La juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Bordeaux enquête depuis la mi-décembre sur une escroquerie aux virements bancaires ayant atteint en quatre jours la somme de 17 millions d'euros. Cette escroquerie, apparue en 2013, aurait déjà entraîné quelque 200 millions d'euros de préjudice en France.
Le nom de la société victime et le mode opératoire exact n'ont pas été révélés, des opérations pour tenter de remonter la piste des auteurs sont en cours.
L'affaire a cependant été évoquée lors d'une audience solennelle de rentrée, vendredi au TGI de Bordeaux, dans le cadre d'un exposé sur ce nouveau
type de délit de plus en plus fréquent, sur lequel le parquet souhaite alerter les entreprises.
Le mode opératoire est souvent le même, a déclaré Pierre Bellet, vice-procureur à la Jirs: "Des personnes s'approprient toutes les données utiles sur une société, adresses e-mail, capital social". Elles sont capables de tout savoir "du nom du directeur, de son chien, en passant par son lieu de vacances".
Les malfaiteurs piratent ensuite un mail et envoient leurs instructions de virement en se faisant passer pour un dirigeant. Le comptable, souvent invité par l'escroc à agir dans l'urgence et à être discret, n'y voit que du feu et s'exécute.
Les sociétés victimes sont "très fragilisées", a encore noté le magistrat, en évoquant des trésoreries vidées aboutissant du jour an lendemain à des liquidations judiciaires, et des conséquences dramatiques au niveau humain, avec des licenciements pour faute, voire parfois des suicides.
Les auteurs, des véritables "Arsène Lupin de l'escroquerie", font transiter les fonds par différents comptes à l'étranger, souvent jusqu'à Hong Kong, et les sommes sont la plupart du temps irrécupérables, a-t-il précisé. "Ce qu'ils font en quelques jours nous prenons des mois à le retracer car il faut à chaque fois mettre en oeuvre l'entraide pénale internationale", a encore expliqué le magistrat.
"Il s'agit de réseaux organisés au niveau international en lien avec la mafia chinoise et israélienne en France, directement bénéficiaires de ces transferts", avait précisé M. Bellet lors de son exposé sur ce sujet au TGI.
La Jirs de Bordeaux enquête sur quatre affaires similaires, dont deux ont donné lieu à des ouvertures d'informations judiciaires.
Les Jirs de Rennes, Lyon et Lille notamment sont saisies d'affaires similaires.