Secours populaire de Bastia : "On fera la manche s'il faut la faire. Mais on ne fermera jamais"

Le secours populaire est l'une des nombreuses associations nationales et régionales, qui œuvrent au quotidien pour venir en aide aux plus démunis. Pas aussi médiatisées que les Restos du Cœur, elles n'en sont pas moins confrontées à de graves difficultés financières. Au point de voir leur existence menacée.

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"C'est une rentrée pas comme les autres", souffle Jean-Baptiste Casanova. "Chaque année, à cette époque, j'achetais des fournitures scolaires, des stylos, des gommes, des cahiers... Et on les distribuait aux familles de bénéficiaires. Pour la première fois, on n'a pas pu le faire. On n'a plus les moyens..."

Au sous-sol des locaux du Secours Populaire, cité des Monts, dans les quartiers sud de Bastia, le secrétaire général de l'association fait le point sur les stocks de fruits et légumes, afin de s'assurer qu'il y en aura suffisamment pour la distribution de denrées alimentaires prévue en début d'après-midi.

Et là aussi, la période est compliquée. "Une partie de nos stocks provient des collectes que l'on fait à la sortie des hypermarchés. Mais les temps sont durs pour tout le monde. Il n'y a pas si longtemps encore, une opération caddie, c'était une cinquantaine de caddies de dons en une seule journée. Aujourd'hui, c'est à peine six, ou sept caddies. Alors il n'est pas rare qu'on doive désormais acheter une palette de lait ou de beurre, sur le budget du Secours Populaire".

Chute des subventions

Le comité de Bastia dispose de deux antennes, à Moriani et à Arena, et sillonne régulièrement le Cap Corse, de Pietranera à Macinaggio, avec le tragulinu. En tout, quatre salariés, et vingt-sept bénévoles, sont mobilisés pour faire fonctionner l'association, de six heures du matin à cinq heures de l'après-midi.

On est obligés de faire des choix. Je ne compte plus mes nuits blanches...

Jean-Baptiste Casanova

Le Secours populaire apporte une aide alimentaire aux plus démunis, mais pas seulement. "On fournit aussi des vêtements, on assure un soutien scolaire, un soutien numérique, on s'inquiète des problèmes d'alphabétisation... Tout ce qui peut venir en aide aux personnes en situation de précarité", explique Jean-Baptiste Casanova, qui est à la tête du comité depuis une vingtaine d'années.

Il n'a jamais connu une situation aussi difficile.

"On tire la langue, croyez-moi. Les gens ont moins d'argent, et logiquement ils sont moins généreux, mais l'inflation a aussi pesé sur les aides institutionnelles. Les subventions ont baissé. Et ça a été brutal. On bénéficie d'une aide alimentaire européenne, mais depuis 2022, on nous donne 30 % de marchandise en moins. Croyez-moi, 30 % de marchandise en moins, c'est énorme".

700 familles bénéficiaires

Au niveau local, ce n'est guère mieux. Jean-Baptiste Casanova se garde bien de désigner les responsables, "je n'accuse personne, je sais que les institutions aussi rencontrent des difficultés, mais quand même..."

Quand même, une autre subvention d'importance, habituellement de 10.000 euros, a été ramenée à 3.000 euros. Sur un budget prévisionnel de 75.000 euros, ce n'est pas rien..."Croyez-moi, depuis quelques mois, je ne compte plus les nuits blanches".

Aujourd'hui, il y a une telle misère que les gens ne peuvent plus se permettre d'avoir honte".

Les principales victimes de ces problèmes de trésorerie, ce sont les bénéficiaires. De plus en plus nombreux, alors que l'inflation frappe de plein fouet toutes les catégories sociales, et plus encore les couches populaires. "Quand j'ai commencé, on avait 150 familles de bénéficiaires. En 2023, on en a plus de 700 ! Et tous les jours il y en a de nouveaux qui arrivent. Des gens qu'on ne voyait pas avant, par fierté, par gêne. Aujourd'hui, il y a une telle misère que les gens ne peuvent plus se permettre d'avoir honte".

Tenir bon, contre vents et marées

Et pour les bénévoles c'est un crève-cœur. "La philosophie du Secours Populaire, c'est de ne jamais refuser une aide à quiconque franchit notre porte. Alors les directives nationales, pour faire face à la pénurie de denrées, c'est "on partage". Si on a un kilo de tomates au lieu de deux, tout le monde en aura quand même, mais tout le monde en aura moins".

Si je ne reçois pas rapidement la dotation pour 2024, je ne peux plus payer de salaires jusqu'à la fin de l'année

On sent Jean-Baptiste dépité, et un peu agacé par le manque d'écoute des pouvoirs publics : "je me demande parfois s'ils se rendent compte du travail que l'on abat, et du bien que l'on essaie de faire, ici, chaque jour".

Mais pour autant, pas question de jeter l'éponge. Il sera toujours fidèle au poste, peu importent les difficultés. "On n'a plus d'argent, on a des retards de paiement. On est en septembre, et on est presque à sec. Si je ne reçois pas rapidement la dotation pour 2024, je ne peux plus payer de salaires jusqu'à la fin de l'année".

Jean-Baptiste Casanova balaie du regard les barres d'immeubles décrépites de la cité des monts. "Mais on ne fermera pas. On se débrouillera, on fera la manche s'il faut la faire, on ira devant la préfecture, mais on ne fermera jamais..."

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