Procès pour fraudes aux aides agricoles : jusqu'à 18 mois de prison ferme requis

Au deuxième jour du procès de Jean-Dominique Rossi et de quatre de ses proches à Ajaccio, le procureur a requis un an et demi de prison ferme à l'encontre de l'ex-directeur de la chambre d'agriculture de Corse-du-Sud. Des peines allant de 6 à 12 mois ont été demandées pour les autres prévenus.

Mercredi 20 avril, le procureur de la République a requis des peines d'emprisonnement à l’encontre des cinq prévenus qui comparaissent depuis ce mardi devant le tribunal correctionnel d’Ajaccio. 

Poursuivis pour "escroquerie en bande organisée" et "blanchiment aggravé", Jean-Dominique Rossi, son épouse et leurs deux fils sont suspectés d’avoir perçu indument, entre 2015 et 2018, 1,4 million d'euros de subventions agricoles et d’avoir divisé en cinq de manière fictive leur exploitation dans le but de maximiser les aides. 

Pour le représentant du ministère public, “la famille Rossi a participé à la scission fictive de l’exploitation unique, a fait des déclarations mensongères concernant son cheptel et s'est livrée à du blanchiment". 

36 mois dont 18 avec sursis

À l’encontre de Jean-Dominique Rossi, le procureur a requis 36 mois de prison, dont 18 avec sursis simple, ainsi que l'interdiction d’exercer des fonctions de directeur pendant 10 ans. 

Pour le représentant du ministère public, l’ex-directeur de la chambre d’agriculture de Corse-du-Sud est "le responsable de cette fraude et le gérant de fait de cette exploitation". Ce que nie l'intéressé qui n'a aucune exploitation à son nom et dont les fonctions à la chambre d’agriculture lui interdisaient d'en détenir une. 

Les différents cheptels appartiennent à l'épouse, à la mère (aujourd'hui décédée) aux enfants de Jean-Dominique Rossi et à un ancien ouvrier agricole de la famille.

Concernant son épouse, Béatrice Rossi, 24 mois de prison dont 12 avec sursis ont été demandés. Selon le parquet, "elle n'était pas naïve et savait ce qu'elle faisait concernant la gestion administrative des exploitations".

18 mois d'emprisonnement dont 12 avec sursis ont été requis à l'encontre des deux enfants du couple Rossi, Jean-Marie et Pierre-Marie, respectivement âgés de 30 et 26 ans.

Cinquième prévenu dans ce dossier, Augustin Gardella est quant à lui uniquement poursuivi pour "escroquerie en bande organisée". Le procureur de la République a demandé 12 mois de prison dont 6 avec sursis à l'encontre de cet ancien ouvrier agricole de la famille Rossi titulaire d'une exploitation. À l'inverse des quatre autres prévenus, il n'était pas présent à l'audience pour cause de Covid.

 

 

"Il ne peut y avoir blanchiment"

 

Avant ces réquisitions, ce deuxième jour d’audience avait débuté par la suite des auditions des différents prévenus. La veille, l'épouse et les deux fils de Jean-Dominiqur Rossi s’étaient tour à tour expliqués chacun sur leur cheptel et sur les différentes parcelles qu’ils avaient déclarées, soit un total de 2.200 hectares pour 530 bêtes.

"En février 2019, selon le contrôleur du Codaf (Comité opérationnel départemental anti-fraude), il y en avait 227", pointe le procureur.

Ce mercredi matin, la présidente du tribunal est notamment revenue sur les faits de "blanchiment aggravé" reprochés aux membres de la famille Rossi. Selon les éléments à charge, les aides agricoles européennes qui leur ont été versées auraient pu "financer deux projets immobiliers sans rapport avec l’agriculture".  

À la barre, dos à une salle garnie d'une vingtaine de soutiens, Jean-Dominique Rossi a notamment été interrogé sur un permis de construire concernant six bungalows à Sagone. "C’est un projet d’envergure quand même, lâche la présidente. À Sagone, estime-t-elle, des bungalows, ça rapporte minimum 1000 euros chacun par semaine du 1er juin au 30 octobre".

"Je travaillais à la chambre d’agriculture, j’ai 58 ans, j’ai le droit d’investir pour ma retraite", répond le prévenu sur un ton posé.  "De tenter d’investir, complète son avocat, maître Julien Gasbaoui, soulignant qu’il ne "peut y avoir blanchiment, rien n’ayant été fait ni construit"

"Tout était prêt à démarrer mais entre-temps est arrivée la procédure, reprend la présidente du tribunal. Pouvez-vous me dire le coût de l’opération ?", demande-t-elle  à Jean-Dominique Rossi qui répond par la négative. "Si vous déposez un permis, c’est que vous avez un projet finalisé, sinon, c’est qu’il est fictif", assène-t-elle.

L'ex-directeur de la chambre d'agriculture se défend en indiquant qu'il aurait pu "financer l'opération avec des prêts".

"Recyclage de fraudes"

Dans la foulée, le procureur évoque quant à lui un autre projet de 48 appartements à Cargèse au nom d’Angèle Rossi, la mère du prévenu. Initialement poursuivie, elle aussi devait comparaître mais l’octogénaire est décédée en fin d’année dernière. "Elle a fait ce projet (à Cargèse) toute seule, à 85 ans, sans l’aide de personne", s’étonne la présidente.

"Si vous l’aviez rencontrée, vous auriez vu qu’elle avait toute sa tête pour s’occuper de sa retraite et de sa succession", souligne Jean-Dominique Rossi avant d'ajouter que ce projet "n’a lui aussi jamais abouti".

Des échanges qui n’ont pas convaincu le parquet, notamment sur le financement des ces éventuelles constructions qui n'ont jamais vu le jour.

Après s'être "interrogé sur des mouvements bancaires entre les comptes d'Angèle Rossi et de son fils", le représentant du ministère public conclut son réquisitoire en s'adressant à Jean-Dominique Rossi :

"Vous dites avoir le droit d’avoir de l’argent et de faire des emprunts mais cela ne correspond pas avec vos revenus de responsable à la chambre d’agriculture, qui ne sont cependant pas négligeablesComment alors réaliser un projet d'une telle ampleur si ce n’est avec l’argent des aides ? On est sur du recyclage de fraudes aux aides agricoles", tranche-t-il avant de demander 36 mois de prison dont 18 avec sursis à son encontre. 

"Ce sont des réquisitions qui ne m'étonnent pas compte tenu de la nature de ces poursuites, réagit Maître Julien Gasbaoui. Monsieur le procureur aujourd'hui est tenu de s'inscrire dans la veine de ce qui a été fait depuis le départ. Je m'étonne en revanche des arguments qui ont été utilisés. Je m'étonne que les nombreuses pièces versées par la défense au débat n'aient pas été évoquées. Ensuite, ce sera au tribunal d'apprécier."

Ce jeudi, l’audience reprend à 8h30 avec la suite des plaidoiries de la défense. Le jugement devrait quant à lui être mis en délibéré à une date ultérieure.

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