La circulaire corse de politique pénale est présentée lundi à Bastia par la Garde des Sceaux
Valls et Taubira pour 48 h. en Corse
Arrivée dimanche matin du ministre de l'Intérieur à l'aéroport d'Ajaccio. Manuel Valls sera rejoint un peu plus tard en Corse par la Garde des Sceaux pour une visite officielle de 48 h. Au programme déplacements sur le terrain et rencontres avec les élus, les magistrats, policiers et gendarmes.
Lundi, les deux ministres tiennent une conférence de presse commune à Bastia qui sera retransmise en direct par France 3 Corse-Via Stella à partir de 10 heures 30.
Manuel Valls arrivé dimanche matin à Ajaccio a tenu une réunion de travail avec policiers et gendarmes à la base d'Aspretto sur l'organisation d'un pôle d'investigation. Il a ensuite survolé en hélicoptère les zones littorales sensibles de Corse du sud.
La Garde des Sceaux, Christiane Taubira, en milieu d'après-midi au pénitencier de Casabianda a rencontré les représentants des organisations syndicales de l'administration pénitentiaire. Elle s'est également rendue en fin d'aprés midi à la maison d'arrêt de Borgo.
Lundi, les deux ministres tiennent une conférence de presse commune à Bastia qui sera retransmise en direct par France 3 Corse-Via Stella à partir de 10 heures 30.
La circulaire corse de politique pénale présentée lundi à Bastia
Les dispositions de politique pénale spécifiques à la Corse envisagées depuis
octobre par le gouvernement contre le crime organisé seront dévoilées lundi lors de
la nouvelle visite dans l'île des ministres de la Justice et de l'Intérieur, a-t-on
appris vendredi auprès de la Chancellerie. Ces mesures, regroupées dans une
circulaire territoriale de politique pénale, seront présentées aux magistrats lundi
matin au tribunal de grande instance de Bastia par la garde des Sceaux, Christiane
Taubira.
La ministre aura ensuite un déjeuner de travail avec son homologue de
l'Intérieur, Manuel Valls, et tous deux tiendront un point de presse conjoint à selon les agendas diffusés par leurs services de presse.
Le 17 octobre, au lendemain de l'assassinat de l'avocat Antoine Sollacaro, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait annoncé l'élaboration d'une "directive de politique pénale spécifique" à la Corse, à l'image de celle adoptée peu auparavant pour la région
marseillaise, regroupant dans une seule structure d'enquête les affaires de même
nature. Le 22, le chef du gouvernement annonçait dix mesures pour renforcer la lutte
contre le crime organisé en Corse, avec une "attention particulière" portée à la
délinquance économique et au blanchiment. Parmi ces mesures figurait "la création
d'une cellule interministérielle de coordination", chargée notamment de fixer "les
axes du contrôle fiscal" et d'examiner "la dimension internationale des réseaux",
avait précisé M. Ayrault. Le gouvernement avait aussi décidé de "renforcer les
moyens d'enquête spécialisés", pour "indentifier les circuits mafieux et enquêter
sur les mouvements de patrimoine et les flux financiers irréguliers".
Christiane Taubira et Manuel Valls quitteront l'île lundi soir.
Il s'agit de leur deuxième visite en Corse en dix jours. Ils y avaient été dépêchés
en urgence par le Premier ministre le 15 novembre, au lendemain de l'assassinat du
président de la chambre de commerce et d'industrie de Corse-du-Sud, Jacques Nacer.
Depuis, la spirale de la violence a continué, avec l'assassinat mardi près de Bastia
d'un entrepreneur portugais de BTP, Victor Ribeiro, la 18è victime depuis janvier.
Renouveler les méthodes pour endiguer la violence
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a appelé dimanche en Corse les forces de sécurité à renouveler leurs méthodes pour endiguer la violence dans un territoire où l'on dénombre 18 meurtres cette année.
Le ministre a également déclaré qu'il lutterait contre la "guerre des polices" et tenterait de résoudre les problèmes de renseignement qui, selon un document judiciaire interne dévoilé cette semaine, minent l'efficacité des services d'enquête sur l'île.
"Je suis conscient que la police et la gendarmerie doivent renouveler leurs méthodes", a dit le ministre à la presse, promettant une plus grande coopération entre ces services à l'avenir ainsi que l'arrivée de 40 policiers et gendarmes supplémentaires dès janvier. L'île en compte actuellement un peu plus de 2.000 au total.
