Le projet définitif d'extension du service public devrait être examiné en septembre
Session de l'assemblée de Corse
30 dossiers sont à l'ordre du jour de la session de l'assemblée de Corse réunie les 5 et 6 juillet. Les élus territoriaux planchent également sur la délégation de service public maritime.
Les Conseillers Territoriaux insulaires étaient réunis les 5 et 6 juillet pour une session de travail chargée à suivre en direct sur le site de la collectivité territoriale de Corse
Au programme, une trentaine de dossier avec notamment des demandes de dérogation sur les prix des tabacs et les arrêtés Miot. Les élus corses auront également un débat sur les transports maritimes et la délégation de service public. Ils se prononceront par un vote sur ce dossier le 26 juillet.
Le 5 juillet, la fiscalité était à l'ordre du jour: Les élus corse demandent au gouvernement la prolongation des arrêtés Miot alors que normalement au 31 décembre prochain prendra fin l'exonération totale des droits de succession. Les conseillers territoriaux souhaitent bénéficier de 5 années supplémentaires.Ils réclament également la possibilité de percevoir directement cet impôt.
DSP: un débat sans vote
Le maritime cherche l'équilibre: le vote aura lieu en septembre
Le débat devant l’assemblée de Corse du vendredi 6 Juillet 2012, se fait sans vote. Il doit éclairer l’opinion des élus et de la population sur un dossier maritime complexe. A quoi doit ressembler le futur service public maritime? C’est la question principale à laquelle les élus corses doivent répondre. Le contenu de la future Délégation de Service Public devrait être connu fin Juillet. Il sera soumis au vote des élus en septembre.
De l’actuelle à la future DSP
L’actuelle Délégation de Service publique relie le port de Marseille à six ports de Corse (Ajaccio, Bastia, Porto Vecchio, Propriano et les deux ports de Balagne). Le contrat signé entre la Collectivité Territoriale de Corse (CTC) et les deux compagnies (CMN etSNCM) s’étend -sous réserve de procédures judiciaires en cours- du 7 Juin 2007 au 31 Décembre 2013. Ce contrat (DSP) comprend un lourd cahier des charges pour la desserte des ports concernés (fret et passagers), il est assorti d’une subvention pour le service effectué.
Les lignes entre des ports de Corse et Toulon et Nice, sont subventionnées sous un autre régime dit « d’aide sociale ». Voir plus loin « un débat sous surveillance permanente ».
Une DSP contestée
La compagnie Corsica Ferries France a introduit une série de recours contre le bien fondé de cette DSP. Le dernier débouche sur une l’arrêt de l’actuelle DSP par la Cour Administrative d’appel de Marseille, le 7 Novembre 2011.
Suite à cet arrêt, l’assemblée de Corse prépare une convention provisoire (de Septembre 2012 à fin 2013), le temps pour l’Office des Transports de la Corse de préparer une DSP définitive. Dans cette convention provisoire, les car ferrys ne seraient plus subventionnés.
Le 24 Janvier 2008, le Tribunal Administratif de Bastia avait rejeté une demande de Corsica Ferries France d’annuler la DSP en cours. CFF avait introduit une action en appel devant la Cour Administrative de Marseille. Cette dernière avait demandé à la CTC d’annuler le contrat.
Les deux compagnies concernées (CMN et SNCM) s’étaient pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat. La CTC n’a introduit aucun recours.
Le 2 Juillet 2012, la section du contentieux du Conseil d’Etat se réunit, le Rapporteur Public demande le rejet de l’arrêt de la Cour d’Appel de Marseille. Autrement dit, le maintient de l’actuelle DSP en état, jusqu’à son terme de Décembre 2013. Sous un délai de deux semaines, on devrait savoir si la haute cour suit les conclusions du Rapporteur public.
Un débat sous surveillance juridique permanente
C’est dans ce contexte d’actions juridiques, que se déroule le débat sur la future DSP maritime Corse-continent français.
