Maire de Belgudè, le nationaliste Lionel Mortini se présente pour la première fois aux élections législatives. Dans la seconde circonscription de Haute-Corse, il aura notamment face à lui le député autonomiste sortant, Jean-Félix Acquaviva.
Début mai, Lionel Mortini avait annoncé officiellement sa volonté de briguer un mandat de député au palais Bourbon. Un mois plus tard, l'ancien président de l'Odarc et ex-conseiller territorial Corsica Libera est sur la ligne de départ d'un scrutin dans lequel il porte une candidature libre, centrée sur les fondamentaux du nationalisme.
Dans cette seconde circonscription de la Haute-Corse, les nationalistes partent en ordre dispersé. Par conséquent, le maire de Belgudè et président de l'intercommunalité Lisula-Balagna s'apprête à ferrailler dans les urnes face au député sortant de Femu a Corsica, Jean-Félix Acquaviva.
Qu’est-ce qui a motivé votre candidature ?
D’abord, le fait de ne pas se résigner à considérer qu’on a élu un député nationaliste pour lequel on s’est battus. Et je me suis sans doute plus battu il y a 5 ans pour lui que je ne le fais aujourd’hui pour moi. Je croyais fondamentalement que nous allions changer ce pays ; aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Face à cela, je ne me résigne pas, je vais dans cette élection en étant conscient des difficultés et en connaissant la machine que j’ai en face de moi. Mais en tant que nationaliste, le combat politique et public fait partie de notre ADN.
Ensuite, la façon de faire de la politique aujourd’hui sur cette circonscription avec le député sortant ne me convient pas. On retrouve des méthodes du passé, des promesses qui ne seront pas tenues et qui vont entacher le mouvement national d’une image qui n’est pas la sienne. Nous avons des valeurs d’honnêteté et de probité qui ne correspondent pas aux promesses qui sont faites aujourd’hui. Il faut donc changer tout cela. C'est le message que je veux porter.
Si vous êtes élu, quelles seront vos principales actions pour votre circonscription ?
Il y a tellement de choses à faire ! Sur les projets structurants pour le territoire d’abord, Pierre Pasquini, un député que j’avais combattu, a participé à créer la Balanina. Aujourd’hui, avons-nous un député capable de porter des projets tels que celui-ci ? Je ne le pense pas. Il faut obtenir d’urgence un établissement de santé en Plaine orientale, un service d’urgences à Corte. Il faut défendre nos services publics. La trésorerie de Corte ferme, pas grand monde ne s’est battu pour la garder… Nous nous sommes battus pour celle de L'Île-Rousse qui va tripler ses effectifs au mois de septembre. Le député doit défendre ces services publics.
Il faut également un "plan Marshall" pour accompagner les exploitants agricoles de l’intérieur. Le changement climatique va être un bouleversement. Il faut être actif, construire un nouveau modèle. Sur la spéculation, il faut lutter pour préserver les terres agricoles de ce pays en créant un établissement public comme cela a été fait avec le conservatoire du littoral. Ces terres doivent être gelées définitivement et éternellement. Ça va nous permettre de nourrir notre population dans quelques années. Certains pensent que l’argent se "mange", ils s’apercevront un jour que ça ne se mange pas.
Si nous ne préservons pas ces terres agricoles, nous allons vers d’énormes problèmes pour nos enfants. Le député n’est pas là que pour voter des lois, il doit porter des projets. L’intérieur ne doit pas être l’éternel oublié, le dernier PEI a été exclusivement consacré aux villes. Il faut rattraper le retard historique de la Corse et, pour cela, il faut des élus crédibles.
Un cycle de discussions devrait s’ouvrir en vue d’une évolution statutaire pouvant aller jusqu’à l’autonomie de la Corse. Les quatre députés élus le 19 juin prochain y participeront. Si vous êtes élu, quelle sera votre stratégie sur ce dossier ?