La Corse, qui avec 300.000 habitants est autant peuplée qu'un arrondissement parisien, est en proie à une violence croissante et l'expansion nationale du banditisme corse conduit le gouvernement à parler désormais ouvertement de "mafia".
Manuel Valls, qui avait lors d'une précédente visite sur place le 15 novembre suscité des critiques localement en s'en prenant à une supposée "omerta" locale, a semblé revenir sur ces déclarations.
"C'est un message de confiance et de soutien aux Corses qui sont les premières victimes de cette situation", a-t-il dit aux journalistes.
"Il faudra du temps pour éradiquer cette criminalité violente, faisant peser une menace affairiste et mafieuse sur les secteurs ou l'économie qui réussissent : l'urbanisme et la construction, la sécurité privée et l'industrie touristique", a-t-il ajouté.
L'INEFFICACITÉ DE L'ÉTAT
Les élus locaux brocardent cette idée d'une supposée "omerta" comme un cliché et renvoient l'Etat, incapable de résoudre les homicides et de traiter les dossiers de grand banditisme, à sa responsabilité.
Les syndicats de police ne disent pas autre chose. Samedi, 37 officiers du syndicat majoritaire SGP-Unité police-FO, reçus en préfecture, ont déposé symboliquement 130 boîtes d'armes vides pour dénoncer le manque de moyens.
"Si les assassinats s'arrêtaient, il faudrait à raison de six mois de travail non stop, huit ans aux trois groupes de la PJ corse pour résoudre les assassinats", a comptabilisé le représentant syndicat Raphaël Vallet.
Une note interne du procureur de Bastia, Dominique Alzeari, dévoilée par France 3 Corse vendredi, met en lumière un autre problème, celui de la guerre des services et de l'insuffisance du renseignement.
Le procureur dénonce des "relations insuffisantes entre les services d'enquête" et souligne des "blocages institutionnels". "S'y ajoute une forme de concurrence entre les services d'enquête eux-mêmes s'agissant de la captation et de l'exploitation du renseignement (...) qui nuit gravement à leur efficacité", lit-on dans ce document.
Le procureur regrette "l'absence de structures de coordination du renseignement intérieur". Christiane Taubira a ordonné une enquête sur l'origine de la fuite de ce document.
Manuel Valls a assuré vouloir agir sur ces points. "Il faut que la chaîne pénale puisse travailler normalement. Je suis sûr que la police et la gendarmerie pourront travailler ensemble. De la concurrence, c'est interdit, sinon il y aura des sanctions", a-t-il dit.
"Pendant des années, on s'est concentré sur la lutte antiterroriste et on s'est moins préoccupé des réseaux mafieux, le travail doit être mené en ce sens dans le renseignement intérieur", a-t-il poursuivi.
Selon des statistiques établies par Corse-Matin, un seul des 85 principaux meurtres et tentatives liés au crime organisé commis depuis 2004 a été élucidé.
Manuel Valls réplique par une autre statistique, affirmant que 2.686 personnes ont été mises en cause et 996 écrouées dont 130 pour meurtres sur les 15 dernières années.(Source: Reuters)
Un déplacement républicain
"C'est en premier lieu un déplacement républicain", a déclaré M. Valls à la presse à la préfecture d'Ajaccio. Il l'a entamé en rendant hommage à la Résistance en Corse, premier territoire français libéré, dès septembre 1943.
Il s'est recueilli, à la citadelle d'Ajaccio, dans la cellule où le chef de réseau Fred Scamaroni s'était suicidé, le 19 mars 1943, pour ne pas répondre à ses tortionnaires de la police politique fasciste italienne, l'OVRA.
"Son sacrifice doit nous servir d'exemple. On ne transige pas avec les valeurs de la République", a déclaré M. Valls, ajoutant lors d'une conférence de presse être venu rendre "l'hommage du gouvernement à tous les Corses morts pour la France".
Concernant la criminalité, il a réaffirmé "une augmentation de la lutte contre les dérives affairistes et les débordements meurtriers du crime organisé".
"La vague actuelle des règlements de comptes appelle un sursaut, des résultats. Les Corses attendent des résultats, pas des mots", a-t-il souligné, reconnaissant que "la pression avait moins porté sur les réseaux mafieux et le crime organisé que sur la lutte antiterroriste".
