennes. Les agriculteurs contestent la méthode de contrôle des parcelles, surtout en matière d'élevage.
A Antisanti, en Haute-Corse les chèvres de Stéphane Filippi se délectent d'une végétation composée essentiellement de maquis. Jusqu'à présent, le terrain de 41 hectares exploité par l'éleveur recevait des aides agricoles de l'Europe car il permettait à ses chèvres de se nourrir à l'année.
Mais après un contrôle par photographie aérienne survenu en début de mois, Stéphane Filippi a appris que 80% de ses terres étaient considérées comme inaccessibles pour ses bêtes. Elles auraient trop de végétation pour être considérées comme du pâturage et obtenir des subventions.
80% d'aides en moins pour un agriculteur
Résultat : 80% d'aides agricoles en moins de la part de l'Europe. Pour lui, cela représente 50.000€ d'aide en moins sur trois ans.L'agriculteur s'agace : "comme vous pouvez le constater, il y a des ouvertures et mes bêtes s'y nourrissent toute l'année. Moi je voudrais qu'un technicien vienne là, 365 jours par an, pour voir comment se conduit un troupeau dans le maquis."
Certaines aides européennes dépendent de la surface agricole déclarée. Une série de contrôles a eu lieu sur 850 exploitations en Corse et 493 ont été contrôlées par photo interprétation, un nouveau système de vues aériennes.Moi je voudrais qu'un technicien vienne là, 365 jours par an, pour voir comment se conduit un troupeau dans le maquis.
Un problème sur le pâturage
C'est essentiellement lors de ces contrôles aériens que des "anomalies" apparaissent : il y a "soit des surfaces déclarées excessives" soit des problèmes sur le pourcentage de terrain propice au pâturage, explique Sabine Hofferer, à la tête de la Direction régionale de l'alimentation, l'agriculture et de la forêt (Draaf).En tout, 373 surfaces agricoles présentent ce type d'"anomalies" parmi celles qui ont été contrôlées.
"Si vous déclarez dix hectares en montagne et qu'il y a deux hectares de cailloux où rien ne pousse, ça n'est pas éligible (comme pâturage) ou si une route goudronnée traverse une parcelle, elle doit être exclue du calcul de surface", précise Sabine Hofferer.
"Ces contrôles sont ciblés sur des parcours pastoraux qui aujourd'hui ne sont pas reconnus par l'Europe et donc par l'Etat membre qu'est la France", dénonce quant à lui Joseph Colombani, président de la chambre d'agriculture de Haute-Corse.
"La Corse n'est pas plus visée que les autres mais l'Union européenne demande le contrôle des surfaces peu productives et il y en a beaucoup en Corse", a précisé lors d'une conférence de presse Sabine Hofferer.
Des inspecteurs iront vérifier la majorité des 373 exploitations dans lesquelles des "anomalies" ont été constatées.La Corse n'est pas plus visée que les autres mais l'Union européenne demande le contrôle des surfaces peu productives et il y en a beaucoup en Corse.
373 exploitations présentent des anomalies
"Si l'Europe n'est pas convaincue" de la véracité de ces contrôles, il y a un risque de non remboursement de 1,4 milliard d'euros pour l'ensemble des aides portant sur les surfaces peu productives en France.En janvier 2015, la Commission européenne avait déjà demandé à la France de rendre plus d'un milliard d'euros d'aides agricoles pour la période 2008-2012.
L'Office européen antifraude (Olaf) a indiqué en février recommander de récupérer 536.500 euros "d'aides mal utilisées en Corse" pour des "surfaces ou des bénéficiaires inéligibles" sur la période 2015-2017.
Plusieurs enquêtes judiciaires sont également en cours sur l'île pour des soupçons de fraudes aux aides européennes.
La France touche 63 milliards d'euros d'aides européennes agricoles sur 408,3 milliards de budget total pour la période 2014-2020, selon les chiffres officiels. Les aides agricoles européennes en Corse sont de 36 millions d'euros par an depuis 2015.