Le prix Goncourt en 2012 pour son ouvrage « Le sermon sur la chute de Rome », l’a propulsé au rang des auteurs qui comptent. Jérôme Ferrari n’est pourtant pas de ceux qui courent après les récompenses ! C’est la littérature qui l’anime, la nécessité de se renouveler, le besoin de ne pas s'égarer. Vendredi 9 juin à 20h45 sur ViaStella, le magazine « Libraria » vous propose un portrait inédit de cet écrivain qui ne cesse de questionner les travers de l’humanité. La Corse, si elle n'est pas un thème en soi, est intrinsèquement liée à son œuvre.
Ses inspirations, son parcours, ses œuvres, son attachement à la Corse, les rencontres qui ont marqué sa vie, Jérôme Ferrari se raconte sans filtre dans un documentaire de la collection "D'une page à l'autre". Les réalisateurs Lavinie Boffy et Pierre Gambini l'ont suivi dans les rues d'Ajaccio. Une ambiance qui favorise la proximité et un regard plus intime sur la personnalité de l'écrivain. Ces déambulations souvent nocturnes sont entrecoupées par une lecture personnelle de ses ouvrages. Le documentaire-portrait se poursuit par un échange sans équivoque avec son complice, l'écrivain Marc Biancarelli et le féru de littérature Pierre Savalli. Ils évoqueront ensemble des thèmes qui lui sont chers, comme le rapport à l'image photographique, la guerre, ses obsessions ou encore l'évolution de son style.
Un parcours qui le mène de Paris à Porto-Vecchio
Les livres ont toujours fait partie de la vie de Jérôme Ferrari. Enfant, il avait un accès illimité à la bibliothèque familiale. La collection des San Antonio, les Pagnol ou encore l'oeuvre de Zola, des ouvrages qu'il dévore très jeune. C'est à 11 ans qu'il écrira ses premiers textes, des poèmes engagés, militants, liés à l'emprisonnement d'un de ses cousins impliqué dans l'affaire Bastelica-Fesch en 1980.
Adolescent, la seule envie qui l'animait, c'était de rentrer vivre en Corse. Lui, qui foulait le sol de Vitry sur Seine quotidiennement était obsédé par le retour au village de Fozzano. Chose faite après ses études à la Sorbonne, il enseignera la philosophie au lycée de Porto-Vecchio. Et c'est là que son parcours d'auteur prend forme : il anime des cafés philosophiques à Bastia, les anecdotes qui lui plaisent, il les transforme en nouvelles et il fait une rencontre qu'il qualifie lui-même de "au-delà de l'important".
La rencontre avec Marc Biancarelli, au-delà de l'important...
Au début des années 2000, un bouillonnement créatif agite la Corse. C'est à cette époque qu'est née la complicité entre Jérôme Ferrari et Marc Biancarelli. Dès le début, le courant passe entre ses deux écrivains. Ils échangent leurs textes, ceux de Marc Biancarelli en Corse et ceux de Jérôme Ferrari en Français. "Certaines nouvelles, je les ai juste écrites pour lui, pour qu'on puisse les échanger et rigoler en les lisant", affirme Jérôme Ferrari. Et Marc Biancarelli ajoute "On a compris très vite que chacun écrivait de son côté, mais qu'on avait envie de l'écho de l'autre". Ces entrevues quasi fraternelles sont le début de la collaboration entre les deux hommes. Jérôme Ferrari entreprend la traduction de "Prighjuneri" de Marc Biancarelli, sans dénaturer le texte, en traitant le Corse comme une langue étrangère : "S'il y avait des phrases vulgaires, ou un peu argotiques en Corse, ce qui ne manquait pas dans les nouvelles de Marco, de ne pas les traduire en français régional corse, mais de trouver une formulation en français". Un projet extraordinairement stimulant, qui coïncide avec la parution des premiers ouvrages de Jérôme Ferrari "Variétés de la mort" en 2001, puis "Aleph zéro" en 2002 (aux éditions Albiana).
Jérôme Ferrari développe ensuite son écriture à travers ses séjours professionnels à l'étranger. Il enseignera en Algérie de 2003 à 2007, puis à Abou Dabi en 2012, quelques mois avant d'obtenir le prix Goncourt. Pour l'anecdote, c'est un voyage scolaire avec des élèves de Porto-Vecchio et son complice Marc Biancarelli qui lui a donné envie de parcourir le monde à l'âge de 35 ans. Même si le Corse apparaît toujours dans son travail d'écrivain, ces pérégrinations ont nourri ses oeuvres à partir de 2003. Lors d'un atelier d'écriture à Alger sur le thème passé, présente et futur, il demande à ses élèves de venir avec des photos de famille. Ils sont tous arrivés avec des clichés de leurs grands-parents qui ont combattu avec le FLN. Un rapport à la réalité, qui lui inspirera "Où j'ai laissé mon âme" paru en 2010 aux éditions Actes sud.
La réalité, moteur de la littérature de Jérôme Ferrari
Pour Jérôme Ferrari, le roman est intéressant car c'est une vision du monde, certes une fiction, mais qui n'en est pas moins la réalité. La guerre, la famille, la corruption, le mal, le rapport à l'image, thèmes qui jalonnent ses ouvrages, témoignent de ce besoin d'ancrer ses textes dans la vie quotidienne. Dans l'échange avec Marc Biancarelli et Pierre Savalli, il évoque notamment son rapport à la photographie et à la photographie de guerre, un sujet central dans ses 2 derniers romans : "À fendre le coeur le plus dur", essai écrit avec Oliver Rohe paru en 2015 et "À son image", paru en 2018.
Dix ouvrages en une vingtaine d'années, l’œuvre de Jérôme Ferrari s'est construite, toujours avec une grande exigence, chacun de ses livres ayant été salués par la critique ou récompensés d'un prix. En 2016, il accepte de jouer les chroniqueurs pour le journal La Croix, il va se plier à un exercice qu'il a toujours refusé, celui de donner son avis. Une merveille d'impertinence érudite et d'ironie désespérée. C'est aujourd'hui le cinéma qui s’intéresse à son œuvre, avec l'adaptation de deux de ses livres en préparation.
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