Il a notamment expliqué la multiplication des assassinats par le fait que "les groupes criminels sont en restructuration, en concurrence", mentionnant le trafic de drogue.
Comme il l'avait fait lors de sa première visite, le 15 novembre, après l'assassinat du président de la Chambre de commerce et d'industrie de Corse-du-Sud, Jacques Nacer, M. Valls a souligné que "la menace affairiste, mafieuse" concerne notamment les secteurs de "l'urbanisme, la construction, la sécurité privée, le tourisme".
Face aux critiques sur le taux quasiment inexistant de résolution des affaires, depuis plusieurs années, il a indiqué que "la police et la gendarmerie doivent s'adapter, renouveler leurs méthodes".
Une quarantaine de personnels supplémentaires seront affectés en Corse "au plus tard, début 2013", a-t-il dit, rappelant qu'il souhaitait voir développer la vidéo-protection et la lecture automatisée des plaques minéralogiques.
Mentionnant la présence lundi à Bastia, siège de la cour d'appel, de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, il a ajouté que les enquêtes et les poursuites concerneraient notamment le blanchiment d'argent et les patrimoines indûment constitués.
Leur "très grande détermination" dans ce domaine, a-t-il précisé, "est partagée par les ministres de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, et du Budget, Jérôme Cahuzac".
Interrogé sur un rapport du procureur de la République à Bastia dénonçant la concurrence entre services enquêteurs et l'insuffisance du renseignement à destination du parquet, M. Valls a souligné que "des marges de progrès existent".
"Dans un Etat de droit, magistrats et forces de l'ordre doivent travailler ensemble (...) et toute mise en cause publique affaiblit ce travail", a-t-il dit, ajoutant toutefois être "convaincu" que "policiers et gendarmes peuvent travailler mieux, pas seulement en Corse".
Il a annoncé qu"'il y aura "des sanctions" en cas de "concurrence qui mette en cause l'efficacité, les résultats".
M. Valls, qui a déclaré que "le contrôle de légalité doit se renforcer" pour mieux appliquer la protection du littoral, s'est rendu dans l'après-midi à Bonifacio pour survoler en hélicoptère l'extrême-Sud de la Corse, théâtre d'une intense spéculation foncière et immobilière.(Source: AFP)
Fred Scamaroni en mémoire
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a rendu hommage dimanche à Ajaccio à la Résistance en Corse, premier territoire français libéré dès septembre 1943, en se recueillant dans la cellule où le chef de réseau insulaire Fred Scamaroni se suicida à 28 ans, plutôt que de parler à ses tortionnaires italiens. Après avoir visité la cellule dans la citadelle d'Ajaccio, M. Valls a évoqué la mémoire de l'ancien préfet Fred Scamaroni, chef du réseau Action R2 Corse qui avait préparé l'insurrection de l'île contre l'occupant italien. "J'ai voulu saluer la mémoire d'un combattant qui, avec tant d'autres, a donné sa vie pour un idéal de liberté, d'égalité et de fraternité", a déclaré M. Valls. Arrêté à AJaccio, Fred Scamaroni s'était déchiré la gorge avec un fil de fer au fond de sa cellule, le 19 mars 1943, pour ne pas répondre à ses tortionnaires de la police politique fasciste italienne, l'OVRA. M. Valls a rappelé que le sacrifice du haut-fonctionnaire, préfet comme Jean Moulin, "permettra à la Corse d'être, six mois plus tard, le premier département français libéré, ce que l'on oublie trop souvent et que l'on n'enseigne pas assez". "Fred Scamaroni fait partie de cette longue liste de Corses morts pour la France", a ajouté M. Valls avant d'évoquer la brève mais glorieuse carrière du résistant insulaire. Scamaroni avait répondu dès 1940 à l'appel du 18 juin du général Charles de Gaulle à refuser la défaite face à l'Allemagne nazie, après avoir été blessé au combat comme officier de l'Armée de l'air. Dans Ajaccio libérée, le 8 octobre 1943, le général de Gaulle avait fait de "ce magnifique officier, modèle de courage et d'esprit de sacrifice", un Compagnon de la Libération. Fred Scamaroni "doit nous servir d'exemple et son message est que l'on ne transige pas avec les valeurs de la République", a déclaré M. Valls. (Source: AFP)