Méditerranée : posidonies, la forêt brûle ?

Votre nouveau rendez-vous "La mer est ronde" vous propose de plonger sous la surface pour découvrir l’histoire des prairies sous-marines tapissant le fond des océans et la plupart des mers du globe. Elles assurent de multiples services bénéfiques à la biodiversité marine. En Bretagne, on parle de zostères, et en Corse, c’est la posidonie qui colonise les fonds marins.

Zostère et posidonie offrent un habitat et une source de nourriture pour de nombreuses espèces marines. Ces herbiers contribuent à la stabilisation des fonds marins, à la réduction de l'érosion côtière et à l'amélioration de la qualité de l'eau. Cependant, ils sont menacés par les activités humaines. Pour les protéger, on cherche des solutions le long du littoral Breton comme en Corse. Un récit à découvrir samedi 4 mai à 18h35 sur ViaStella dans un nouvel épisode du magazine "La mer est ronde". 

Comment concilier plaisance et protection de la posidonie ?

La baie de Sant’Amanza est un petit paradis prisé des plaisanciers. Ses eaux cristallines font partie de la réserve naturelle des bouches de Bonifacio, la plus grande réserve de France Métropolitaine. Entre 0 et 40 mètres, les fonds marins de Méditerranée sont tapissés de posidonies, plus profond, elles disparaissent. C’est aussi à ces profondeurs que les ancres des bateaux sont jetées. L’enjeu est donc là. Comment concilier plaisance et protection de cette plante marine ?

Appelée à tort "algue", la posidonie est une plante à fleurs, âgée de plus de 100.000 ans. Méconnue mais indispensable, pour la vie marine, pour lutter contre l’érosion du littoral, pour atténuer le réchauffement climatique. Les herbiers forment des prairies sous-marines, et à surface égale, ces écosystèmes aquatiques capturent trois fois plus de carbone qu’une forêt.

Pour toutes ces raisons, elle est protégée par la loi depuis 1988. Pourtant, les ancrages répétés l’ont considérablement affaiblie, et seul un flagrant délit permet de sanctionner les plaisanciers irrespectueux de la nature et des lois. Entre restauration passive et restauration active, les initiatives permettant de la sauvegarder fleurissent. Même si la meilleure des stratégies demeure la préservation. 

Donia, le waze de la mer

Pour préserver les posidonies, rien de plus simple, il ne faut pas jeter son ancre dedans. Mais en pratique ça semble moins évident. Entre plaisanciers novices ou peu regardants, il arrive encore que les posidonies soient malmenées. Le problème, c’est qu’un herbier arraché est perdu et une cicatrice prendra définitivement lieu et place.

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Le constat est alarmant : les fonds marins portent les stigmates occasionnés par les ancres des plaisanciers. Une application portant le nom de Donia a été créée pour que le mouillage des bateaux n'endommage pas les herbiers de posidonie. ©France 3 Corse ViaStella

Parce qu’on n’a plus le droit de ne pas savoir, on peut s’aider de Donia. Donia, c’est le diminutif d’une application mobile grand public, comparable au "Waze de la mer".  L’objectif est de permettre aux plaisanciers, plongeurs, pêcheurs et "à tous les amoureux de la mer", de jeter l’ancre dans une zone sableuse et pas dans un herbier. Ainsi préserver les écosystèmes marins sensibles, et respecter la loi. Pour rappel, la posidonie est une espèce protégée au titre des réglementations internationale, européenne et nationale.
Donia a donc été conçue car les fonds marins portent les stigmates de mouillages dans les herbiers. Ce sont les plongeurs d’Andromède océanologie qui ont mis en lumière ce triste constat, et décidé de prendre le problème à la racine.

Plus grand est le bateau, plus grave est le préjudice.

La pression sur les posidonies n’est due qu’en partie à la petite plaisance. Remonter une ancre n’est pas anodin, elle peut labourer les fonds, et laisser une cicatrice béante au milieu des herbiers. Les courants vont élargir ces sillons, qui ne se refermeront jamais. Plus grande est l’ancre, plus grave est le préjudice. Depuis 2019, la Préfecture Maritime interdit le mouillage des yachts de plus de 24 mètres, dans certaines zones protégées comme la baie de Sant’Amanza. 
L’objectif étant de faire évoluer la réglementation des ancrages, et encadrer la venue de ces bateaux.

En période estivale, les contrôles se durcissent. Les agents du Parc naturel collaborent avec ceux des sémaphores, et vérifient que les bateaux ont jeté l’ancre hors des zones protégées, dans des tâches de sable. Si la pédagogie reste de mise avec les petits plaisanciers, la tolérance zéro est appliquée pour les grandes unités dont le capitaine est toujours un professionnel. Les contrevenants s’exposent à des peines d’un an d’emprisonnement et 150 000€ d’amende.  

Projet expérimental :  encadrer la grande plaisance plutôt que l’interdire dans les zones protégées. 


La préservation des herbiers devra passer par le développement de solutions alternatives. Car pour certaines communes, comme Bonifacio, l’accueil des super-yachts est un enjeu économique majeur. Sant’Amanza est une zone prisée des plaisanciers, et les bateaux de plus de 24 mètres peuvent profiter de 14 points d’amarrage qui font partie d’un projet pilote et expérimental. Ce sont des bouées fixées sur des coffres "éco-conçus", c’est-à-dire des supports ressemblant à des rochers, permettant à la biodiversité de s’y développer rapidement. L’objectif est de réduire l’impact sur le milieu marin, et d’y intégrer au mieux ces installations provisoires. Les emplacements choisis sont des sites déjà très impactés par les ancrages.

Et le projet est jumelé à une deuxième expérimentation de jardins sous-marins, menée par l’Université de Corse. Des herbiers arrachés sont repiqués, sur différents supports, et l’on observe la croissance ou le taux de mortalité de ces posidonies en convalescence. Ce "jardin-laboratoire" se trouve juste sous les bouées où s’amarrent les méga yachts. 
Le projet s’inscrit jusqu’à fin 2024, mais les résultats encourageants pourraient donner lieu à une dérogation pour prolonger l’étude et l’accueil des navires.

Toutefois, inutile d’attendre les résultats, on sait déjà que la croissance de l’herbier est extrêmement lente, seulement un à deux centimètres par an. Reconstituer les forêts de posidonies arrachées ne peut donc être une solution à court terme. La restauration "passive", c’est-à-dire la préservation, reste la meilleure des alternatives.

📺 Prochain numéro du magazine "La mer est ronde" : samedi 11 mai à 18h35, de la source à la mer.
📱💻 Disponible sur France.tv

 

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