L’ancienne présidente de la chambre consulaire comparaissait ce mercredi aux côtés de l’ex-directrice de l’aéroport d’Ajaccio et d’un entrepreneur. La justice leur reproche l’attribution frauduleuse de deux marchés publics
Des peines allant de 15 000 euros d’amende avec sursis à trois mois de prison avec sursis et 45 000 euros d’amende : c’est ce qu’a requis le parquet à l’encontre des trois personnes qui comparaissaient ce mercredi 10 février devant le tribunal correctionnel de Bastia dans un dossier de suspicion de favoritisme dans l'attribution de marchés publics.
Sur le banc des prévenus étaient assis Nathalie Carlotti, ex présidente de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse-du-Sud, Sandrine Ceccaldi, ancienne directrice de l’aéroport d’Ajaccio et Christophe Recco, patron de l’entreprise Recco Marine.
Sur le fond, il était reproché aux représentantes de l’aéroport d’Ajaccio et à la CCI 2A (autorité gestionnaire) d’avoir attribué illégalement à la SARL Recco Marine deux marchés publics concernant les moyens de secours nautiques dépêchés en cas d’accident d’avion.
Enquête préliminaire
L’enquête préliminaire, pilotée par le pôle économique et financier de Bastia avait démarré en 2014 par un signalement de la Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) aux autorités judiciaires.
Au cours de leurs investigations, les enquêteurs avaient découvert que le gérant de la société Recco Marine avait exagéré la présentation de ses moyens humains et matériels dans le mémoire technique adressé à la CCI pour soumissionner au marché, ce qui constitue une infraction. Pour autant, le ministère public avait choisi de ne pas engager des poursuites à l’encontre du seul entrepreneur mais de reprocher également des faits de détournement de fonds public par négligence et actif, ainsi que de favoritisme aux deux présidentes.
"Défaut de vigilance"
Une analyse des faits partiellement soutenue à l’audience par le procureur Arnaud Viornery qui a pointé « un certain nombre de défaut de vigilance » dans l’attribution des marchés et « une absence systématique de contrôles » du pouvoir adjudicateur. « Recco Marine a candidaté au premier marché avec un chiffre d’affaires bien plus faible que les sociétés concurrentes. Ce qui n’a éveillé aucun questionnement de la part de la CCI », a argumenté le représentant du ministère public. En répression, le magistrat a réclamé 15 000 euros d’amende avec sursis à l’encontre de Nathalie Carlotti, 15 000 euros d'amende à Sandrine Ceccaldi. Contre Christophe Recco, « le seul à avoir capté les fonds », trois mois de prison avec sursis, 45 000 euros d’amende et la confiscation du bateau ont été réclamés.
La présentation de l’accusation, on s’en doute, n’a pas été au goût de la défense des prévenus.
"Le pôle économique et financier a péché par orgueil"
En guise d’entrée en matière, Me Francesca Seatelli, avocate de l’ancienne présidente de la Chambre de commerce et d’industrie d’Ajaccio, a déposé des conclusions de nullité, arguant que le cadre de l’enquête préliminaire (pilotée par le parquet, sans juge d’instruction et sans possibilité pour les mis en cause d’avoir accès à la procédure, n.d.l.r.) et l'absence placement en garde à vue était un « non-respect du droit à un procès équitable et à l’égalité des armes dans la mesure où [sa] cliente n’a eu aucune possibilité de se défendre ou de connaître l’étendue et la cause de l’accusation portée contre elle au stade de l’enquête ».
Sur le fond, la pénaliste a fait valoir que « le contrôle et la bonne exécution du marché n’incombaient pas à madame Carlotti », laquelle "est au dessus de tout soupçon et n'a jamais été placée en garde-à-vue". D’ailleurs, a fait valoir l’avocate « une seule alerte va remonter à la présidente de la Cci d’Ajaccio et elle va mettre fin au marché ». Pour Me Francesca Seatelli "le pôle économique et financier a péché par orgueil en voulant poursuivre la hiérarchie de la CCi et en requalifiant au mépris des faits et du droits".
"Du mal à comprendre"
Intervenant aux intérêts de Sandrine Ceccaldi, Me Charlotte Cesari avoue « avoir du mal à comprendre » ce que le procureur pouvait reprocher à sa cliente, puisque « son analyse des marchés [a été] objective » et qu’à « aucun moment, la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) [n’a dit] que les moyens nautiques [n'ont pas été] mis en œuvre ». Enfin, Me Marie-Hélène Casanova-Servas, conseil de Christophe Recco, a rappelé que son client n’était pas poursuivi « pour ne pas avoir donné sa liste de salariés » (ni même pour escroquerie, n.d.l.r.) mais pour « recel », délit nécessitant une action « en connaissance de cause », ce qui n’était « pas le cas ».
Les trois avocates ont plaidé la relaxe de leurs clients. Le tribunal rendra sa décision le 23 mars prochain.