"La Corse, c'est la noce de la mer avec le granit". Entretien avec Sylvain Tesson, l'écrivain voyageur invité du festival Musanostra de Lumio

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Littérature, vin, et chemins de granit, le festival de Lumio avait tout pour séduire l'écrivain voyageur Sylvain Tesson. Invité à échanger avec ses lecteurs pour la dernière soirée de la manifestation balanine Musanostra, il nous a accordé un entretien, plein de son désir de partager son amour pour la nature.

C'est la première fois qu'il est l'invité d'un festival en Corse, mais Sylvain Tesson connaît bien l'île. Il en a déjà exploré les chemins, grimpé les voies de granit rouge des aiguilles de Bavella, arpenté les rues d'Ajaccio en quête de 'la geste impériale napoléonienne" qui le fascine.

Mais la Balagne il la connaît peu, alors ce 10 août, peu importe la canicule, il n'a pas pu résister au plaisir d'une marche, avant d'aller à la rencontre de ses lecteurs à Lumio.

C'est donc imprégné de ces paysages majestueux, qui se révèlent en parcourant les chemins des bergers entre le village abandonné d'Occi et l'auberge de Cateri, qu'il nous a accordé un entretien, lyrique et poétique. 

Il vous était impossible de résister à l'appel des chemins ?

Je suis allé saluer la très ancienne présence de la civilisation méditerranéenne dans ces montagnes. C’était une merveilleuse plongée dans le temps, dans la beauté absolue de cette Corse pastorale. Le sylvopastoralisme a embelli ces montagnes. Ces oliviers noueux accrochés à la roche, ce granit rongé par l'iode qu'on appelle le tafoni, ça m'émeut beaucoup. La Corse, c'est la noce de la mer avec le granit qui est une roche chère à mon cœur, un socle tellement dur, chargé de mémoire. Ces chemins témoignent d'une présence humaine millénaire. Mais aujourd’hui ce ne sont plus les mêmes semelles qui les parcourent. On est passé de l'ordre pastoral à l'ordre du loisir, on consomme ces chemins.

Pendant les six mois de retraite solitaire dans une cabane de la toundra sibérienne que vous racontez dans votre ouvrage paru en 2011 "Dans les forêts de Sibérie", la vodka vous a été une solide compagne. Ici à Lumio, le festival Musanostra marie la littérature et le vin, cette union vous réjouit ?

Il y a 10 ans j'ai été victime d'une chute de 10 mètres, un accident très grave, et depuis j'ai renoncé à l'alcool. Je ne peux plus boire pour des raisons médicales. C'est mon malheur. Mais c'est très logique d'associer le vin et la littérature. Tous deux sont des moyens de transport de l'âme et de l'esprit, des moyens de sortir de soi. Le vin et la littérature sont des élixirs de création. Pour moi, le poète et le paysan sont deux corps de métier très proches, des mots ou de la terre ils font naître de la beauté.

Il faut revenir au grand chant d'amour à la nature, demander aux murs, aux chemins, aux perdrix de nous inviter à entendre leur chant.

Sylvain Tesson

écrivain voyageur

Dans votre dernier ouvrage, "Avec les fées" vous êtes parti en voilier à la rencontre des pays celtes. De l'univers onirique et fantasmagorique de la culture celtique, peuplé de fées et de korrigans, vous donnez une version très organique 

Je n'ai pas du tout besoin d'imaginer que la fée est une petite créature libellule en tutu dotée d'une baguette magique. Pour moi la fée est la manifestation de la puissance de vie. Le monde réel, le spectacle de la vie florale et animale, la conversation entre le photon et l'azote sont tant d'occasions de s'émerveiller de la beauté de la vie, de ce miracle et de sa puissante fragilité !

Cette fragilité, l'homme la constate, la mesure. La température de la mer Méditerrannée a pour la première fois été relevée à 30°C ici au large, entre Nice et Calvi. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

La terre brûle, l'eau bout. Je ne vais pas ajouter une voix au concert de déploration. II y a trois possibilités : soit on ne fait rien, soit on continue, soit on fait quelque chose. Et si on fait quelque chose, soit on fait avec la technique, qui s'attache tellement à trouver des remèdes qu'elle en oublie les origines du mal et de le prévenir ; l'autre possibilité, c'est de faire ce qu'on peut avec ce que l'on a. Moi je fais avec la poésie. Je crois en la puissance performative de la langue, aux mots plutôt qu'aux chiffres. Le chiffre ne dit rien. Un poème qui vous arrache des larmes saura mieux éveiller à la beauté de la nature que toutes les statistiques et autres données scientifiques. Il faut revenir au grand chant d'amour à la nature, demander aux murs, aux chemins, aux perdrix de nous inviter à entendre leur chant. Moi je crois à la poésie, et au mouvement. La vie c'est le mouvement. Il faut aimer le monde puisque l'on vient au monde. C'est ça que j'ai envie de partager avec ceux qui me lisent. 

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