L’examen du texte, préparé par Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS), débutera mardi 10 mars à l’Assemblée nationale. Il prévoit notamment « une sédation profonde et continue » pour des patients incurables et dont le pronostic vital est engagé à court terme.
D'un côté un cardiologue, de l'autre un non-médecin. L'un est UMP, l'autre socialiste. Ils se sont affrontés sur la révision des lois de bioéthique il y a dix ans. Mais Jean Leonetti et Alain Claeys ont "convergé" sur la fin de vie, à la demande de François Hollande.
Les deux députés avaient été missionnés par Manuel Valls en juin dernier pour proposer des aménagements à la loi sur la fin de vie de 2005, dont l'auteur est Jean Leonetti lui-même. Le député-maire d'Antibes, entré à l'Assemblée en 1997, fait autorité à droite sur les questions d'éthique.
"La convergence a émergé en deux temps" au fil des auditions et d'un travail pointu de rédaction : "Elle a été plus facile sur les directives anticipées opposables" que toute personne pourra rédiger, puis s'est faite "sur le coeur de la mission, c'est-à-dire comment accompagner le patient pour une fin de vie apaisée", retrace Alain Claeys, député-maire de Poitiers, économiste de profession, très investi depuis son arrivée au Parlement, également en 1997, dans les questions de recherche.
En 2005, M. Claeys était le porte-parole des socialistes sur la loi Leonetti et avait contribué à ce que le texte soit adopté à l'unanimité. En 2011 les deux hommes avaient ferraillé sur la révision des lois de bioéthique, M. Leonetti comme rapporteur, M. Claeys comme président de commission spéciale, déplorant un statu quo sur la recherche sur l'embryon.
Mais ils ont conservé de "bonnes relations" et l'élu de la Vienne salue "l'ouverture d'esprit" et la "rigueur" de son collègue des Alpes-Maritimes, qui a accepté de remettre sa loi sur la fin de vie sur le chantier. Pour sa part, M. Leonetti loue la "fiabilité" de M. Claeys, avec qui il est "en confiance".
'Marié à sa loi'
Agés tous deux de 66 ans, le socialiste proche de Laurent Fabius, soutien sans faille de François Hollande, et l'ancien ministre, figure de l'aile centriste del'UMP, ont des sensibilités pour le moins très différentes.
M. Leonetti, s'il constitue une référence à l'UMP sur les questions médicales, est comme "marié à sa loi" de 2005, raillent certains. Et M. Claeys, salué comme "très posé et très politique" au sein du groupe PS, s'est laissé enfermer dans le cadre fixé par l'exécutif et n'a pris que tardivement conscience de la détermination d'une part de ses collègues à aller plus loin, grincent ceux-ci.
Au cours du travail commun Claeys-Leonetti, l'exigence d'un "esprit de rassemblement" s'est heurtée en plusieurs occasions aux convictions de chacun. Ainsi l'emploi dans la presse à l'automne du terme d'"aide à mourir" par le premier, qui n'est "pas hostile" à titre personnel au suicide assisté, heurte le second.
Mais la volonté d'aboutir de M. Claeys l'emporte. Sans "compromis" selon lui, sans "marchandage" d'après M. Leonetti. "Je ne suis pas en contradiction par rapport à la loi de 2005 et il n'y a pas de reniement de chacun", précise celui qui a été chef du service de cardiologie au centre hospitalier d'Antibes durant vingt ans.
Ils ont finalement proposé, dans leur rapport remis à François Hollande en décembre, la sédation "profonde et continue" jusqu'au décès pour les patients incurables et dont le pronostic vital est engagé à court terme. Cela va "améliorer très significativement la fin de vie de nos concitoyens", affirment en choeur les deux parlementaires.
En commission en février à l'Assemblée, quand l'un faisait part de son expérience de soignant ou citait Descartes ou Pascal, l'autre rappelait sans cesse "les demandes de nos concitoyens" et s'est fait le gardien de la proposition de loi face aux assauts de ses collègues de gauche.
Dans l'hémicycle mardi et mercredi, les deux hommes seront de nouveau côte à côte.