Le 19 mars marque la journée mondiale du sommeil. Et un constat se dresse depuis le début de la pandémie de Covid-19 : les Corses, et plus généralement, les Français, ont le sommeil plus perturbé. En cause, notamment, une perte de rythme liée au télétravail.
"Je n'avais jamais eu de problème pour dormir, mais depuis quelques temps, c'est une vraie catastrophe", soupire Jean-Pierre, la quarantaine.
Sachet de panzarotti dans une main et journal dans l'autre, il précise : "avant, j'étais presque réglé comme une horloge, avec 8h de sommeil tout rond chaque nuit. Mais depuis la fin d'année dernière, j'ai le sommeil très léger, et je me réveille souvent au petit matin sans pouvoir me rendormir. J'ai toute la journée le sentiment d'être passé sous un rouleau-compresseur tellement je suis fatigué, mais au moment de me coucher, pas moyen de fermer l'oeil."
J'ai toute la journée le sentiment d'être passé pour un rouleau-compresseur tellement je suis fatigué, mais au moment de me coucher, pas moyen de fermer l'oeil.
Un peu plus loin, à la sortie d'un supermarché bastiais, Anaïs, 26 ans, témoigne aussi des récentes nuits plus compliquées. "J'ai souvent des problèmes d'insomnie avec le stress, et avec l'arrivée du Covid, ça n'a rien arrangé. Certaines nuits, je dors 3 ou 4h maximum. Résultat, je me lève le matin sans énergie". Une situation pas évidente à assumer par la suite lors de ses horaires de boulot.
La jeune femme, hôtesse de caisse, raconte ainsi avoir parfois bien du mal à ne pas piquer du nez à son poste."Quand il s'agit de remplir les rayons, ou travailler en arrière boutique, ça va à peu près, parce que je suis en mouvement. Mais quand je suis assise derrière ma caisse, là, ça devient tout de suite plus compliqué."
Sommeil perturbé
Pour Jean-Pierre comme pour Anaïs, ces troubles du sommeil ont débuté peu après le mois de mars 2020, et perdurent depuis. Un mal dont ils ne sont pas les seuls à souffrir : sur 35 personnes interrogées dans les rues de Bastia, ce vendredi 19 mars matin, 28 affirment ainsi souffrir d'un repos dégradé depuis plusieurs mois. 17 estiment dormir moins de 6h par nuit en moyenne, 8 moins de 5h, et 5 moins de 4h. 13 personnes indiquent se réveiller à plusieurs reprises au cours de la nuit.
Parmi ces 28 personnes, 12 étaient déjà sujettes à des troubles du sommeil plus ou moins fréquents antérieurs. 16 indiquent avoir des difficultés à dormir seulement depuis le début de la crise sanitaire.
Une étude à échelle certes réduite, mais qui semble représentative d'une réalité qui affecte nombre de Corses, et plus généralement, de Français : depuis le début de la crise sanitaire, et notamment avec la mise en place des divers confinements et couvre-feux, on dort moins bien.
Perte de rythme et télétravail
En cause, pour certains, une anxiété, voire une frustration liée à la pandémie de Covid-19 et aux restrictions que la lutte contre cette dernière impliquent. Mais surtout, estime Marie Nocera, médecin spécialisée dans les pathologies du sommeil à Ajaccio, "une perte du rythme veille/sommeil" découlant directement de la généralisation du télétravail.
"Avec le télétravail, nombre de salariés connaissent leur masse de travail journalière, mais n'ont pas d'obligation de pointage, et peuvent donc s'organiser pour leurs horaires. Ce qui en incitent certains à se lever un peu plus tard, et à finir plus tard en soirée qu'à l'habitude." Un changement de rythme lourd en conséquence pour l'horloge biologique.
"On perd alors un rythme qui nous est propre, ce qui peut engendrer des insomnies." Depuis son installation en tant que médecin spécialiste du sommeil en juillet dernier, Marie Nocera indique avoir reçu "pas mal de jeunes adultes, entre 30 et 50 ans" souffrant d'insomnies, "et qui ciblent bien les épisodes de télétravail" comme la base de leurs soucis de repos.
?#JourneeduSommeil vendredi 19 mars ?
— INSV (@INSV_Sommeil) February 18, 2021
Objectif : livrer les recommandations afin d'adapter son #sommeil en temps de #crise #confinement #covid19
Conférences, ateliers, podcasts... En ligne ou en présentiel ➡️ https://t.co/JbResxPxsj pic.twitter.com/35kgvcaTKC
Conséquences sur la santé
Le manque de sommeil n'est pas un anodin ; sur le long terme, la dette accumulée de sommeil peut avoir des conséquences sérieuses sur la santé. "Le premier danger, c'est un risque accidentel, du fait que les gens sont moins concentrés par la fatigue : un cuisinier qui se coupe accidentellement en préparant à manger, des personnes qui ont un accident de la route en se rendant sur leur lieu de travail... On peut aussi avoir des désordres hormonaux, ou même des conséquences cardio-vasculaires", avertit Marie Nocera.
En moyenne, la médecin compte autour de 5 à 6 séances par patient, à raison d'une séance tous les 15 jours, pour venir à bout - ou tout du moins améliorer - des situations d'insomnies longues. "En premier lieu, je leur explique comment naît une insomnie, puis je leur donne des mesures d'hygiène de sommeil. Ensuite, je leur donne un agenda du sommeil à remplir, sur 15 jours, qui permet de voir leur comportement le jour et la nuit. On analyse ensuite leur rythme pour déterminer les erreurs qui sont commises, et on voit ensuite comment on peut améliorer cela."
Le premier danger, c'est un risque accidentel, du fait que les gens sont moins concentrés par la fatigue [...] On peut aussi avoir des désordres hormonaux, ou même des conséquences cardio-vasculaires.
Une thérapie de soutien, donc, plutôt qu'un recours aux somnifères, plus appropriés, indique Marie Nocera, dans le cadre d'insomnies aïgues de courte durée, plutôt que des troubles de sommeil longs de plusieurs mois, voire années.
Et pour ceux qui préfèrent ne pas passer par la case médecin, d'autres moyens existent : pratique d'un sport avant le coucher, tisane ou encore méditation... Pour Audrey, 28 ans, la solution est venue du yoga : "J'en fait depuis une semaine, et je n'ai jamais aussi bien dormi." Qu'importe la manière, tant qu'il y a le repos à la clé.