La cour d'appel et le tribunal judiciaire de Bastia ont tenu leur audience de rentrée solennelle, ce vendredi 19 janvier. L'occasion pour le tout nouveau procureur de la République de Bastia, Jean-Philippe Navarre, de faire le point sur l'année écoulée, et de dresser ses priorités pour celle à venir.
Jean-Philippe Navarre l'assure : arrivé en Corse il y a seulement un peu plus de deux semaines, il mesure bien l'exigence qui est attendue de lui, dans un territoire où il a déjà pu ressentir "l'expression d'un très fort besoin de justice".
Installé à son poste ce vendredi 19 janvier, à l'occasion de l'audience de rentrée solennelle du tribunal judiciaire de Bastia, face à un public fourni d'avocats, de magistrats, mais également de personnalités civiles et politiques, le tout nouveau procureur de la République de Bastia parle de son poste comme d'un choix "volontaire et réfléchi".
Une première aussi : lui qui officiait auparavant en tant que procureur de la République adjoint près le tribunal judiciaire de Nice, il découvre, à Bastia, ce qu'impose d'être à la tête d'un parquet. Un parquet qui, s'il peut sembler petit au vu du nombre d'habitants recensés à l'année sur le territoire, est régulièrement confronté à des faits "extraordinaires", souligne Xavier Lorrain, vice-procureur de la République de Bastia.
Avec pour exemple le plus récent la tuerie survenue le 8 janvier dernier à Montesoro, dans laquelle quatre personnes ont perdu la vie. Une entrée en matière dramatique, qui aura permis au nouveau procureur de la République de mesurer "le particulier engagement et la particulière compétence" des forces de sécurité intérieure, affirmer le magistrat.
Jean-Philippe Navarre succède à Arnaud Viornery, parti rejoindre le cabinet du garde des Sceaux en septembre dernier. Un prédécesseur auquel il a tenu à rendre hommage, soulignant à cette occasion le travail mené au cours de ses presque trois ans d'activité en Haute-Corse, avec une "relative hausse des procès-verbaux" dressés, au nombre de 12.210 en 2023, "le fait de la réponse pénale de qualité qui a été déployée."
Autre donnée mise en avant par le procureur : le taux de réponse pénale à l'égard de la délinquance des mineurs, de l'ordre de 90 %, "qui montre l'attention énorme de mon parquet sur ce sujet préoccupant".
Troisième point relevé : celui des procédures dans le cadre de violences intra-familiales. Près de 200 personnes ont été poursuivies pour ces faits en 2023. "Un chiffre qui doit nous interpeller, nous inquiéter. Mais qui traduit aussi la réactivité de la police et de nos services. Les victimes hésitent moins à parler, à dénoncer", se félicite-t-il.
Qualité, transparence, lisibilité
Dans l'ensemble, et sur ces dernières années, note Jean-Philippe Navarre, l'activité pénale augmente, et dans ce cadre, les réponses pénales doivent être "d'autant plus dynamiques". "Nous avons ce besoin de célérité que nous devons satisfaire auprès de nos concitoyens".
L'année 2024 sera "lourde de défis", estime le procureur, avec, entre autres, l'approfondissement du déploiement du numérique, ou encore la mise en œuvre des premières cours criminelles départementales.
"Nos concitoyens ont besoin de comprendre ce que nous faisons, et pourquoi nous le faisons"
Jean-Philippe Navarre, lui, entend inscrire son parquet et la réponse pénale qui en aboutira sous le joug d'un triple engagement : la qualité, la transparence, et la lisibilité. "Nous avons besoin de dialoguer et d'échanger quand c'est nécessaire, nos concitoyens ont besoin de comprendre ce que nous faisons, et pourquoi nous le faisons, et un chef de parquet doit définir des priorités et les assumer", insiste-t-il.
Lutte contre les violences intra-familiales, les stupéfiants, les atteintes contre l'environnement
Des priorités que le procureur de la République de Bastia a justement dressées : en premier lieu, la protection des publics les plus vulnérables. Tels que les enfants : "Il est un devoir impérieux qu'ils ne soient pas victimes de violences, et qu'ils puissent bénéficier, quand ils en ont besoin, d'une prise en charge adaptée". Ou plus généralement les victimes de violence intrafamiliales, pour lesquelles le parquet "doit être à la hauteur".
La lutte, ensuite, contre le trafic de stupéfiants. "C'est un poison pour les consommateurs et pour l'économie, avec un argent salement investi". Une lutte qui devra être "imaginative et acharnée, non seulement contre les auteurs, mais en embrassant aussi tout le spectre, avec ceux qui vendent, ceux qui facilitent le trafic de stupéfiants, ceux qui ferment les yeux", tranche le procureur.
"Il nous faut rétablir cette confiance dans toutes les autorités."
"L'an dernier, 44 mesures de saisies ont été ordonnées par notre juridiction, note-t-il, pour au cours des trois dernières années, un peu moins d'un millier d'euros reversé aux services de l'Etat, et pris au crime." Il continue : "L'argent sale pourrit tout, nourrit la défiance envers l'Etat, alimente les stigmatisations, concours au populisme. [...] Il nous faut rétablir cette confiance dans toutes les autorités."
Dernière priorité citée par Jean-Philippe Navarre, et pas des moindres : la lutte contre les atteintes à l'environnement, aussi bien sur le front du traitement des déchets comme de l'eau, de la protection littorale, des forêts... Cela qu'il s'agisse de petites comme des grandes infractions. "Mon parquet aura à cœur de pouvoir développer l'activité de ce pôle régional pour le ressort de Bastia, et de mon voisin Ajaccien. J'aurais, et mon parquet aura, une attention extrême à ce sujet."
De nombreux combats que le parquet de Bastia n'entend pas mener seul. "Il faudra une coordination de nos parquets [de Bastia et d'Ajaccio] avec la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, et au-delà, avec les juridictions spécialisés parisiennes".
Des dossiers variés pour lesquels les parquets de Bastia et d'Ajaccio restent néanmoins en première ligne, rappelle le chef du parquet de Haute-Corse.