La Corse est dans un état important de sécheresse qui a conduit les préfectures des deux départements à des mesures de restriction de l’usage de l’eau. Paradoxalement, le niveau des barrages est élevé. Les explications d’Antoine Orsini, hydrobiologiste.
Les réserves en eau sont bonnes mais les perspectives pour la fin de l’été sont inquiétantes. Comment expliquer ce paradoxe ?"Ce n’est pas paradoxal. Il fait très chaud et on voit qu’il y a une surconsommation. L’agriculture a consommé de l’eau très tôt, dès le mois de février pour certaines plaines, pour ne citer que la Plaine Orientale.
Ces quantités d’eau stockées vont se réduire par évaporation et pour celles qui restent va se poser un problème de qualité. Avec le réchauffement, l’eau va être plus chaude et il peut y avoir par exemple des cyanobactéries qui peuvent être toxiques".
Début juin, des mesures de restrictions de l’usage de l’eau ont été prises en Corse. En Balagne, l’indice d’humidité des sols a été qualifié de très faible. Qu’est-ce que cela signifie ?
"Quand on regarde l’évapotranspiration, c’est-à-dire la végétation qui prend de l’eau dans les sols et l’a fait repartir par les feuilles, elle est aujourd’hui à Ajaccio de 1100 mm par an alors qu’il tombe à peine 600 mm d’eau.
Autrement dit, les sols s’assèchent et avec des températures élevées, s'assèchent plus encore plus. Il y a plus d’eau qui part qu’il en arrive avec les précipitations, c’est là cet indice. C’est ce qui donne aussi tous ces incendies précoces, comme on a pu voir dès le mois de janvier".
Ce temps est-il lié au réchauffement climatique ?
"Tous les vingt ans en Corse, on prend ½ degrés de plus sur la moyenne annuelle. On pourrait dire aussi que tous les dix ans, on gagne 5 jours de température supérieure à 30 degrés. En 2050, ce sera le climat de Tunis à Ajaccio".
La Corse est une île très riche en eau (8 milliards de m3 par an). La moitié disparaît dans la nature. Comment pourrait-on sauver une partie de cette eau perdue ?
"Il y a un moyen, c’est le stockage. Il faut l’augmenter. Par contre, je suis contre une politique de grand barrage qui ont un impact écologique important. Il faut en plus faire passer les poissons, il faut donc des "ascenseurs à poissons", ça coûte très cher.
Et quand on fait un grand barrage, ce sont des zones où l’évaporation de l’eau est importante aussi. Donc aujourd’hui la solution, c’est de faire plusieurs petites retenues d’eau".