Le format de ces discussions doit intégrer l’ensemble des élus insulaires sous l’autorité, évidemment, du président du Conseil exécutif de Corse. Les parlementaires auront un rôle à jouer, et il faut de la diversité. Les députés issus de la majorité territoriale porteront une seule et unique voix : celle de la collectivité. Je pense qu’il faut une voix nationaliste différente, ça sera une plus-value dans ces discussions. Il va falloir des gens qui se battent pour construire cette autonomie. Mais l’autonomie qui sera discutée n’est qu’une étape, une étape indispensable pour se sauver en tant que peuple. Mais que personne n’imagine qu’en tant que nationalistes nous allons nous arrêter à ça dans la construction de la société que nous voulons. J’amènerai une voix différente, avec un parcours différent : celle d’un élu du rural en dehors des groupes et des structures. Je n’ai pas de fil à la patte.
Les nationalistes sont divisés pour ces élections législatives. Qu’est-ce qui vous sépare de Jean-Félix Acquaviva et qui justifie cette désunion au premier tour ?
Cette division était évitable, mais la déception est trop grande et c’est ce qui m’a convaincu de me lancer. Aujourd’hui, il faut être dans le concret. On me verra peut-être moins en photo, on me verra peut-être moins dans l’hémicycle, mais on me verra beaucoup plus dans les ministères pour aller défendre les dossiers cruciaux pour notre pays.
Pour certains, je n’aurais même pas le droit d’être candidat. Dans cette campagne, on a essayé de me raccrocher à des structures politiques, on a même essayé de me raccrocher à des voyous. Ce sont des mécaniques que nous connaissons, Femu a Corsica me met une cible dans le dos avec ces accusations. Je me suis toujours opposé au monde des voyous, c’est un monde que je combats dans mes politiques publiques au quotidien. J’ai pris des décisions sur ma commune qui ont écarté ces forces occultes. Sur la commune de Belgudè, nous avons un camping communal. Pour qu’il ne tombe pas dans des mains qui pouvaient être troubles, j’ai décidé de le fermer. Peut-on me dire qui, dans ce pays, a fermé des structures en y perdant 60.000€ par an pour être sûr que cet argent ne tombe pas dans des mains troubles ? J’aimerai bien que toutes les politiques publiques qui sont aujourd’hui menées en Corse aillent dans ce sens car ce n’est pas le cas. Je suis blessé par ces rumeurs colportées par des militants de Femu a Corsica. On peut dire que je n’ai pas ma place, que je n’ai pas le niveau, j’accepte la critique. Mais ça, on n’a pas le droit de le dire. Ces attaques, reprises par une certaine presse sur internet, vont laisser des traces humainement.
On a le droit d’être candidat parce que l’on considère que les personnes que nous avons élues ne sont pas à la hauteur du mandat que nous leur avons confié, sans que l’on nous colle une affiche de voyou. Il faut que Femu a Corsica sache que nous sommes dans un temps long, des milliers de Corses nationalistes ou pas lutteront pour que ce pays retrouve des valeurs d’honnêteté, de probité et de transparence. On ne peut pas construire un pays sans démocratie. On pensait qu’on avait gagné le combat contre le clientélisme il y a cinq ans, force est de constater que ce n’est pas le cas. La lutte continue, c’est pour cela que je suis candidat.
Les trois députés nationalistes élus en 2017 siègent aujourd’hui dans le groupe "Libertés et Territoires". Si vous êtes élus, vous inscrirez-vous dans cette démarche ?
Je ne siègerai pas dans le groupe "Libertés et Territoires". Je considère que les députés de la Corse doivent rester neutres par rapport aux différents partis politiques français. Nous devons porter la voix de la Corse et nous n’avons pas à rentrer dans les logiques partisanes de Mélenchon ou de De Courson. Ce n’est pas notre problème. Je ne suis pas avec Macron qui a méprisé la Corse pendant cinq ans, mais il est élu par le suffrage universel et c’est par conséquent avec lui qu’il faut négocier.
Avec un groupe, on gagne du temps de parole dans l’hémicycle mais quelles sont, in fine, les avancées ? Tout le monde se fiche des questions orales. Ce que les Corses attendent, ce sont des réalisations. Il est temps d’avancer et d’enclencher un cycle nouveau.