Une proposition de loi renforçant le pouvoir de la Collectivité de Corse contre la spéculation immobilière a été adoptée ce vendredi 4 février en première lecture à l'Assemblée nationale. Elle était portée par les trois députés nationalistes de Corse Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani et Paul-André Colombani et a été votée avec l'appui du groupe LREM, sans le soutien du gouvernement.
Malgré l'avis défavorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a voté en première lecture une proposition de loi contre la spéculation immobilière en Corse, proposée par le député (Liberté et territoires) Jean-Félix Acquaviva.
Porté par les trois députés nationalistes de Corse Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani et Paul-André Colombani, la proposition prévoit notamment de créer un droit de préemption spécifique pouvant être exercé par le président du conseil exécutif de Corse, ainsi qu'une taxe sur les résidences secondaires, dont le produit reviendrait à l'Assemblée de Corse. Le projet prévoit également la création de zones prioritaires au sein du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, le Padduc, qui permettrait d'empêcher toute construction de logement à des fins de résidences secondaires ou de locations saisonnières non professionnelles.
Jean-Félix Acquaviva l'a rappelé en préambule de la proposition de loi dont il était le rapporteur : "Le taux de résidences secondaires en Corse avoisine les 30%, il est trois fois supérieur à la moyenne française. Certaines villas proche du littoral peuvent se vendre jusqu'à 30.000€ du mètre carré et se louent facilement 10.000 ou 20.000€ la semaine, parfois bien plus en haute saison. Quand on sait que le revenu médian en Corse approche les 20.000€ annuels on mesure l'indécence de telles transactions."
"Voulons-nous que les insulaires n'aient le choix qu'entre partir, être dépossédés, ou devenir des indiens dans la réserve ?", a-t-il lancé.
Entre 2006 et 2019, le coût du logement a augmenté deux fois plus vite sur l'île que sur le continent (+68% en Corse), et le coût du foncier a augmenté quatre fois plus vite (+138%).
"Nous partageons les constats nous divergeons sur les solutions à apporter"
"Nous partageons les constats nous divergeons sur les solutions à apporter" a répondu la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourrault, qui juge la proposition de loi inconstitutionnelle car elle pourrait impliquer un non-respect du principe d'égalité, et du principe de non-tutelle d'une collectivité sur autre.
"La Corse n'est pas dans une situation qui justifierait l'attribution d'un pouvoir fiscal nouveau. Plusieurs départements ont un taux de résidences secondaires similaires ou encore supérieur à celui de la Corse", souligne-t-elle. A ce titre, elle estime qu'il pourrait y avoir une "rupture d'égalité devant l'impôt."
"La reconnaissance de la singularité de la Corse doit trouver une traduction à droit constitutionnel constant et sous une forme appropriée. Plusieurs pistes sérieuses ont été mobilisées ou pourraient l'être", juge la ministre qui invite par exemple à mobiliser l'Office foncier de la Corse. Cet organisme créé en 2014 peut déjà exercer un droit de préemption par délégation des communes.
Avis défavorable du gouvernement
En dépit de l'avis défavorable du gouvernement, le groupe majoritaire LREM a apporté son soutien à la proposition de loi. "En Corse, 40% des jeunes vivent aujourd'hui dans les villages, loin de tout. Les trajets domicile-travail sont difficiles. Les coûts de l'immobilier urbains impactés par le prisme spéculatif qui font que se loger aujourd'hui n'est pas accessible pour les primo-accédants. Ce phénomène ne doit pas être occulté", a déclaré Bruno Questel, vice-président du groupe La République en marche chargé des relations institutionnelles et avec les territoires.
La proposition de loi a été adoptée à main levée. Elle doit désormais être examinée par le Sénat avant une éventuelle adoption définitive.
Le député (LR) de la première circonscription de Corse-du-Sud Jean-Jacques Ferrara avait jugé le projet "déconnecté des réalités" lors d'une précédente séance à l'Assemblée nationale.
Le débat sur l'autonomie de l'île a ressurgi, au travers d'un article créant un droit d'expérimentation législative pour la Collectivité de Corse. La disposition a été validée, malgré le très fort risque d'une inconstitutionnalité.
La ministre a rappelé le projet de révision qui devait inscrire la Corse dans la Constitution et a échoué en 2018, ainsi que l'adoption définitive la semaine prochaine par le Parlement du projet de loi 3DS sur la différenciation. "Ce gouvernement est sur le chemin d'apporter les solutions que vous recherchez" mais dans le cadre constitutionnel actuel, a-t-elle assuré, alors que le sujet est sur la table des candidats à la présidentielle d'avril.