Depuis le début des années deux mille, la Corsica Ferries France a introduit une dizaine de recours devant différentes juridictions (autorité de la Concurrence, Commission Européenne, Tribunal Administratif de Bastia, Cour Administrative d’appel de Marseille et Conseil d’Etat), contre l’OTC et/ou la SNCM. Pour l’instant la majorité de ces actions ont été rejetées.
Une des dernières procédure rejetée l’a été devant le Tribunal Administratif de Bastia. Corsica Ferries France demandait à la justice administrative de suspendre la décision de la CTC arrêtant les subventions « d’aide sociale ». Le TA rejette la requête de CFF, le 25 Juin 2012. Ce débat sur « l’aide sociale » fait partie des gros thèmes qui agitent le paysage maritime et politique corse.
L’extension de la DSP vers Toulon
Depuis 2002, seules les lignes Marseille-Corse bénéficient d’un régime de Délégation de Service Public. Les syndicats de la SNCM, sa direction, mais aussi les conclusions du rapport parlementaire « Revet » estiment que l’on peut inclure Toulon dans la future DSP. Page 16 du rapport.
Du coup, la CCI du Var saisie la Haute Autorité de la Concurrence. Elle rend un avis, plus que réservé, sur une DSP à Toulon. Mais il ne s’agit que d’un avis qui ne s’impose pas juridiquement.
La nouveauté, c’est la lettre de Thierry Mariani, Ministre des Transports, sous le précédent gouvernement, envoyée à Paul Giacobbi, Président du Conseil Exécutif de Corse, en date du 20 Avril 2012. Thierry Mariani estime que « l’extension du périmètre de la Délégation de Service Public à Toulon est donc possible mais doit être correctement argumentée ». Voir document en fin de texte.
Le mardi 26 juin 2012, le Pdt du Conseil Exécutif et Paul Marie Bartoli, Pdt de l’Office des transports de la Corse, sont reçus par le Ministre des Transports, Fréderic Cuvillier. Selon P. Marie Bartoli « le ministère a diligenté une étude juridique de faisabilité, sur l’extension de la DSP à Toulon ».
Une extension contestée, avec des arguments pas toujours vérifiés
Logiquement, le Directeur Général de la CFF, Pierre Mattei, estime que « l’exécutif veut offrir sur un plateau la future délégation de service public à la SNCM, recréer le monopole et couler la Corsica Ferries ». (Corse Matin du 26 Juin 2012). Les responsables de la SNCM rétorquent « ((…) à Marseille, il y a deux compagnies. Pourquoi n’en n’aurait il pas deux à Toulon ? » . On en est là, mais les responsables des deux compagnies ne sont pas assez précis, il faut compléter leurs propos.
« Monopole », quel monopole ?
Juridiquement, la présence d’une compagnie subventionnée, sous le régime de la DSP, n’interdit pas à une autre compagnie de naviguer sur les mêmes lignes, sans subventions. En d’autres termes, la Corsica Ferries France pourrait naviguer entre Marseille et la Corse et la SNCM entre Toulon et la Corse.
C’est la CFF qui a donné l’exemple. En 1996, la « compagnie jaune » commence des rotations entre Nice et la Corse. A cette période et jusqu’en 2002, Nice est placé sous le régime d’une DSP. Ce contrat donnait l’exclusivité de la subvention, mais pas celui de la navigation. Autre exemple, tout au long des années deux mille, la compagnie publique espagnole Trasméditerranéa (privatisée en 2002) va naviguer des années entre les Baléares et l’Espagne, sous un régime de DSP, mais concurrencée par plusieurs compagnies privées, non subventionnées.
L’argument du « monopole » ne tient pas. Aucun règlement ne peut interdire à une compagnie de naviguer sur une ligne maritime placée sous le régime de la DSP. Sans doute peu informé, les responsables des Chambres de Commerce de Corse et des « socio professionnels » insulaires crient au risque de « monopole ».
« Extension », quelle extension ?
