La zone humide de Pietracorbara à nouveau dégradée

Depuis plusieurs jours, un entrepreneur local intervient sur la zone humide au moyen d'engins de chantier afin d'y réaliser un parking payant. Malgré les interventions des autorités, les travaux se poursuivent.

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"Depuis plusieurs jours un entrepreneur local a entrepris la destruction de la zone humide. Les travaux se poursuivent implacablement sans aucune autorisation et en dépit des interventions des autorités. Si rien n'est fait dans 48h, la zone sera détruite."

Publié sur les réseaux sociaux hier soir 16 mai, le message d'alerte du biologiste Michel Delaugerre a suscité actions et réactions. Pas sûr pour autant que cela arrête l'entrepreneur en question.

"Tout le monde a réagi comme il fallait. Le maire et la gendarmerie sont descendus sur place, les services de l'Office français de la biodiversité aussi. Mais il continue, de façon imperturbable." constate Michel Delaugerre, qui partage sa vie entre Bastia et Pietracorbara.

Une zone classée et protégée

Vendu à un propriétaire privé par la commune dans les années soixante, le terrain situé à l'arrière de la plage de de Pietracorbara est un lieu "appelé padula, le marais. Il est un tampon entre l’eau salée venant de la mer et l’eau douce de la nappe phréatique et des eaux de pluie descendant de la vallée. Il est un régulateur naturel, un écosystème original." explique Dominique Antoni dans son ouvrage consacré à Pietracorbara en 2008, intitulé Une vallée sur la mer.

Classé zone humide "naturelle définitive" sur le plan d'occupation des sols (POS) de la commune dès 1989, le terrain est inconstructible. Il a depuis été classé en zone naturelle d'intérêt écologique, espace remarquable et caractéristique. Situé sur le littoral du Parc marin, il est dans le périmètre d'intervention du Conservatoire du littoral. Mais ces différentes mesures de protection n'intimident guère ceux qui voient là avant tout, un espace lucratif.

"L'importance écologique de la zone est reconnue par la loi. Ce sont des espèces protégées d'amphibiens et de plantes qui sont en train d'être détruites. C'est hallucinant que ça se passe. Lui ce qu'il veut c'est faire un parking payant pour son établissement donc il enlève tout ce qui le dérange. Il dit qu'il fait propre !" se désole Michel Delaugerre.

Une famille d'entrepreneurs récidiviste

Entre 1990 et 1995, l'entreprise Constant déverse des gravats destinés au comblement de la partie nord de la zone humide, malgré les interdictions municipale et préfectorale. L'entrepreneur sera finalement condamné par la cour de cassation en 1998.

En 2007, de nouveaux déversements de blocs de béton sont constatés, effectués par l'entreprise Constant (reprise par le fils de la famille). Ils sont retirés par l'entrepreneur un an plus tard à la demande des autorités.

En 2011, les entreprises Constant et Ramora sont condamnées respectivement à 7500€ et 15 000€ d'amende par le tribunal correctionnel de Bastia pour un nouveau comblement de la zone humide, avec les déblais du port abri de Cagnano dont ils avaient la charge de la destruction.

C'est toujours l'entreprise Constant qui manoeuvre aujourd'hui des engins de chantiers sur la zone humide qui entoure le restaurant La Vela. Les actuels propriétaires du restaurant ne sont d'ailleurs pas partie prenante de ce projet.

La justice est saisie

"Maintenant c'est entre les mains du procureur et du préfet". Outre son message sur les réseaux sociaux, Michel Delaugerre a saisi le procureur de la République de Bastia et l'office français de la biodiversité des faits constatés à Pietracorbara.

Contacté aujourd'hui, le maire de PIetracorbara Alain Burroni n'a pas souhaité s'exprimer "sur cette affaire en cours, sachant que tous les services concernés ont été sollicités."

Nous avons tenté de joindre les services de l'Etat et l'entrepreneur concerné, sans succès.

Retraité du Conservatoire du littoral depuis un an, Michel Delaugerre précise que l'établissement public s'est porté acquéreur de la zone humide. Elle n'est pas à vendre, mais selon lui une procédure d'expropriation serait justifiée en raison des "menaces récurrentes et aggravées sur l'espace."

Selon lui les zones humides sont des espaces à forte résilience, leur restauration est donc toujours envisageable mais "ça coûterait beaucoup d'argent public". A moins que la justice condamne l'entrepreneur à régler le coût de cette restauration.

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