Samedi 27 mai, la Palme d’Or du 76e Festival de Cannes a été décernée à la réalisatrice Justine Triet pour « Anatomie d’une chute ». La productrice du film est l’Ajaccienne Marie-Ange Luciani. Elle répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.
Elle est la troisième femme à remporter la Palme d’Or. Samedi 27 mai, la réalisatrice Justine Triet s’est vu décerner la plus haute récompense du Festival de Cannes pour « Anatomie d’une chute ». Avant elle, seules les réalisatrices Jane Campion et Julia Ducournau ont décroché la Palme.
Ce long-métrage retraçant l’histoire d’une femme accusée du meurtre de son mari est produit par l’Ajaccienne Marie-Ange Luciani. Ces dernières années, plusieurs de ses films ont été primés. Le dernier en date est « Retour à Reims (Fragments) », César 2023 du meilleur film documentaire.
En 2017, Marie-Ange Luciani avait également produit « 120 battements par minute », César 2018 du meilleur film notamment et en compétition officielle au Festival de Cannes 2017. Elle a accordé un entretien à France 3 Corse ViaStella.
Une première réaction à cette récompense ? Qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Je ne sais pas trop par quoi commencer. D’abord une émotion immense hier d’entendre le nom de Justine Triet et de se dire la Palme, c’est toujours l’inaccessible. On se dit à chaque fois qu’on sera juste en dessous et puis là… Peut-être que ça n’arrive qu’une fois dans notre vie, ou peut-être pas.
On était tous très bouleversé, ému et aussi porté par le discours de Justine qui a été extraordinaire à tous les niveaux. C’est l’aboutissement d’un travail d’équipe. Et c’est toujours le Graal la Palme, donc c’est fou. Je suis encore un peu sous le choc. On va s’en remettre, mais je pense qu’on va prendre une semaine pour réaliser vraiment (rires).
Vous parliez du discours de Justine Triet, est-ce que vous partagez ses idées ?
Absolument. Totalement en accord. C’est un discours qu’évidemment elle m’a fait lire, qu’on a partagé et je partage absolument son soutien aux manifestations contre la réforme des retraites et son discours sur l’exception culturelle qu’il faut défendre en ce moment, coûte que coûte.
Il y a déjà eu une réaction de la ministre de la Culture concernant ce discours. Elle s’est dit « estomaquée » et a rappelé que le « modèle français de financement du cinéma permettait une diversité unique au monde ». Vous être productrice comment analysez-vous cette réponse ?
On ne dit pas que ça n’existe plus. On dit que c’est menacé, que c’est en danger et que justement, il faut la préserver et la défendre. Pour le moment, les réflexions qui sont sur la table ne vont pas dans le sens d’une exception culturelle qui serait renforcée. J’ai lu son tweet et on n’a pas dit que l’exception culturelle avait disparu, on a dit qu’elle était menacée et qu’il fallait, absolument, dès qu’on peut prendre la parole la défendre, la renforcer et se battre pour la conserver. Le monde entier nous l’envie.
Justine Triet est la troisième femme à remporter la Palme d’or, vous faites vous-même partie du collectif 50/50. Est-ce que cette récompense revêt une importance particulière à vos yeux ?
Le monde change et Justine en était la preuve vivante hier. Il n’y a plus rien à dire maintenant, il n’y a qu’à accueillir et c’est en train d’arriver. C’est ce que je disais à Justine hier : ‘Tu es là, donc c’est que ça change et que ça arrive’.
Tout ce mouvement qui est en place depuis des années maintenant, toute cette révolution féminine qui est en place, toute cette quête d’égalité, de parité, elle est en train d’advenir. Je pense que la profession aussi, les métiers du cinéma se féminisent. Les femmes s’autorisent à être réalisatrices, ingénieure du son, cheffe opérateur, monteuse. J’accueille ce monde qui change et j’en fais partie et j’en suis ravie.
Depuis une dizaine d’années, on observe un renouveau dans le cinéma corse, un film de Thierry de Peretti, "Une Vie violent" avait été sélectionné en 2017 à la Semaine de la critique du Festival de Cannes par exemple, comment observez-vous ce cinéma ?
Je suis très contente. Catherine Corsini était en compétition cette année avec un film tourné en Corse. Elle est retournée en Corse, elle a des origines corses, son père y est né et elle y est retournée tourner justement. C’était magnifique.
Évidemment, j’admire le travail de Thierry de Peretti, je crois que Pierre Salvadori, pas en Corse, mais en tout cas va se remettre au travail dans pas très longtemps. Il y a quand même une très très belle énergie. J’espère que j’y tournerai moi aussi un jour (rires).
Une dernière question. Vous produisez des films qui sont engagés, pouvez-vous nous donner votre vision du cinéma ?
Là, il faudrait quelques heures (rires). J’essaye de défendre des films qui sont ancrés dans notre société, qui parlent. Qui parlent de notre époque, qui parlent de notre histoire. Oui, j’ai un lien très fort, je ne sais pas si ça s’appelle du cinéma engagé, mais en tout cas, c’est du cinéma qui parle de l’époque qu’on traverse. J’aime bien l’idée de laisser une trace avec ces films-là pour la génération qui vient, sans prétention aucune. C’est important aussi le cinéma pour ça. C’est un moyen de regarder la société dans laquelle on vit.