"La drogue, ce n'est pas toujours l'autre, cela peut être le voisin ou un membre de la famille", entretien avec Jean-Jacques Fagni, procureur général près la cour d'appel de Bastia

La cour d'appel et le tribunal judiciaire de Bastia ont tenu leur audience de rentrée solennelle, ce vendredi 19 janvier. Jean-Jacques Fagni, le procureur général près la cour d'appel de Bastia, a dans ce cadre dressé ses priorités pour l'année 2024.

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Ce vendredi matin, à l'occasion de l'audience de rentrée solennelle de la cour d'appel, vous vous êtes notamment exprimé sur la question des stupéfiants, et le slogan "A Droga Fora", qu'on retrouve régulièrement tagué sur les murs. Pour vous, cette inscription a ses limites.

Jean-Jacques Fagni : Tout à fait. J'ai indiqué simplement que le fait d'utiliser ce slogan comme une sorte d'incantation magique ne réglera pas le problème.

Ceux qui règlent le problème, ce sont les magistrats des parquets, ce sont les fonctionnaires de police, les militaires de gendarmerie, au quotidien, dans la menée des enquêtes contre les trafics de stupéfiants.

Vous avez aussi invoqué la stigmatisation que ce type de slogans peut engendrer.

Oui, parce qu'ils conduisent à dire que "la drogue, ce n’est pas nous, ce sont les autres". Or, la drogue, hélas, sur tous les territoires, c'est aussi le problème de la population, des citoyens qui y vivent.

Ce n'est pas toujours l'autre, c'est le voisin, ça peut être un membre de la famille... Venir stigmatiser celui qui vient du continent, celui qui est d'une autre origine ethnique ou religion, ce n'est pas ça qui résout ces problématiques.

"La drogue, c'est aussi le problème de la population, des citoyens qui y vivent"

Ce qui les solutionne, c'est de collaborer avec les services de justice, et pour les services de police et de justice, de mener une action volontariste contre les trafics stupéfiants. Le procureur de la République l'a dit aussi : nous ne sommes pas seuls face à cette lutte contre ces trafics. Nous travaillons avec la JIRS de Marseille, puisque la drogue provient du continent, et arrive en particulier par voie maritime.

Au-delà de cette question, quelles sont les priorités pour cette nouvelle année ?

La première, c'est celle de la mise en œuvre des moyens de lutte contre les atteintes à l'environnement. En janvier 2022, il a été créé, comme dans l'ensemble des ressorts de cours d'appel, un pôle régional environnemental.

Ce pôle est situé au parquet de Bastia, qui a donc pour mission de mener un certain nombre d'enquêtes sur les atteintes à l'environnement. Il y en a plusieurs qui sont déjà en cours, et ce pour des atteintes multiples.

"La Corse est un territoire remarquable, et on se doit de le préserver contre un certain nombre de dérives, voire d'appétits lucratifs."

La Corse est un territoire remarquable, et on se doit de le préserver contre un certain nombre de dérives, voire d'appétits lucratifs. La bétonnisation par exemple, dans des endroits qui devraient être protégés sur le littoral.

Ou la destruction d'espèces protégées : on a vu récemment que l'affaire des tortues d'Hermann avait trouvé son point final par une décision de rejet de la cour de cassation sur un pourvoi. Et il n'y a pas que ça : il y a parfois aussi des approximations sur le traitement des déchets. Cela fait partie des problématiques auxquelles nous sommes extrêmement attentifs.

Vous avez aussi abordé la poursuite de la lutte contre le crime organisé.

La lutte contre toutes les formes de violence est une priorité. La plus prégnante et la plus visible, parce qu'elle défraie la chronique au quotidien des médias, c'est celle de la criminalité organisée. En 2023, nous avons eu plus de 20 meurtres et tentatives de meurtres - et même pour beaucoup des assassinats -, dont 7 qui constituent des règlements de compte.

"En 2023, nous avons eu plus de 20 meurtres et tentatives de meurtres"

C'est quelque chose qu'on ne peut pas accepter. Toute forme de violence est inacceptable, mais celle-là qui est sur le plus haut degré de violence, bien évidemment, doit être prise en charge et traitée avec efficacité par les parquets et par les juridictions.

Il a aussi été question des violences intra-familiales...

C'est une autre forme de violence inacceptable. Le procureur de la République l'a évoqué comme moi : ce sont des violences qui sont hélas en progression sur notre territoire, comme elles le sont sur le territoire national.

Un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre en 2023. En fin d'année dernière aussi, de nouvelles mesures ont été préconisées par une circulaire du ministère de la Justice pour désigner des magistrats coordonnateurs en première instance et aussi en cour d'appel.

Nous espérons que tout cela, et nos efforts conjugués, permettra de juguler cette progression qui pour l'instant ne l'a pas été.

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