Après deux mois de fermeture forcée, en Corse, les salons de coiffure s’équipent pour accueillir de nouveau des clients.... mais pas comme avant. Et pas au même tarif.
Deux mois qu’on attend ce moment; qu’on essaye tout (e) seul(e) dans sa salle de bain, d’arranger sa frange, ces mèches dans la nuque qui virent bien malgré nous au style mulet, ce dégagement autour des oreilles qui paraît pourtant si facile à réaliser... quand c’est le professionnel qui s’y attèle, d’un coup de ciseaux expert.
Il est temps de l’admettre : les coiffeurs ont manqué à la grande majorité d’entre nous, et nous serons forcément nombreux à nous précipiter dans leurs salons dès le 11 mai. Selon une étude dévoilée par le quotidien Les Echos, 59 % des Français souhaitent se faire couper les cheveux dès la première semaine du déconfinement. « Nous sommes déjà complet pour les quinze premiers jours, presque trois semaines », explique la présidente de l’UNEC (union nationale des entreprises de coiffure) Corse, Marie-Jeanne Simonini, en parlant du salon cortenais qu’elle vient de transmettre à sa fille.
Nous sommes déjà complet pour les quinze premiers jours, presque trois semaines
Ni déco, ni café
Pour rattraper le temps perdu, les coiffeurs peuvent modifier les jours et les heures d’ouverture de leur commerce. « Comme il y a beaucoup de demandes, j’ai décidé d’ouvrir aussi le lundi et c’est déjà complet pour le 11 », explique Vanessa Brisard, qui tient un salon de coiffure depuis neuf ans à Ajaccio.Contente de reprendre le travail, après cette longue interruption, cette professionnelle se désole tout de même d’avoir dû vider son salon de l’avenue du Mont-Thabor de tout ce qui le rend chaleureux et convivial. La jeune femme a retiré la décoration, les magazines, les bijoux, les produits; supprimé la moitié des fauteuils de l’espace d’attente pour les écarter d’un mètre les uns des autres.
Mon salon comme ça, c’est froid, mais la profession nous recommande de vider au maximum pour faciliter le ménage
Quant à offrir le thé ou le café, il n’en est plus question, c’est désormais proscrit. «J’ai même dû enlever mon arbre lumineux ! Mon salon comme ça, c’est froid, mais la profession nous recommande de vider au maximum pour faciliter le ménage ». Car il va falloir nettoyer et désinfecter encore plus souvent qu’avant. « J’ai acheté du spray spécial pour désinfecter les outils, de nouveaux produits pour nettoyer le poste de travail entre chaque coupe », précise encore la patronne de ce salon qui compte une employée. Ces dépenses s’ajoutent à celle de la vitre en Plexiglas pour isoler la caisse, les serviettes et les peignoirs jetables qui ne sont pas encore arrivés, car il y a rupture chez les fournisseurs.
Une capacité d’accueil réduite...
Ces investissements sont indispensables pour garantir une reprise en toute sécurité et sérénité, mais ils sont d’autant plus lourds, après deux mois sans chiffre d’affaires, que les salons vont devoir réduire leur fréquentation. Dans le cas de Vanessa, ce sera pas plus de deux clients à la fois - séparés d’un fauteuil condamné. Un seul bac à shampooing utilisé. Et comme partout, il ne sera plus possible de réaliser un rafraîchissement impromptu : le rendez-vous, comme le lavage des cheveux sont désormais obligatoires... ou vont l’être sous peu.À ce jour, les professionnels de la coiffure attendent toujours le retour du gouvernement sur la fiche sanitaire qu’ils ont proposée en avril : la validation de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, est attendue le 7 mai. Mais tous ont anticipé la reprise pour adapter leurs locaux aux nouvelles conditions sanitaires, en suivant les règles édictées par l’UNEC qui regroupe 85 % des entreprises de coiffure en France.
... et des équipements draconiens
Outre le ménage, les produits, les distances de sécurité, l’union nationale des entreprises de coiffure a aussi préconisé que les clients viennent seul, puisque le nombre de personnes dans le salon est limité ; qu’ils se lavent les mains à l’entrée et portent un masque tout au long de l’intervention du coiffeur. « Il faudra que ce soit des masques avec les élastiques autour des oreilles, précise encore Vanessa, sinon on ne pourra pas travailler ».Un travail que le professionnel effectuera avec masque et lunettes, voire visière pour tailler les barbes. « Il sera très difficile de faire notre métier dans ces conditions, explique Marie-Jeanne Simonini, mais il faut le faire. Tout cela, ce n’est pas pour embêter qui que ce soit, c’est indispensable pour relancer l’activité et préserver la santé de tous. C’est ce qui prime. »
Hausse des prix inévitable
Conséquence de ces investissements comme de ces nouvelles conditions de travail : la hausse des prix est inévitable. « Il est certain que les tarifs vont augmenter, précise encore la présidente de l’UNEC Corse. En coiffure, les prix sont libres et l’union ne donne pas de conseils sur ce point même dans ce contexte particulier : chacun adaptera ses prix à ses charges, à la taille de l’entreprise, à sa nouvelle capacité d’accueil des clients et au coût du matériel acheté en plus de d’habitude ». La hausse va donc dépendre de l’effet du contexte sur le prix de revient.Chacun adaptera ses prix à ses charges, à la taille de l’entreprise, à sa nouvelle capacité d’accueil des clients et au coût du matériel acheté en plus
Elle pourrait aussi être conditionnée par le niveau de pertes liées au confinement. Pour atténuer le choc financier des deux mois d’inactivité totale, la profession espère obtenir l’effacement des charges de mars et d’avril. Les coiffeurs ont de même la possibilité de bénéficier d’un prêt à taux zéro remboursable sur un an. Une bouffée d’oxygène bienvenue pour renflouer leur trésorerie.
La coiffure en chiffres
Le secteur en Corse représente selon l’UNEC, 537 établissements de coiffure et 493 salariés.Au niveau national, avec 85.192 établissements, la coiffure occupe le 2ème rang des activités artisanales en France après la maçonnerie générale.
La profession compte 179.743 actifs, dont 112.243 salariés. Le chiffre d’affaires moyen par salon est de 76.000 euros par an. Soit pour les deux mois de fermeture, en moyenne 13.000 euros de chiffres d’affaires perdus.
Pour plus de détails : Se préparer à la reprise d'activité post Covid - UNEC