Les syndicats de la SNCM parlent eux de «monopole jaune » et le Pdt du Directoire de la compagnie constate que la Corsica Ferries France détient « 60% des parts de marché » sur la Corse ». Une chose est sure, le projet d’extension de la DSP vers Toulon ne devrait concerner que le fret. Le Pdt de l’OTC, Paul Marie Bartoli, l’a redit le 5 Juillet sur France 3 Corse, avant la séance des questions orales diffusée sur « Via Stella ». Cette limitation de la DSP au fret, s’inscrit dans la suite logique de la volonté d’économiser l’argent public de la « Continuité territoriale ».
Une future DSP réduite aux cargos
Quel que soit le projet présenté par l’OTC, le 26 juillet ou en Septembre, la future Délégation de Service Public maritime a de fortes chances d’être réduite à un service de cargos mixtes.
Il n’y a plus d’argent public, l’Etat -qui finance l’enveloppe de continuité- n’y ajoute plus d’argent depuis cinq ans. Pour l’OTC, la marge est réduite « il faut faire à enveloppe constante, c'est-à-dire avec moins d’argent, vue l’inflation des couts ».
Un fret en déséquilibre
Aujourd’hui, plus rien n’est stabilisé. Le fret est subventionné seulement sur les lignes de Marseille. Corsica Ferries France progresse sur le fret, sur les lignes de Toulon, forcement au détriment de Marseille. D’une certaine façon, la DSP fret sur Marseille peut être aspirée sans fin vers Toulon. Pour le Directeur régionale de la SNCM en Corse, Pierre André Giovanni, «le seul monopole est aujourd’hui le fait des jaunes qui l’été, par exemple, préfèrent embarquer un véhicule avec quatre personnes plutôt qu’un 38 tonnes et son chauffeur : la recette n’es pas la même ». Aujourd’hui, une compagnie, hors DSP, a parfaitement le droit de faire cela. Mais la conséquence est le déséquilibre permanent des comptes du concessionnaire. Le déséquilibre permanent, c’est la crainte de bien des observateurs.
Comment « stabiliser le marché » ?
Sur le fret
Presque tout le monde est d’accord pour établir de « nouvelles règles du jeu ». Reste à trouver un accord.
Dans les conditions actuelles, Toulon « aspire » le fret de Marseille. Même la « pétillante » Méridionale (CMN) rentre dans la spirale du déséquilibre. Au moment même où la CMN a investit dans un navire neuf et cher, le Piana.
Sur les passagers
Pour économiser l’argent public, la future DSP devrait être réduite aux cargos (voir, plus haut). Mais de quelle réduction parle t-on ? La Cour Administrative d’appel de Marseille vise le « service complémentaire ». Il s’agit du service réalisé en haute saison sur les lignes de Marseille et effectué par les cars ferrys de la SNCM. Il est fortement question de supprimer leur financement. Si rien ne vient compenser cette perte, la direction de la compagnie parle de « 800 emplois supprimés » en cas de disparition des ferrys, sans compensation. La « compensation » c’est l’extension de la DSP à Toulon, sous la forme d’un ou de deux cargos. Cela limitera, mais n’empêchera pas, un plan social.
En résumé, si le déséquilibre de « l’aspiration » du fret, mais aussi des passagers n’est pas stoppé, ce sera le naufrage de la SNCM. Pour le coup, il y aura bien un monopole sur les passagers. Ce déséquilibre est repris en compte par le Rapporteur Public du Conseil d’Etat, Bertrand Dacosta, le 2 Juillet devant la Cour. Le rapporteur public conteste la « division entre « service de base » et « service complémentaire ». Il estime que cette division « empêcherait une péréquation ». Autrement dit, le « gras du trafic » n’étant plus subventionné, le concessionnaire (le détenteur de la DSP) serait condamné à gérer un faible trafic en basse saison et à vivre à perte de manière chronique. Ces deux déséquilibres posent question. Elles seront, sans doute, abordées, lors des différents débats à l’assemblée de Corse.
La lettre de Thierry Mariani du 20 avril 2012
L'extension est possible mais doit être argumentée