Bastelica-Fesch : retour sur l'affaire qui, il y a 44 ans, enflamma la Corse

C'est une des grandes dates de l'histoire du mouvement nationaliste, et l'un de ses épisodes les plus violents. Retour sur l'affaire de Bastelica-Fesch, qui débuta sur la route du village de Bastelica, le 6 janvier 1980. Et qui se solda par trois morts. 

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L'hiver s'est abattu sur les montagnes qui surplombent Ajaccio. 
Et il n'y a pas grand monde dans les ruelles de Bastelica

Les trois hommes qui arrivent au village auraient très certainement voulu se fondre dans le décor. 
Mais c'est raté. 
Ils n'ont même pas eu le temps de descendre de leur voiture quand ils sont interceptés par un groupe de militants nationalistes. 

Barbouzes contre natios

Très vite, pour les militants, il ne fait guère de doutes que les trois hommes font partie de Francia.
Une organisation clandestine, proche du RPR, qui agit dans l'ombre, en Corse, pour nuire au développement du mouvement autonomiste. 

Dans le coffre du véhicule, deux armes de poing, une carabine et un fusil.
Et sur eux, des cartes du redoutable SAC, le Service d'Action Civique, considéré par beaucoup comme une police parallèle au service du pouvoir. 

Il ne fait alors guère de doute que la cible de ces trois hommes était Marcel Lorenzoni, l'un des occupants de la cave d'Aléria en 1975.
Une figure du mouvement nationaliste. 
Prévenue la veille par un coup de fil anonyme. 

Les trois hommes, Pierre Bertolini, Alain Olliel, et Yannick Leonelli, sont retenus en otage. Les militants veulent médiatiser l'affaire, pour dénoncer les pratiques "barbouzardes" en Corse. 

Mais l'Etat ne va pas leur laisser le temps de tenir une conférence de presse. 
Les forces de police entourent le village, lourdement armées.

Dénoncer Francia

Les ravisseurs, qui sont une trentaine, parviennent à s'enfuir avec leurs otages et mettent le cap sur Ajaccio.
Ils trouvent refuge à l'hôtel Fesch, au cœur de la ville, le 8 janvier.

Le préfet est très clair : "Pas de tractations avec les preneurs d'otages, qui sont des criminels de droit commun. La légalité doit être respectée. Les forces de l'ordre sont renforcées". 

Une ville en état de siège

Les choses ne vont pas tarder à dégénérer. 
Dans la nuit du 9 au 10 janvier, à la suite d'une bousculade entre les CRS et des manifestants, l'un d'eux sort une arme et fait feu. 
Un policier, touché à la poitrine, décède. 

Un peu plus loin, un contrôle de véhicule tourne au drame. 
Une voiture est prise pour cible par des tirs de fusil-mitrailleur.
L'une des trois femmes à l'intérieur est tuée. 

La même nuit, un jeune homme de 23 ans est lui aussi tué par des coups de feu tirés par les forces de l'ordre, qui pensaient qu'il voulait forcer un barrage...

Des journalistes, des docteurs du SAMU tentant de porter secours à des blessés sont braqués par les policiers. 
La tension est à son comble.

3 morts 

Le 11 janvier, les militants retranchés dans l'hôtel se rendent. 
Ils descendent de Cour Napoleon en chantant, escortés par de nombreux sympathisants, pour rejoindre le commissariat. 
Huit d'entre eux seront condamnés, un an plus tard, à des peines de prison allant jusqu'à quatre ans d'emprisonnement. 

Quelques semaines avant les événements, Edmond Simeoni, dans les colonnes du quotidien Le Monde, reconnaissait "un léger tassement du mouvement autonomiste"

L'affaire Bastelica-Fesch a provoqué des mouvements de soutien massif envers les militants, et un regain du sentiment nationaliste au sein de la société insulaire, fortement marquée par l'illustration des pratiques de Francia, et par l'attitude de l'Etat français durant la semaine qu'a durée l'affaire. 

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